20
euros, et après ?
Hervé
Nabarette et Mathieu
Ozanam
12
juillet 2002
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Le
déséquilibre des comptes de la Sécurité Sociale
Pour
Jean-Marie Spaeth, Président de la CNAMTS, la prescription de génériques
devrait permettre de compenser le coût des 20 €uros, estimé
pour l’assurance maladie à 255 millions d’€uros. La limitation
du déficit dépendra du respect de l’accord par les médecins, et
d’une éventuelle baisse du nombre d’actes. Celle-ci serait le résultat
d’un arbitrage prix-volume, certains médecins travaillant moins
suite à l’augmentation du prix de la consultation qui leur permet
de gagner autant en diminuant le nombre de consultations. Cet effet
prix devrait néanmoins être faible, si l’on considère que le revenu
réel des généralistes s’est effrité de 0,5 % par an entre 1993
et 1999, du fait de l’augmentation des charges de 3,8 % sur
cette période, selon une étude de la DREES
(direction de la recherche, des études, de l’évaluation
et des statistiques).
Pour
cette année, un fort déficit est prévisible : 5 milliards d’€uros
selon Jean-Pierre Davant, le Président de la Mutualité Française.
Faut-il alors augmenter les recettes ? Jean-François Mattéi,
le nouveau ministre de la Santé, s'est déclaré "fondé"
à se poser la question d'une augmentation des cotisations sociales.
Mais pour de nombreux membres du gouvernement, dont son porte-parole
Jean-François Copé, il n'est pas question d'augmenter les cotisations,
la philosophie de la politique économique du gouvernement étant
au contraire de baisser les prélèvements obligatoires. Les partenaires
sociaux sont sur la même ligne : pour eux, l’accord devra être
auto-financé par la discipline des médecins.
Rémunérations des médecins : la boîte de Pandore
Le
débat tourne à la confusion inflationniste. Les pédiatres, les moins
favorisés des spécialistes, ont obtenu une hausse d’un peu plus
de 5 €uros, portant à 28 €uros le tarif de leur consultation
envers les enfants de moins de deux ans. Les pédiatres qui demandaient
30 €uros déclaraient ne pas être satisfait. MG-France a également
fait entendre sa voix, en réclamant les mêmes conditions tarifaires
lorsqu’ils reçoivent des enfants. Une façon de contenter l’aile
dure du syndicat de généralistes dont les dirigeants ont été accusés
de ne pas avoir été suffisamment en pointe dans le combat engagé
contre l’assurance maladie. Les membres contestataires de MG Vigilance
Action, à la tête desquels on trouve le Dr Philippe Sopéna, l’un
des leaders historiques du mouvement, ont décidé de lever des cotisations
pour le compte de leurs structures, entérinant de fait leur scission.
Cela pourrait avoir pour répercussions d’affaiblir la position de
MG France à la veille de l'enquête de représentativité qu’effectuera
prochainement l'IGAS, afin de déterminer quels sont les syndicats
à même de pouvoir signer une convention avec l’assurance maladie.
Partenaire zélé de l’assurance maladie, MG France a bien mal été
récompensé de sa participation à la vie conventionnelle, les résultats
de l’enquête sont donc attendus avec appréhension. Depuis le départ
du Président fondateur, Richard Bouton, le syndicat vit des heures
difficiles.
Quoiqu’il
en soit, Jean-François Mattéi (tropisme pédiatrique oblige ?)
s'est déclaré prêt à appuyer la demande d’égalité de traitement
des honoraires face aux enfants auprès de la CNAMTS. Mais les spécialistes
libéraux ont fait savoir qu'ils entendaient, eux aussi, obtenir
des augmentations tarifaires. Les infirmières, les sage-femmes et
les médecins urgentistes ne devraient pas tarder à se rappeler au
bon souvenir du ministre qui doit se préparer à passer quelques
nuits blanches. Conscient du problème posé par les revendications
catégorielles, le Syndicat des Médecins Libéraux (SML) appelle à
une négociation globale évitant le saucissonnage d’un traitement
séparé des spécialités.
