98% des médecins informatisés utiliseraient une gestion
informatique du dossier médical patient
François
MORAND
24
avril 2001
C'est
pour tenter de mieux connaître leurs habitudes que le FORMMEL
(FOnds de Réorientation et de Modernisation de la MEdecine
Libérale) a lancé en 1999 une vaste étude sur
l'apport de l'informatique dans la pratique médicale libérale.
Les 64 000 médecins ayant bénéficié
de l'aide à l'informatisation du FORMMEL ont été
sollicités, et plus de 3 200 se sont portés volontaires
pour participer à ce test sur les services de l'informatique
médicale (à travers dix fonctions principales). Mais
malgré sa relative importance, il faut souligner que ce panel
n'est justement constitué que de médecins informatisés,
tous volontaires, mais non représentatifs de l'ensemble de
la population médicale. En effet, la proportion de spécialistes
est faible (12% contre 47% dans la population médicale),
de même que le nombre de femmes (11% contre 26% dans la population
médicale), alors que la moyenne d'âge est légèrement
inférieure (44,5 ans contre 46 ans dans la population médicale).
Cependant,
ce rapport très attendu, disponible
en ligne et riche en données, fait tout de même
apparaître de grandes tendances. Il souligne notamment le
succès remporté par le dossier médical informatisé
du patient, utilisé par quasiment tous les médecins
participant.
Plébiscite pour le dossier médical
Informatique en consultation ou en réseau
?
Le rôle de l'ordinateur dans la relation
médecin / patient
Plébiscite
pour le dossier médical
Si
98% des médecins utilisent la gestion informatique du dossier
médical du patient, il ressort de plus que cette assiduité
est vraiment totale (consultez également la rubrique dossier
médical sur notre site). En effet, les différents
modules de gestion du dossier sont pratiquement tous utilisés,
à l'exception notable du codage des diagnostics et des actes
:
Bien
sûr, les médecins utilisant ces fonctions depuis un
certain temps maîtrisent mieux l'outil, ce qui en facilite
l'intégration durant la consultation. Ainsi, 78% des médecins
utilisant le module depuis plus d'un an mettent moins de dix minutes
pour créer un nouveau dossier, contre seulement 54% de ceux
utilisant le module depuis moins de six mois. De la même manière,
les médecins utilisant le module depuis plus d'un an saisissent
majoritairement (à 85%) la consultation du jour directement
pendant la consultation : ayant le dossier devant les yeux, le dialogue
avec le patient est plus facilement engagé.
Par ailleurs, la possibilité d'éditer et d'imprimer
des documents est utilisée par la quasi totalité des
médecins, et il apparaît que cette fonction est celle
améliorant le plus la relation avec le patient (62% des cas).
Globalement,
même s'ils réclament plus de rapidité ou une
meilleure ergonomie (facilité et simplicité d'accès),
les médecins considèrent que le dossier médical
informatisé améliore la qualité de leur travail,
puisque 54% sont très satisfaits et 27% assez satisfaits
de l'ensemble des modules de gestion du dossier patient.
Informatique
en consultation ou en réseau ?
En
prenant en compte les utilisations conjointes des différents
modules, on constate qu'il existe deux grandes façons d'utiliser
l'informatique dans la pratique médicale : en consultation
et en réseau. Bien sûr, il n'y a pas de cloisonnement
entre ces deux types de pratique, l'une n'excluant pas l'autre,
ce qui induit l'existence de profils d'utilisateurs variables en
fonction de ces orientations.
En
effet, certains médecins ne voient l'informatique que comme
un complément pratique à l'activité médicale
en consultation, une sorte de transposition du papier vers la machine.
Ainsi, outre les éléments essentiels du dossier médical
du patient, ces praticiens utilisent notamment les modules d'aides
au diagnostic et à la prescription (comme la vérification
des contre-indications ou interactions médicamenteuses, les
fiches de transparence ou le choix de médicaments) et d'optimisation
médico-économique des actes et prescriptions (comme
la proposition de génériques, la consultation des
RMO ou encore le calcul du coût de l'ordonnance). Seule la
messagerie électronique parvient à retenir l'attention
de ces médecins.
Par
contre, d'autres médecins s'ouvrent également à
l'informatique en réseau. Leur ordinateur ne reste pas confiné
à la consultation au cabinet, mais devient un véritable
outil de communication et d'acquisition d'informations grâce
à Internet. Ainsi, ces praticiens utilisent les modules de
veille sanitaire, de forums, de consultation de bases de données
médicales, de participation à des études épidémiologiques
ou cliniques, ou encore d'échange de données dans
le cadre de réseaux de soins.
Ces deux types de populations d'utilisateurs ne restent pas antagonistes,
car l'utilisation de l'informatique en réseau peut être
parfois partielle et limitée. Le passage de l'informatique
en consultation à l'informatique en réseau requiert
en effet du temps et un délai d'apprentissage, et ce sont
donc généralement les médecins informatisés
depuis longtemps qui y ont le plus recours.
Le
rôle de l'ordinateur dans la relation médecin / patient
Il
ressort de cette étude que l'ordinateur est utilisé
de façon quasi systématique pour les médecins
informatisés depuis longtemps (88% chez les médecins
informatisés avant 1990). De la même manière,
les médecins "informaticiens" expérimentés
considèrent moins que les autres que le déroulement
de la consultation ait été modifié ou que la
durée de celle-ci ait augmenté suite à l'introduction
de l'ordinateur dans leur cabinet. Ainsi, l'utilisation de l'informatique
leur permet plutôt de gagner en efficacité (rapidité
d'accès aux informations, meilleure lisibilité, optimisation
du suivi des dossiers des patients).
Il leur semble également que les patients jugent de façon
positive cet apport de l'informatique dans la pratique médicale,
en reconnaissant son utilité et l'amélioration induite.
Selon les médecins, ils seraient en effet 91% à accepter
de façon positive ou très positive son apparition
dans le cabinet. Finalement, cela va aussi dans le sens d'une demande
grandissante d'information en santé de la part de ces patients
(lire aussi notre article : Prendre
sa santé en main grâce à Internet).
Globalement,
l'informatique médicale semble sortir gagnante de cette étude,
tant au niveau du confort et de la qualité de travail pour
le médecin que de l'utilité pour le patient. Bien
sûr, il reste encore quelques réticences ponctuelles.
Ainsi, les craintes pour la sécurité des données
ne sont pas dissipées, la manipulation de données
nominatives étant vécue comme un danger potentiel
pour le secret médical.
Par ailleurs, si le bilan de l'informatisation est particulièrement
probant pour les médecins généralistes, c'est
beaucoup moins le cas pour les médecins spécialistes.
En effet, l'intégration de l'informatique dans leur pratique
n'est pas parfaite, et nécessite notamment des formations
spécialisées et une uniformisation des standards des
logiciels pour l'échange de données.
Bien sûr, il faut prendre ces résultats avec réserve,
notamment à cause d'un biais certain dans la composition
du panel et de la déperdition de celui-ci en cours d'enquête
(seuls 77% des médecins volontaires sont allés au
terme de l'étude). D'autre part, on peut souligner le caractère
original de cette étude qui, dotée d'un budget d'une
quinzaine de millions de francs, est la première sur ce thème
à se dérouler exclusivement par l'intermédiaire
d'Internet.
Plus de chiffres dans la rubrique
informatisation et internet des chiffres en santé.
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