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RATIO COUT EFFICACITE
DU TRAITEMENT DE LA LEUCEMIE
PAR LA GREFFE DE MOELLE OSSEUSE

Flavic CAMARD

1er janvier 1995


Le recours à la greffe de moelle osseuse s’est répandu ces vingt dernières années, depuis la démonstration faite au cours des années 1970, que la radio-chimiothérapie à doses massives - appelées conditionnement - associée à une allogreffe parvenait à guérir certaines leucémies de mauvais pronostic.

En effet, la greffe permet de pallier en partie à trois inconvénients majeurs, qui sont à l’origine de rechutes, après un traitement par chimiothérapie. La chimiothérapie n’atteint pas les cellules leucémiques résiduelles, celles-ci n’ayant pas encore atteint la phase de prolifération. De plus, certaines cellules sont chimiorésistantes, alors que d’autres siègent dans des sanctuaires inaccessibles. Or, la réémergence de la prolifération leucémique réduit sensiblement les chances de survie du patient.

Les ratios coût-efficacité relient les coûts d’une action médicale à ses conséquences exprimées en unités physiques (années de vie sauvées, nombre de maladies évitées...). Ils utilisent une procédure d’agrégation dont la nomenclature se compose d’un critère non monétaire (critère d’efficacité) et de critères dont les unités s’expriment en quantité de monnaie.

La leucémie est un cancer du sang, son traitement par greffe de moelle osseuse, a pour objet d’éradiquer le clone leucémique pour permettre la restauration d’une hématopoïèse normale et le repeuplement de la moelle par des cellules cytogénétiquement normale. Il permet en plus d’administrer des posologies médicamenteuses 3 à 8 fois plus intenses que lors d’une cure de chimiothérapie conventionnelle et donc d’obtenir un taux de réponse élevé dans le cas de tumeurs résistantes et récidivantes. Le cas des leucémies aiguës myéloïdes et lymphoblastique sera plus particulièrement étudié.

La rémission est considérée comme complète lorsque le nombre des cellules leucémiques est réduit à un niveau indétectable et celui des leucocytes et des plaquettes redevient normal. Mais, la durée de rémission et la survie globale restent faibles chez ces patients.

Si le traitement de la leucemie par la greffe de moelle osseuse est lourd et très couteuxD

A. Les différents types et méthodes de greffe de moelle osseuse

Quel que soit le type de greffe de moelle osseuse envisagé, les traitements conditionnants administrés aux leucémiques sont souvent identiques et toujours myéloablatifs. La préparation des patients à la greffe comprend en général une irradiation du corps entier, en une seule séance ou fractionnée, plus du cyclophosphamide ou du melphalan ou encore du busulflan associé à un alkylant.

Les différents types de greffe de moelle osseuse

Dans le cas de la greffe de moelle osseuse autologue, la moelle est prélevée chez le patient lui-même, avant le conditionnement.

L’autogreffe élimine le risque de réactions immunitaires, mais comporte un risque de contamination du prélèvement par des cellules tumorales. La sélection des cellules saines de la moelle autologue est obtenue, par un traitement chimique visant à détruire les cellules malignes ou par une sélection positive au moyen d’anticorps monoclaux. Elle ne permet cependant que de pallier partiellement à ce risque.

Les allogreffes proviennent de moelle osseuse saine, fraîchement prélevée et laissée intacte ou dépletée en cellules T. La plupart des donneurs diffèrent génétiquement du receveur; il s’agit habituellement de frères ou de soeurs porteurs des mêmes antigènes HLA (associés aux leucocytes humains). Ces antigènes sont reconnus par les lymphocytes T et identifient les cellules comme étant "propres" ou "étrangères" à l’organisme. Comme chaque individu hérite d’un haplotype HLA de ses parents et qu’il n’existe que quatre haplotypes différents par famille, chaque malade a 25% de chances d’avoir un frère ou une soeur de génotype HLA identique. Des greffes de moelle provenant de donneurs non apparentés, mais compatibles, peuvent également réussir, grâce à l’existence de banques internationales de moelle. En pratique, la greffe de moelle osseuse allogénique n’est réalisable qu’auprès de 20% des patients, du fait du nombre limité de donneurs apparentés ou non ayant un système HLA identique.

En théorie, les greffons syngéniques sont la source idéale de moelle car ils proviennent de jumeaux sains dont tous les loci génétiques sont identiques. Mais la réduction du risque de réaction du greffon contre l’hôte, fait aussi perdre l’effet du greffon contre la leucémie et la probabilité de récidive est donc plus forte qu’avec les greffes allogéniques.

