Patrick Hassenteufel
Professeur de sciences politiques
à la Faculté de Droit de Rennes
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"G
7 - G 14 : Nous assistons quasiment à une campagne
électorale pour prendre la tête de la CNAMTS"
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Propos
recueillis par Mathieu
Ozanam
10 juillet 2001
Professeur
de sciences politiques à la Faculté de Droit de Rennes, Patrick
Hassenteufel, auteur de l'ouvrage "les Médecins face à l'Etat, une
comparaison européenne" (Presses de Sciences Po), nous livre son
analyse face à la multiplication des projets de réforme du système
de santé.
G7,
G14, Medef, Cnamts, Comité des sages, les projets de réforme
du système de santé se multiplient. Le mot d'ordre
commun ne serait-il pas la redéfinition des responsabilités
des uns et des autres ?
La
clarification du rôle de l'Etat et de l'assurance maladie
est un préalable à la mise en place de tout projet
de réforme. La conjoncture politique est marquée par
le renouvellement du Conseil d'Administration de la CNAMTS et l'ouverture
à la rentrée de la pré-campagne électorale
de 2002.
Or comme on le sait, ce n'est traditionnellement pas dans ces moments
que l'on met en oeuvre des réformes de fond.
N'est-ce
pas au contraire le bon moment pour faire naître un débat
public sur l'évolution du système de santé ?
Effectivement
l'un des intérêts des différents projets, c'est
de contraindre les acteurs politiques à prendre position.
Mais je vois mal un homme politique revendiquer l'étatisation
du système de santé au détriment de l'assurance
maladie. Nous assistons pourtant à une régionalisation
en trompe l'il avec des structures qui respectent davantage
une logique de pilotage fonctionnel du système et non une
plus grande autonomie régionale.
Quelle
est votre analyse des différentes propositions ?
Deux
projets différents s'affrontent dans la continuité
au positionnement face au plan Juppé, avec d'un coté
un front libéral CSMF, FM,F SML avec des soutiens de la CGT
et de FO dans les manifestations, de l'autre MG France qui soutenait
la réforme de 1996. Elément commun : la notion d'évaluation
qui semble imprégner petit à petit les esprits.
En
ce qui concerne le G7, on voit bien que la question du secteur II
a posé un problème à la FMF dont l'assemblée
générale a rejeté le projet négocié
pendant neuf mois par ses dirigeants. Je suis étonné
que le SML en accepte l'idée alors qu'historiquement sa création
est liée à la mise en place au secteur 2.
Quant au financement des propositions, nous sommes face à
une grosse ambiguïté du système français.
En effet même si les partenaires sociaux peuvent fixer le
montant des cotisations, il reste in fine aux mains de l'Etat, et
comme l'on sait que la conjoncture économique n'est pas aussi
bonne que prévue
Rien de neuf avec la proposition d'évaluation nationale et
régionale des besoins de santé. Elle existe déjà
avec les conférences régionales et nationales de santé
publique et le HCSP.
Il me semble que le G14 propose davantage de réformes structurelles
avec des pratiques plus coopératives de la santé,
qui tiennent au large éventail de ses participants au groupe
de réflexion.
Mais
le plus intéressant aujourd'hui réside davantage dans
la démarche que dans le contenu même des propositions.
Celle-ci s'inscrit dans une logique où les partenaires tentent
de constituer une majorité de projets à la CNAMTS,
en choisissant un regroupement par projet plutôt que par groupe
professionnel. Nous assistons quasiment à une campagne électorale,
programme contre programme, pour prendre la tête de la CNAMTS.
Que
peut-on attendre du "Grenelle de la santé" qui
a lieu le 12 juillet ?
A
priori je suis plutôt dubitatif. Le recours même au
terme de "Grenelle" montre que l'on joue sur une symbolique
en faisant référence aux négociations de mai
68 qui a été une période de redéfinition
des relations sociales en France. Nous ne sommes tout de même
pas dans le même contexte ! Le gouvernement est dans une logique
d'affichage qui donne le sentiment qu'il veut se rattraper face
à l'opinion publique après avoir négligé
les partenaires sociaux. Il reste également une inconnue
forte liée au retrait possible du Medef de la gestion de
l'assurance maladie sur l'air du "retenez-moi ou je fais un
malheur !".
Ce
qui est certain c'est que la fragmentation des acteurs tant au niveau
des professionnels de santé que des syndicats de salariés
affaiblit leur position face à l'Etat qui réussit
à faire passer le message de partenaires sociaux incapables
de gérer convenablement l'assurance maladie. Pour les rapports
Etat-assurance maladie, l'élément déterminant
c'est de savoir s'il y aura une majorité claire et cohérente
de projets à la tête de la CNAMTS.
On
parle de faire voter les assurés sociaux pour désigner
leurs représentants au Conseil d'administration de la CNAMTS
La
participation à ces élections avant 1983 et les lois
Auroux n'était pas très importante mais cela pourrait
malgré tout donner une plus grande visibilité aux
débats et contraindre plus fortement les différents
acteurs à se positionner. On remarquera que la question de
la place du patient n'est globalement pas très présent
dans les projets présentés.
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10
juillet 2001
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