Les
magistrats
au secours du
libre jeu
de la concurrence ?
Nathalie
BESLAY,
Avocat au Barreau de Paris
19
février 2001
Le
libre jeu de la concurrence constitue l’un des principes fondamentaux
de l’équilibre et de la dynamique de marché. L’Union Européenne
(UE), et avant elle, la Communauté Economique Européenne (CEE) en
ont fait l’un des piliers de la construction du marché commun, en
introduisant au sein des traités des dispositions organisant la
libre circulation des marchandises et des services et l’encadrement
du respect du libre jeu de la concurrence. De leur coté, la plupart
des Etats membres ont intégré des dispositions à leur système de
droit sanctionnant les abus intervenant sur leur marché par les
opérateurs économiques.
Dans ce
contexte, les acteurs économiques appartenant aux Etats membre de
l’UE disposent à la fois des voies d’action au sein de leurs pays
d’origine, et de recours pouvant être introduit devant les institutions
européennes. Tous ces recours ne sont pas directs, mais ils offrent
aux justiciables européens, entreprises ou particuliers, des voies
de droit « supra-nationales » qui peuvent avoir pour effet
dans la plupart des cas de faire sanctionner leur propre gouvernement.
Les aides d’Etat « sous
contrôle judiciaire européen »
Les recours devant
la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE)
Les aides d’Etat « sous
contrôle judiciaire européen »
Dès
1971, la Commission, dans son premier Rapport sur la politique de
concurrence, indiquait qu’ « une aide d’Etat implique
généralement un conflit d’intérêt entre les agents économiques qui
en bénéficient et leurs concurrents qui, corrélativement se trouvent
mis dans une position moins favorable sur le marché communautaire
que celle qui serait normalement la leur ».
En s’engageant
à construire l’Europe par la signature de Traités, les Etats membres
se sont dans le même temps engagés à ne pas favoriser telle ou telle
entreprise ou catégorie d’entreprise en soutenant artificiellement
leur croissance, ou leur maintien sur le marché, par l’octroi d’aide
économique. Ainsi le Traité de l’UE prévoit-il : « Sauf
dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec
le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges
entre les Etats membres, les aides accordées par les Etats au moyen
de ressources d’Etat sous quelque forme que ce soit, qui faussent
ou menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises
ou certaines productions. »
Peu
importe la nature de l’aide : subvention, diminution des ressources
étatiques par l’octroi d’avantages fiscaux, bonification d’intérêts,
exonération de taxes parafiscales. Et peu importe que l’aide ait
été accordée directement par l’Etat, par une entité étatique décentralisée
(régions, département…) ou par l’intermédiaire d’un organisme public
ou privé institué par l’Etat. Sur ce point les entreprises publiques
et privées sont sur un pied d’égalité.
Ainsi
une entreprise privée concurrente d’une entreprise publique peut-elle
demander que les ressources publiques dont bénéficient cette dernière
soit vérifiées au regard des dispositions en matière de prohibition
des aides étatiques restrictives de concurrence. C’est ce que projettent
de faire les fédérations de cliniques face aux subventions accordées
à l’hospitalisation publique qui seraient, selon elles, un facteur
de distorsions de concurrence.
Enfin
l’origine des fonds peut être privée (prélèvement obligatoire),
une aide étatique recouvrant cette qualité dés lors que les fonds
ainsi prélevés ont été affectés par un acte de puissance publique.
Evidemment,
une aide étatique n’est interdite que si et seulement si elle affecte
ou est susceptible d’affecter les échanges entre les Etats membres
ou le libre jeu de la concurrence. Par exemple, une aide à l’embauche
ne constitue pas une aide interdite (Décision 93/193/CEE de la Commission
Européenne 23 décembre 1992).
Il
est possible que soient accordées des dérogations aux aides interdites :
-
De
plein droit pour les aides à caractère sociale accordées
aux consommateurs sans discrimination liées à l’origine des
produits, et pour les aides ayant vocation à remédier aux catastrophes
naturelles ou à d’autres événements extraordinaires,
-
Sur
proposition de la Commission pour les aides destinées à
favoriser le développement économique des Régions dans lesquelles
le niveau de vie est anormalement bas ou dans lesquelles sévit
un grave sous-emploi,
-
Sur
autorisation du Conseil de l’UE, et par exemple les aides
en faveur des PME, de la protection de l’environnement.
Les
justiciables ne disposent pas de recours directs contre les aides,
seule la Commission Européenne exerce un pouvoir de contrôle et
de sanction à partir des notifications des aides mises en œuvre
par les Etats membres et que ces derniers doivent obligatoirement
lui adresser.
Le
silence gardé de la Commission pendant deux mois à compter de cette
notification, et avisé par l’Etat concerné de l’expiration de ce
délai, permet à ce dernier de mettre en œuvre l’aide envisagée.
Les personnes intéressées disposent alors du recours en annulation
de cette décision tacite ou formelle de compatibilité devant la
Cour de Justice des Communautés
européennes. Même sans recours direct contre les aides, les
entreprises nationales peuvent déposer des plaintes à la Commission
Européenne. Celle-ci pourra alors exercer ses pouvoirs à l’égard
des aides interdites. Les sanctions peuvent aboutir au retrait des
aides accordées, et même dans certains cas, à la restitution des
sommes perçues au titre du rééquilibrage du marché.
Suite
et fin (2/2)
19 février 2001
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