Les techniques de greffe de la moelle osseuse

Sous anesthésie générale, 400 à1000 ml de moelle sont prélevés en pratiquant plusieurs aspirations dans les crêtes iliaques du donneur. La moelle est ensuite déposée dans un milieu de culture tissulaire hépariné et filtré à travers une grille métallique pour éliminer les débris osseux et tissulaires. Hormis une douleur locale d’intensité variable, le donneur est en principe indemne de complications.

La greffe de moelle osseuse autologue nécessite le plus souvent la cryoconservation des cellules médullaires viables prélevées pendant une rémission induite par la chimiothérapie. Dans le cadre des autogreffes, la moelle osseuse est épurée in vivo à l’aide d’anticorps et/ou d’agents alkylants. L’impact de cette manipulation sur la survie des patients suscite des controverses. Elle est ensuite souvent déplétée en cellules T, ce qui permet de réduire notablement le risque de réaction du greffon contre l’hôte.

Après une greffe de moelle osseuse, la restauration des fonctions immunitaires du patient est assurée par les vestiges de son système immunitaire initial, les cellules du donneur dotées d’une activité immunologique et la régénération des fonctions immunitaires à partir des cellules souches perfusées. Tous les receveurs d’une greffe de moelle osseuse accusent un déficit marqué de la plupart des fonctions immunitaires pendant les 4 à 5 premiers mois. Parmi ceux qui survivent en bonne santé, certains présentent des anomalies persistantes des lymphocytes B.

B.  Un traitement aux coûts très élevés

L’hôpital est caractérisé par une gestion sans information, en raison de l’opacité qui recouvre les activités médicales, et de l’absence d’un système d’information médicalisé. La non-transparence des activités médicales a trois causes principales: la volonté des médecins de conserver leur liberté d’action, leur crainte d’être évalués et que leur efficience soit mise en doute. Par conséquent, toute évaluation du coût réel des soins est très difficile.

La plupart des unités de production de soins, à l’origine de la plus grande partie des informations produites à l’hôpital ne sont pas informatisées. De plus, la gestion des dossiers médicaux sous forme "papier" est totalement archaïque, elle limite considérablement la collecte de données. Elle peut même pénaliser l'avenir du malade en cas de perte d'informations au cours de son hospitalisation.

Dans le cadre de la tarification hospitalière applicable depuis le 1er janvier 1994 à l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), la greffe de moelle osseuse est considérée comme une spécialité très coûteuse. Le tarif journalier pour cette prestation est fixé à 9913 F: il comprend les frais de soins et d’hébergement. Ce montant est facturé aux malades non couverts par un régime d'assurance-maladie et sert de base au calcul de la participation laissée à la charge des assurés. A titre de comparaison, la tarification journalière applicable est de 2 651 F en médecine.

En 1993, 224 allogreffes ont été réalisées ainsi que 257 autogreffes (nombres qui restent stables par rapport à 1992) à l’AP-HP. La durée minimum du séjour hospitalier nécessaire à la réalisation d'une greffe est de 120 jours.

On estime que la réalisation d'une allogreffe coûte environ 600 000F par patient en incluant les coûts des actes précédant sa réalisation ainsi que son suivi. Cependant, il n'existe pas d'étude précise chiffrant le coût d'un tel acte. Il est probable que ces coûts ne sont pas les mêmes suivant les services d'hématologie concernés, car leur productivité respective est différente.

Les différents services d'hématologie disposent d'un effectif médical et non médical important, or les frais de personnel représentent environ 90% des coûts de fonctionnement de l'hôpital.

Par exemple, le personnel non médical est de 42 membres dans le service d'hématologie pédiatrique de l'AP-HP comprenant 20 lits budgétisés, décrit ci-dessous.

GRADE EFFECTIF

Surveillante Générale 1
Surveillante 1
Puéricultrices 5
Infirmières 22
Aides-Soignantes 6
Auxiliaires de Puéricultrice 5
Secrétaires Médicales 2
TOTAL EFFECTIF 42

Au personnel non médical, il faut ajouter l'effectif médical composé de 3 internes, de 2 chefs de clinique à plein temps et d'un chef de service. A cela, s'ajoutent 39 vacations, d'une durée de trois heures et demie chacune, ce qui équivaut à quatre temps complet.

Ce service a réalisé 15 allogreffes en 1992 ainsi que 3 autogreffes. Son taux d'occupation est de 59.54% en 1994.

