Didier
Tabuteau
Directeur
de cabinet de Bernard Kouchner
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La
loi de modernisation du système de santé
est un événement rare.
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Propos
recueillis par Mathieu
Ozanam
19
novembre 2001
L'accès
direct au dossier médical est une très vieille revendication
des associations de patients. L'harmonisation avec les pratiques
de nos voisins européens a-t-elle joué un rôle
d'accélérateur pour la prise en considération
de cette demande ?
C'est
surtout le fruit d'un long travail de concertation de quatre années,
notamment à travers les Etats-Généraux de la
Santé en 1998-99 qui ont permis d'expliciter la demande,
de mieux la comprendre. Nous avons abouti ensemble à un texte
consensuel qui prend en compte les points de vue des organisations
professionnelles et des associations de malades.
Le
dossier partagé électronique est-il concerné
par cet accès direct ?
Les
patients qui le souhaiteront pourront exercer leur droit d'accès
à leur dossier. Cela concerne bien sûr toutes les informations
médicales.
Le
RSS sera-t-il amené à s'ouvrir aux patients ?
La
question n'a pas été tranchée. Mais il n'y
a pas de lien de cause à effet entre la loi et cette décision
d'ouvrir ou non le RSS aux patients.
L'accès
étant dorénavant possible sans la présence
d'un médecin intermédiaire, comment sera-t-il possible
de protéger une personne atteinte d'une pathologie incurable
qui découvrirait crûment un pronostic grave ?
Attention,
le patient est libre d'exercer ou non son droit. Lorsque l'on se
réfère à la pratique qu'en ont les pays qui
offrent déjà cette possibilité aux patients,
on constate que l'immense majorité d'entre eux ne demandent
pas à consulter leur dossier. De surcroît la loi prévoit
que les professionnels de santé peuvent recommander la présence
d'une tierce personne pour la consultation du dossier. Pour celles
qui le souhaitent, un accompagnement sera mis à disposition
notamment au sein des établissements.
L'indemnisation
de l'aléa thérapeutique sera supportée par
la solidarité nationale. Un " office national d'indemnisation
des accidents médicaux ", dont le financement sera assuré
par l'assurance maladie, est créé. Des augmentation
des cotisations seront-elles à prévoir ?
Je
ne pense pas que cela soit indispensable. Il faut souligner que
l'assurance maladie finance aujourd'hui déjà les quelques
indemnisations qui interviennent. De plus la montée en charge
du dispositif sera progressive. Son coût est évalué
à environ 1,5 milliards de francs en année pleine,
ce qui comprend à la fois le montant des indemnisations,
mais aussi le fonctionnement des commissions régionales de
conciliation et d'indemnisation, les expertises, etc
Enfin,
quand un hôpital est condamné, l'indemnisation est
prélevée sur sa dotation globale de financement. Son
ampleur sera simplement différente après l'application
de la loi.
Les
victimes de l'hépatite C se sont plaint d'être les
laissées pour compte du projet de loi
Le
projet de loi prend en compte l'indemnisation des seuls les hémophiles
contaminés six mois avant la promulgation de la loi.
L'article 61 du projet de loi crée un principe de présomption
d'imputabilité qui doit faciliter l'indemnisation des victimes
par le juge, lorsque la contamination a eu lieu antérieurement
à l'entrée en vigueur de la loi. Ce sera à
l'organisme ayant fourni des produits sanguins défectueux
de fournir la preuve que la transfusion sanguine n'est pas à
l'origine de la contamination, si celui-ci émet un doute.
Afin
d'éviter des poursuites judiciaires, des commissions régionales
d'indemnisations sont créées. Quelle sera la différence
avec les commissions de conciliation qui existent aujourd'hui dans
chaque établissement hospitalier ?
Les
commissions de conciliation en tant que telles n'existeront plus.
Les associations de patients jugeaient qu'elles ne pouvaient pas
réellement jouer leur rôle du fait de leur position
à l'intérieur des établissements de santé.
Elles deviendront des " commissions des relations avec les
usagers et de la qualité de la prise en charge " avec
une mission davantage orientée vers l'information du public.
Les commissions régionales de conciliation et d'indemnisation
auront donc l'avantage d'être extérieures à
l'établissement. Elles seront présidées par
un magistrat et comprendront des représentants des usagers,
des professionnels de santé, des établissements, des
compagnies d'assurance, et de l'office national d'indemnisation
des accidents médicaux.
Les
associations de patients ont déclaré qu'elles seraient
très attentives à l'évaluation des critères
de gravité et des montants des indemnisations
Ce
projet de loi a été rédigé du premier
au dernier mot en concertation avec tous les acteurs. C'est un événement
rare en terme de durée et du fait de son caractère
systématique sur tous les articles proposés. Nous
allons continuer pour les décrets, et ce dès le mois
prochain, sans attendre le vote définitif de la loi, afin
qu'elle puisse être très rapidement applicable.
L'une
des mesures symboliques de cette loi, c'est la promotion de la démocratie
sanitaire, en reconnaissant le rôle des associations de patients
qui siègeront au sein de " différentes instances
nationales ". Comment seront " agréées "
les associations ?
Les
critères reposent sur le caractère effectif et public
de l'activité de l'association en faveur des malades et des
usagers, sur ses actions de formation et d'information, sur sa représentativité
et sur son indépendance. Ils sont très directement
inspirés des associations de consommateurs ou de protection
de la nature et de l'environnement.
La
publication au JO est annoncée pour courant mars. Confirmez-vous
ces délais ?
Qui
peut aujourd'hui donner une date de publication, alors que la loi
n'est pas votée définitivement, même si son
adoption par l'Assemblée nationale a eu lieu sans opposition,
après un débat riche et ouvert. Ce qui est certain,
c'est que nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour que
le texte paraisse au Journal officiel en février ou mars
2002.
Il
a fallu attendre une dizaine d'années pour que la loi se
concrétise. Quel est le prochain grand chantier ?
Les
lois bioéthiques sont le prochain grand chantier. Il faut
toutefois signaler qu'ils n'ont pas manqué. Au cours de cette
législature ont été adoptées la loi
de sécurité sanitaire du 1er juillet 1998, la CMU,
la loi de modernisation du système de santé, restent
les lois bioéthiques.
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19
novembre 2001
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