Vitale
2 :
support de l’ordonnance ?
François
Resplandy
1er
février 2001
A
l’heure où les pouvoirs publics cherchent à généraliser la télétransmission
des feuilles de soins, l’ordonnance restera-t-elle un des derniers
supports d’information en papier du système de santé français ?
En
1998, dans le cadre du plan de lutte contre la douleur, Bernard
Kouchner a annoncé un certain nombre de mesures. Parmi celles-ci,
la création d’ordonnances sécurisées visait à faire disparaître
le carnet à souche et donc à faciliter la prescription de stupéfiants.
La généralisation de l’utilisation de ces ordonnances à toutes les
prescriptions devaient avoir lieu à partir du 1er octobre
2000. Les syndicats de médecins y étant farouchement opposés, celle-ci
a été reportée de 2 ans par le ministère dont le communiqué précisait :« Le
délai de deux ans sera mis à profit pour trouver, à travers une
large concertation, la solution la plus adaptée à la mise en oeuvre
du plan de lutte contre la douleur, tout en prenant en compte les
préoccupations légitimes qui ont été exprimées et les évolutions
en cours dans le domaine de l'informatisation des cabinets médicaux. ».
L’idée
d’une ordonnance électronique ferait donc son chemin au sein des
pouvoirs publics. La carte Vitale 2 en sera-t-elle le moyen de transport ?
Comme l’a rappelé Jean Parrot, Président de Conseil National de
l’Ordre des Pharmaciens, la télétransmission directe de l’ordonnance
du médecin au pharmacien ne peut pas se faire sans risques de dérives,
d’ententes ou de compérages (lire notre article : E-pharmacie en France : résistance des
pharmaciens). Il est donc nécessaire de conserver une étape
intermédiaire qui garantisse au patient le choix de son officine.
Cette étape intermédiaire pourrait être une ordonnance électronique
stockée sur Vitale 2 ou l’utilisation d’un dossier médical distant
accessible par Internet.
Pour
l’instant, au sein du ministère de la Santé, la future carte Vitale
2 est vue comme une carte-pointeur c’est à dire une carte d’identification
qui pourra contenir, dans un volet médical, des données d’urgence,
les antécédents médicaux et le traitement en cours. L’idée des pouvoirs
publics est de donner aux patients la possibilité de s’identifier
et de maîtriser, à terme, les droits d’accès au dossier médical
(lire notre interview : Entretien
avec Michel Villac).
Il
était déjà prévu que la carte Vitale permette de conserver l’historique
des FSE sur 3 mois pour que l’assuré puisse se faire rembourser
aux guichets des CPAM. Un principe similaire pourrait être appliqué
aux ordonnances avec un système d’activation ou de validation de
l’ordonnance empêchant le patient de se faire délivrer deux fois
les médicaments. On peut très bien imaginer le médecin charger l’ordonnance
dans la carte du patient. Celui-ci peut ensuite aller à la pharmacie
de son choix, présenter son ordonnance et s’identifier grâce à sa
carte puis récupérer ses médicaments pendant que le pharmacien désactive
ou détruit l’ordonnance électronique sur la carte. Un tel schéma
risque de poser rapidement le problème de l'archivage des
ordonnances.
Le
dossier médical en ligne pourrait entrer en jeu à ce niveau, l’ordonnance
pouvant y être conservée dès la prescription puis archivée. La conservation
des données à distance chez un acteur indépendant pourrait être
un bon compromis entre les pouvoirs publics et les professionnels
de santé. La Sécurité Sociale serait gagnante puisque la fiabilité
augmentée ne pourra qu’avoir des retombées financières positives.
De plus, par ce biais, la sécurisation des ordonnances sera maximale
et la difficulté à les falsifier quasi insurmontable. Les professionnels
de santé ne seraient pas en reste. Les médecins qui réfutent l’actuelle
ordonnance sécurisée pour son prix et ses avantages discutables
pourraient y voir une échappatoire intéressante puisqu’un grand
nombre informatisent déjà leurs ordonnances. Les pharmaciens seraient
les grands gagnants avec un gain de productivité non négligeable :
plus de saisie manuelle des ordonnances, des noms et adresses des
patients et des médecins, sans parler de la fiabilité d’une ordonnance
lisible !
La
télétransmission des feuilles de soins électroniques (FSE) a déjà
affranchi le patient du remplissage des feuilles de soins et de
leur envoi par courrier. Elle a permis un gain de temps et de fiabilité
pour le patient et la Sécurité Sociale, un peu au détriment du médecin
car le système présente encore quelques faiblesses. Dans le cas
du pharmacien, le tiers-payant implique déjà depuis longtemps une
télétransmission des factures subrogatoires et la télétransmission
des commandes est une réalité quotidienne. La pharmacie est donc
depuis longtemps informatisée et connectée. Le passage à une norme
de communication plus moderne permettant un accès à Internet aura
lieu de toute façon avec la généralisation des FSE. L’officine n’aura
donc aucun mal à s’adapter.
Les
professionnels de santé, de plus en plus largement informatisés
et connectés à Internet, sont donc techniquement prêts. André Loth,
responsable du pôle SESAM Vitale à la CNAMTS,
prétend que la réflexion sur la possibilité de conserver des ordonnances
dans le volet santé de Vitale 2 est très avancée. Aujourd’hui, le
décret en Conseil d’Etat qui est sensé fixer le contenu et les conditions
d’accès au volet de santé de la carte Vitale 2 est donc patiemment
attendu par tous.
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1er
février 2001
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