L'allocation des ressources entre les différents services d'hématologie n'est pas optimale au sein de l'AP-HP. Les services d'hématologie ont des taux d'occupation très différents allant d'environ de 35 à 97%. Or la répartition du personnel s'effectue, dans les faits, plus en fonction du nombre de lits budgétisés que de leur taux d'occupation réel.

La dotation budgétaire de chaque hôpital se calcule en tenant compte d'une variation annuelle en pourcentage, identique pour tous les hôpitaux, fonction du taux directeur (effet prix, charge salariale). A cela, s'ajoute une variation en plus ou en moins pour chaque hôpital, fonction de son écart de base budgétaire (base budgétaire réelle comparée à la base budgétaire obtenue en cas de répartition équitable de la dotation entre les hôpitaux de l'AP-HP) et une dotation budgétaire "mesures nouvelles", variable pour chaque hôpital, liée à son classement dans une ou plusieurs actions spécifiques, annoncées chaque année dans la lettre de cadrage. Mais, l'un des paramètres important dans la détermination de la dotation budgétaire est la variation en plus ou en moins pour chaque hôpital, fonction de l'évolution de son activité. L'activité d'un hôpital pour une année est comparée à celle activité du même hôpital l'année précédente. L'unité de mesure actuelle est l'activité convertie (admissions converties + consultations externes). L'AP-HP calcule le coût moyen en dépenses médicales, dans l'ensemble de ses hôpitaux de court séjour, d'une admission dans un lit de médecine. Chaque catégorie de lit est affectée d'un coefficient de pondération, l'indice 1 étant celui de la médecine. L'effet activité est établi pour chaque hôpital en multipliant le nombre d'admissions par ce coefficient (admissions converties) et en comparant cette valeur au nombre d'admissions de l'année précédente multiplié par ces mêmes coefficients de pondération.

Chaque admission en greffe de moelle osseuse, spécialité très coûteuse, est affectée d'un coefficient de pondération très élevé de 24.79 contre 10.09 en hématologie très spécialisée. En effet, la technique de la greffe nécessite des compétences très spécialisées et des soins nombreux, pour favoriser son succès. La comptabilité analytique de l’AP-HP ne permet pas d’évaluer le coût réel d’une greffe, mais montre les différents postes de dépenses du service d’hématologie étudié dans le prix de revient par journée. Le total par journée est de 7 259.50F réparti entre les frais de personnel (2 735.13 F); les produits et actes médicaux (3 643.66 F); les dépenses hôtelières et travaux (616.25 F) et les frais divers (364.46F ). Le coût du séjour moyen est de 141 850 F. Les services d'hématologie disposent de moyens matériels et humains importants. Mais, ces coefficients, qui servent aussi de base au calcul des budgets accordés aux cliniques privées sont relativement anciens et peu représentatifs de la réalité. De plus, en raison de l’absence d'un système d'information fiable, certains patients sont considérés dans ces services comme étant traités pour recevoir une greffe de moelle osseuse, alors qu'il ne sont par exemple là que pour de simples examens de contrôle. Or, ces prestations sont beaucoup moins coûteuses. Le coût réel d'une greffe n'est donc pas précisément connu. Cependant, il est certain que celui-ci peut être diminué grâce à une gestion plus efficace et rationnelle de l'hôpital.

Le service d'hématologie de l'Hôpital de Haut Levêque (CHR Bordeaux), a réalisé une étude* des coûts directs des greffes de moelle osseuse allogènes et autologues et de la chimiothérapie sur un échantillon de 40 patients adultes, âgés de moins de 55 ans, atteints d'une leucémie aiguë myéloïde et en première rémission complète, soignés entre 1984 et 1989. Quatorze malades ont été traités par greffe de moelle osseuse allogène, onze par greffe de moelle osseuse autologue et quinze par chimiothérapie. Le coût moyen de ces différents traitements incluant le coût estimé d'une rechute (266 436 F), en fonction de sa probabilité calculée par rapport à la population originale étudiée, est sensiblement plus élevé pour l'allogreffe (424 696 F) contre (505 364 F) pour l'autogreffe. Le coût du traitement par chimiothérapie est évalué à 304 846 F.

2. SON EFFICACITE EST RELLE BIEN QUE LIMITEE

A.  Indications et résultats cliniques de la greffe de moelle osseuse

Le recours à la greffe de moelle osseuse dans le traitement de la leucémie est relativement récent, ce qui limite les connaissances sur les conséquences à long terme de cette méthode.