Vers
une réforme plus globale ?
Comme
on le voit, les lettres clés apparaissent pour ce qu’elles sont :
un outil de politique salariale. Dans l’idéal, elles devraient se
fonder sur des travaux sérieux mesurant le temps passé, la dureté
effective, le niveau d’étude du praticien, les charges….. Dans cette
optique, la CSMF a récemment proposé une grille d'analyse de l'activité
médicale comprenant trois niveaux de consultation et applicable
à toutes les spécialités, y compris la médecine générale. Les spécialistes
de la CSMF distinguent trois niveaux d’actes de consultation. Au
niveau 1, l'acte de base se définit comme "la réponse à une
demande ponctuelle, ou suivi simple sans recherche de complications
ou de risque, ne s'inscrivant pas dans un projet de soins".
Au niveau 2, l'acte de synthèse ou d'écoute équivaut à un "acte
nécessitant une synthèse ou globale ou dans le champ de la spécialité
ou un acte long d'écoute". Enfin, au niveau 3, l'acte complexe
est un "acte de consultation approfondie". Pour ces trois
types de consultations, les spécialistes proposent trois tarifs,
respectivement de 23, 30 et 50 €uros, une revalorisation que
les spécialistes confédérés estiment à environ 1,08 milliards d'€uros,
y compris le ticket modérateur. Pour la CSMF, cette refonte doit
aller de pair avec celle des actes techniques (Classification commune
des actes médicaux) et les négociations conventionnelles qui vont
bientôt s'ouvrir. Pour les responsables de la confédération, la
nouvelle grille d'analyse de l'activité médicale devra s'étendre,
à terme, à la médecine générale, le C se calant sur les 23 €uros
du "niveau 1". Le document rédigé à partir de cette réflexion
a été transmis au Ministre de la Santé.
Si
la hausse du tarif moyen réclamé est difficilement acceptable en
l’état, il n’en demeure pas moins que la CSMF a amorcé une réflexion
intéressante. Il y a un an, le Groupe des 7 dont elle faisait partie
(avec le SML, la CGT, FO…) avait envisagé, contre une hausse de
tarif, une disparition du secteur 2 (Les chantiers de la réforme).
Un plafonnement des tarifs serait rationnel, car certaines assurances
"suivent" très haut dans leurs remboursements les hausses
de tarifs pratiquées, ce qui a pour effet d’"avaliser"
ces hausses, de contribuer à l’inflation des sommes consacrées à
la santé, et de rendre plus difficile l’accès à des soins de qualité
pour des patients dépourvus de mutuelle généreuse dans des villes
comme Paris. A la même époque (juillet 2001), le "Groupe des
14" (CFDT, MG France, Mutualité Française…), avait envisagé
de "nouveaux modes de paiement" (en dehors du paiement
à l'acte), et le Comité des sages qui avait été mis en place par
le gouvernement se prononçait pour des paiements au forfait, en
cas d'installation dans des zones "à faible densité médicale",
ou si le médecin s'engageait dans les gardes de nuit, dans des actions
de prévention, ou encore s'il respectait des règles de bonnes pratiques
médicales (prescription de génériques, formation continue)…
En
déclarant que la nouvelle loi de financement de la Sécurité sociale
allait mettre un terme définitif à la maîtrise comptable des dépenses
de santé, instaurée par le gouvernement d'Alain Juppé en 1995, Jean-François
Mattéi a rouvert le champ des renégociations. L'assurance maladie
et les syndicats de médecins ont d’ores et déjà commencé à mener
les premiers entretiens pour parvenir à trouver les termes d’un
nouveau partenariat. Le retour de la maîtrise médicalisée des dépenses,
les médecins devant respecter des contrats de bonnes pratiques,
permettra-t-elle de revenir à un équilibre des comptes de la sécurité
sociale ?
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