Dr Richard Guédon
Directeur médical chez Groupama
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Nous pouvons dire aux médecins partenaires ce qu'on
reproche à leurs pratiques, et à l'inverse,
ils peuvent pointer les dysfonctionnements de nos institutions.
C'est un vrai échange. "
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Propos recueillis par Dominique
Etienne et Corinne
Radal
24 avril
2001
Comment
avez-vous fait adhérer les médecins au projet et quelles
ont été leurs réactions face à un partenariat
avec un assureur privé ?
Groupama
est certes un assureur, mais c'est un assureur mutualiste, avec
des réseaux régionaux très forts. Groupama
est dirigé par des représentants élus par ses
sociétaires, ce n'est pas un assureur coupé des réalités
du terrain. De plus, l'expérimentation repose sur un partenariat
essentiel avec la MSA, régime obligatoire, bien connu des
milieux ruraux.
Concrètement,
les médecins de Groupama et de la MSA sont allés voir
les médecins un par un, à leur cabinet, en prenant
rendez-vous. Leur accueil a été pragmatique : nous
leur avons présenté le projet, ils nous ont écouté
et ceux qui y ont vu un intérêt ont adhéré.
Ils ont vu que nous leur donnions les moyens de faire un travail
collectif d'auto-analyse, sans rien imposer et sans mettre en avant
une contrepartie d'économie. Dans un système libéral
comme le nôtre, on ne peut être qu'incitatif si l'on
veut que ça marche. Et ça a marché, puisque
40% des médecins généralistes sollicités
ont adhéré au projet, ce qui est beaucoup dans le
monde médical.
De
plus, pour ne pas créer de problèmes sur le terrain,
notamment entre les médecins, nous avons d'abord proposé
l'adhésion aux médecins, puis nous avons demandé
aux assurés qui était leur médecin traitant
: nous n'avons ainsi recruté que les assurés de la
clientèle des médecins engagés dans le projet.
Au départ, le nombre d'assurés potentiellement concernés
était d'environ 12 000. Nous avons commencé par leur
écrire, en présentant le projet, puis nous leur avons
téléphoné, avec l'aide à nos réseaux
de proximité. Environ 4000 d'entre eux ont accepté
de participer à la filière. Nous ne connaissons pas
très bien les raisons pour lesquelles les gens n'ont pas
adhéré au projet. Je pense qu'ils n'en ont pas bien
perçu l'intérêt.
Nous
pensions avoir vraiment beaucoup de mal à recruter des médecins
et recruter plus d'assurés, et finalement c'est l'inverse
qui s'est produit !
En
quoi consistent les travaux des groupes de progrès et leurs
applications ?
Il
y a 11 groupes de progrès : 6 dans les Pyrénées-Atlantiques,
3 dans les Côtes d'Armor et 2 dans l'Allier. Chaque groupe
a choisi un sujet au début de l'expérimentation :
la moitié d'entre eux sont centrés sur la prise en
charge d'une pathologie précise, l'autre sur l'organisation
des soins.
Quand
le sujet concerne une pathologie, les groupes analysent leurs pratiques
et produisent des conduites à tenir, qui sont ensuite validées
par les comités scientifiques du projet.
Un groupe a par exemple travaillé sur l'hypertension, en
analysant sa pratique sur des cas concrets et en la comparant avec
les recommandations d'experts. Le bilan : la pratique courante des
médecins respecte les guidelines. Un autre a choisi de travailler
sur les infections respiratoires saisonnières. Là,
en revanche, l'analyse de leur pratique a révélé
aux médecins qu'ils prescrivaient trop souvent des antibiotiques
dans le cas d'affections virales, résultat qu'ils ont décidé
de faire évoluer.
Les
groupes produisent également du matériel d'information
pour les patients, par exemple sur le recours au médecin
généraliste en situation d'urgence la nuit.
D'autres
réfléchissent à des accords avec les spécialistes.
Par exemple on s'aperçoit que la communication fonctionne
mal avec les radiologues, et que beaucoup de radios sont ainsi faites
en double inutilement. Un des groupes travaille à renforcer
cette coordination.
Nous
favorisons évidemment la communication entre les groupes.
Plus l'expérimentation avance, plus les groupes sont intéressés
par ce que font les autres. Nous diffuse un bulletin d'information
sur les travaux et le résultats des différents groupes,
inter départements.
Par
ailleurs, des réunions entre les médecins et les assurés
sur les thèmes de travail des médecins commencent
à être organisées. La prochaine aura lieu dans
l'Allier , autour d'un carnet de dépistage réalisé
par les médecins, qui reprend tous les dépistages
adéquat en fonction de l'âge. Ce carnet sera ensuite
remis aux patients pour les rendre responsables en matière
de dépistage.
Enfin,
un suivi qualitatif et quantitatif est réalisé à
partir des statistiques de la MSA. Par exemple, les prescriptions
du groupe qui a décidé de changer ses habitudes concernant
les antibiotiques seront mesurées, dans une logique "
avant/après ". Pour le groupe qui s'organise avec les
radiologues, les prescriptions de radios réalisés
pour un même assuré pourront être étudiées.
Comment envisagez-vous la suite de " Groupama Partenaires Santé
" ?
Il
ne reste aujourd'hui que 6 mois d'expérimentation. C'est
court, aussi bien pour l'expérimentation elle-même
que pour son évaluation. Nous allons essayer de demander
une prolongation de 6 mois voire 1 an. Mais par définition
il y aura une fin puisque c'est une expérimentation. Nous
réfléchissons donc actuellement à d'autres
formes pour continuer ce travail. Le changement des conditions d'applications
de la loi sur les filières et réseaux, notamment la
régionalisation, ouvre des espoirs dans ce domaine. Cependant,
il est sûr que les résultats de l'évaluation
organisationnelle et économique de la phase en cours, auront
un rôle dans la pérennisation de cette action.
Il
serait en effet dommage de perdre la relation que nous avons instaurée
avec les médecins. La confiance s'est installée entre
eux et nos institutions. Nous, en tant qu'assureurs, pouvons leur
dire ce qu'on reproche à leurs pratiques, et à l'inverse,
ils peuvent pointer les dysfonctionnements de nos institutions,
par exemple ce que l'on rembourse ou pas. C'est un vrai échange
et un échange constructif.
Nous
souhaiterions aussi que certains groupes s'organisent autour d'un
système informatique qui leur permette d'optimiser leur travail
de réflexion commune. Ce n'était pas prévu
au départ. Nous avancerons probablement là-dessus
dans l'année qui vient. Cependant la mise en place d'un outil,
quel qu'il soit, sera toujours pragmatique, et devra répondre
à un vrai besoin, exprimé par les médecins
eux-mêmes.
Je
pense qu'en réalité, la problématique de la
pérennisation ou de l'extension de cette type d'action n'est
pas un problème d'argent mais un problème d'hommes.
Il s'agit de trouver les ressources humaines, très rares
aujourd'hui, qui soient capables de faire le pont entre la médecine
libérale et les institutions.
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24
avril 2001
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