Leucémies aiguës myéloïdes

En 1992, 975 hommes et 751 femmes sont décédés de cette leucémie, il n'existe pas de statistiques précises définissant le nombre de personnes atteintes de cette maladie. Avec le traitement classique des leucémies aiguës myéloïdes (LAM), le taux de survie sans rechute est de 20 à 35%. Pendant la première rémission complète, la greffe de moelle osseuse allogénique offre une probabilité de rémission de 40 à 60% et constitue le traitement de choix pour les patients de moins de 30 ans. L’âge est un facteur pronostique important. Au-delà de 40 ans, le taux de survie se réduit en effet à 30% environ. Chez les patients plus âgés, les avantages et les inconvénients toxiques de l’allogreffe sont donc à mettre en balance.

La greffe de moelle osseuse autologue permet d’obtenir un taux de survie sans rechute à 5 ans de 30 à 50% et représente donc une alternative à la chimiothérapie classique ou à la greffe de moelle osseuse allogénique chez les malades de plus de 30 ans ou se trouvant en deuxième rémission.

Au cours d’une étude prospective, des patients atteints de leucémie aiguë myéloïde ont reçu une greffe de moelle osseuse autologue (n=32) ou allogénique (n=21) dans les quatre mois suivant l’obtention de la première rémission complète. Au terme de quatre ans de suivi, le taux actuariel de survie sans rechute s’est élevé à 38% parmi les patients ayant reçu une greffe de moelle osseuse autologue, contre 52% parmi les receveurs d’une greffe de moelle osseuse allogénique. La courbe de survie a atteint un plateau au bout de 1,5 ans à la suite de la greffe de moelle osseuse autologue et de deux ans à la suite de la greffe de moelle osseuse allogénique. La survie globale s’est révélée comparable avec l’autogreffe et l’allogreffe, mais la greffe de moelle osseuse autologue a donné de meilleurs résultats du point de vue de la normalisation de l’état de santé et de la reprise de l’activité professionnelle.

Leucémies aiguës lymphoblastiques

Comme pour les leucémies aiguës myéloïdes, le traitement classique des leucémies aiguës lymphoblastiques de l’adulte permet d’obtenir un taux de survie asymptomatique de 25 à 35%. Parmi les enfants souffrant de leucémie aiguë lymphoblastique, 50 à 80% sont guéris par le traitement classique. Pendant la première rémission, l’intérêt de la greffe de moelle osseuse est donc controversé car la chimiothérapie donne de bons résultats chez les enfants et les adultes à risque standard. La greffe de moelle osseuse allogénique est réservée aux patients en première rémission complète dont le pronostic initial est péjoratif (nombre de globules blancs très élevé au moment du diagnostic...) ou présentant une récidive. Les adultes atteints de leucémie aiguë lymphoblastique à cellules indifférenciées, âgés de moins de 35 ans, ayant plus de 30000 leucocytes/ml au moment du diagnostic ou nécessitant plus de quatre semaines de chimiothérapie inductive pour parvenir à une rémission sont exposés à un risque élevé de récidive. Ils sont également considérés comme des candidats à la greffe de moelle osseuse allogénique pendant leur première rémission complète.

Chez les adultes, en première rémission complète d’une leucémie aiguë lymphoblastique (LAL) de mauvais pronostic, et les enfants en deuxième rémission complète, la greffe de moelle osseuse autologue permet d’obtenir un taux de survie sans rechute à 5 ans de 30 à 50%. Elle constitue une alternative à la chimiothérapie classique ou à la greffe de moelle osseuse (GMO) allogénique pour les patients de plus de 30 ans. Comparée à la GMO allogénique, la GMO autologue abrège notablement l’hospitalisation et de réduit la mortalité et la morbidité dans les suites de la greffe, mais elle est grevée d’un taux de récidive plus élevé.

La mortalité directement liée à la greffe de moelle osseuse demeure un problème important; elle varie entre 5 et 20% selon l'âge du patient, son état général et la nature du conditionnement. Elle est due à la toxicité hématologique. Les conditionnements myeloablatifs précédant la GMO impliquent deux à trois semaines de pancytopénie sévère. La pancytopénie est le principal effet toxique précoce de ce procédé thérapeutique, elle reste grevée d’un taux de mortalité de 5 à 20%. Son traitement a progressé au prix de l’application de mesures coûteuses comme l’isolement en chambre stérile, l’antibiothérapie à large spectre. Dans les suites immédiates de la greffe, ces complications entraînent un état de fébrilité pour 90% des patients, placés en chambre stérile.

La morbidité d'origine infectieuse est forte et le taux de mortalité élevé. Par exemple, Philip et coll ont recensé, parmi 100 malades traités par chimiothérapie aplasiante et greffe, 34 cas de décès ou de morbidité sévère imputable au traitement.

La transfusion de plaquettes permet de maîtriser les symptômes hémorragiques liés à la thrombopénie. Souvent, les transfusions sanguines restent nécessaires au-delà du deuxième mois, ce qui majore le coût du traitement et nuit au confort du patient. La mortalité et la morbidité résultent aussi de la toxicité non hématologique. La maladie veino-occlusive du foie survient dans 15% des cas et conduit une fois sur deux au décès. Le risque de pneumonie dyspneisante est inférieur à 5% après une autogreffe, mais atteint 20% après une allogreffe. Cette complication est fatale dans 80% des cas.

La greffe de moelle osseuse est un succès à long terme, que si trois problèmes interdépendants sont évités: l'échec de la greffe, la réaction du greffon contre l'hôte (GVH) et la récidive du cancer sous-jacent.

L'incidence de la GVH aiguë varie entre moins de 10% et 80% selon le degré d'histocompatibilité et l'âge du patient. Les greffes de moelle osseuse entre frères et soeurs HLA- identiques échouent rarement (moins de 1% d'échecs). Mais, le risque de rejet existe quand la moelle greffée est HLA-différente, il est alors accompagné d'un fort taux de mortalité. Les récidives cancéreuses touchent entre 20 et 80% des patients.

B.  Les limites de ce traitement

Dans l'étude réalisée par l'Hôpital Haut Levêque de Bordeaux, ses réalisateurs concluent que l'allogreffe est, d'un point de vue économique, le meilleur traitement. La division du coût total par le nombre d'années de vie sauvées permet d'obtenir le ratio coût efficacité du traitement de la leucémie aiguë par l'allogreffe, l'autogreffe ou la chimiothérapie. Le coût pour chaque année de vie supplémentaire ajoutée est semblable pour l'allogreffe et la chimiothérapie (112 205 F contre 108 641 F), mais plus élevé pour l'autogreffe (143 733 F).

A ces données économiques, il faut tenter d'ajouter l'amélioration ou la dégradation de la qualité de vie du patient et tenir compte des autres coûts pour la société en matière de gains ou de perte de revenus, d'impôts...

Le traitement d’une leucémie aiguë par greffe de moelle osseuse, jusqu’à la rémission complète et définitive du malade, dure au total, en cas de succès, de 6 mois à deux ans. Après cette période, le patient peut reprendre une vie physique normale.

La gravité de cette maladie et la pénibilité des traitements suivis pour guérir affecte notablement le psychisme des patients avant, pendant et même après la greffe de moelle osseuse. En effet, celle-ci impose de séjourner à l’hôpital en chambre isolée et stérile pendant la première partie du traitement. Souvent, les malades souffrent de stomatite douloureuse, qui nécessite une nutrition parentérale et doivent être régulièrement transfusés.

Une étude** réalisée au centre de lutte contre le cancer de Houston, sur 61 patients en 1993, a évalué au travers d’une série de tests leur état psychologique et moral, avant leur hospitalisation en chambre stérile, deux semaines après celle-ci et enfin huit mois après leur greffe de moelle osseuse. Elle a pris en compte le degré de soutien des malades par leurs proches et amis et ainsi que s’ils suivaient des consultations psychiatriques. Avant la greffe, 20% des patients ont des troubles de mémoire bénins et près de 40% d’entre eux souffrent significativement d’anxiété. Ces pourcentages ont ensuite presque doublé par rapport aux données de référence.

Si l’anxiété décroît au fur et à mesure de l’hospitalisation, les phénomènes dépressifs augmentent au contraire et influent sur les résultats du traitement. Ils jouent un rôle déterminant dans la qualité de vie du patient. Certains malades souffrent toujours après leur greffe de troubles neurologiques persistants (problèmes de mémoire, dépression nerveuse). Un suivi psychologique est nécessaire pendant l’hospitalisation aux patients sujets à des troubles neurologiques.

Après la rémission, le nombre de rechutes parmi les patients traités par chimiothérapie est assez élevé, mais l’avenir des enfants guéris par cette méthode est excellent: leur scolarité est normale et leur puberté se déroule à sa date habituelle. Si les résultats de la greffe semblent meilleurs, les séquelles à distance sont plus importantes.

Une étude finlandaise** réalisée, en 1989, sur 11 patients âgés de 6 à 18 ans, ayant reçu une greffe de moelle osseuse pour traiter une leucémie aiguë a montré que ceux-ci ne sécrétaient pas assez d'hormone de croissance. Cette déficience est à l'origine du retard de croissance de ces patients par rapport aux personnes de leur âge. L'irradiation subie préalablement à la réalisation de la greffe perturbe notablement leur croissance.

Celle-ci entraîne une stérilité contrairement au traitement par chimiothérapie, ce qui peut poser des problèmes psychologiques aux patients traités, qui souhaitent à terme fonder une famille biologique.

La longueur de ce traitement pose le problème s'il est adulte de sa réinsertion professionnelle, rarement évidente après une longue absence. De même, les enfants et les adolescents rencontrent souvent des difficultés à reprendre normalement leur scolarité ou leurs études.

La greffe de moelle osseuse est un traitement lourd, qui a des conséquences certaines s dans la vie du patient guéri, dont la qualité de vie diminue. La leucémie atteint proportionnellement plus d’enfants et d’adolescents que de personnes plus âgées, même si son traitement est très coûteux, il est cependant intéressant pour la société. En effet, les patients guéris vont contribuer, entre autres, à la création de biens et de services et accroître la richesse nationale.

L'OMS a fixé trois objectifs à toute politique de santé: ajouter des années à la vie (augmentation de l'espérance de vie), ajouter de la vie aux années (solidarité envers les personnes âgées, les exclus), ajouter de la santé à la vie (lutte contre les maladies).

Le défi actuel des politiques de santé publique est d'allouer au mieux les ressources disponibles, dont l'importance est limitée, face à une demande de soins croissante. La réalisation d'arbitrages entre les emplois les plus productifs et rentables devient donc nécessaire.

Depuis que Farber a décrit la première rémission complète d'une leucémie aiguë chez l'enfant en 1948, les connaissances ont rapidement augmenté et permis d'améliorer la survie et la qualité de vie des patients. Les traitements ont évolué de palliatifs, ils sont devenus curatifs.

L'intérêt majeur du développement des traitements contre les leucémies aiguës est d'offrir une opportunité unique d'accroître les connaissances concernant les lésions fondamentales du cancer. Or, les cancers représentent quantitativement la seconde pathologie en France (163 000 cas nouveaux annuellement). Ils constituent également la deuxième cause de mortalité (26.4% de la mortalité globale). En effet, les cellules du clone leucémique peuvent être facilement cultivées in vitro, ce qui permet d'étudier leur fonctionnement et développement biologiques. La compréhension de ces processus est fondamentale, non seulement pour guérir les patients, mais aussi pour appréhender le phénomène de la vie lui même.

Le financement du système de santé en France évolue vers l'attribution d'enveloppes affectées aux différents secteurs de la santé. Ce choix implique le nécessaire développement de l'évaluation du coût et de l'efficacité des soins dispensés. Sinon les arbitrages réalisés en fonction des moyens alloués se réaliseront de manière inefficace et aveugle.

Le traitement des leucémies aiguës par la greffe de moelle osseuse est très coûteux. Il devrait donc être utilisé que dans les cas où ses résultats sont plus favorables que ceux des traitements classiques moins onéreux.

Par exemple, la greffe de moelle osseuse semble être le meilleur traitement pour les malades âgés de moins de 30 ans atteints de leucémie aiguë myéloïde (50% de probabilité de rémission contre 25% pour le traitement classique). A l’inverse, 50 à 80% des enfants souffrant d’une leucémie aiguë lymphoblastique guérissent grâce au traitement par chimiothérapie, le recours à la greffe de moelle osseuse n’est donc pas toujours justifié.

Cependant, les coûts du traitement de la leucémie par la greffe de moelle osseuse peuvent être réduits par la mise en place d’une évaluation précise de l’activité hospitalière, afin d’allouer de manière plus optimale les ressources. La mise en place du PMSI est indispensable, malgré les résistances du corps médical. L’AP-HP tente de se réformer avec difficulté. A cette fin, le budget 1996 va tenir compte pour mieux mesurer l’activité médicale de la pathologie traitée et non de la nature du lit ou de la spécialité par la création des Groupes homogène de coût (GHC).


BIBLIOGRAPHIE

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