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Alain COULOMB
Délégué Général, Union Hospitalière Privée

LA REFORME HOSPITALIERE A TRAVERS
LE PLAN JUPPE

Septembre 1996

Pour conscient qu’il ait été, le choix de « Droit Social » d’une date se situant entre les annonces fracassantes du 15 novembre, les lendemains hésitants d’une négociation qui ne dit pas son nom en janvier et des ordonnances discrètement élaborées en février, expose l’auteur à l’aléatoire. Mais l’espoir d’infléchir la décision politique l’emporte sur le risque d’être démenti, demain, par les faits et puis n’est-ce pas l’un des charmes des problèmes de sécurité sociale d’apparaître toujours nouveaux et toujours permanents? En retard d’un Plan, nous serions ainsi en avance d’un autre.

Seules les mesures d’effet immédiat, et en particulier le remboursement de la dette sociale, semblent aujourd’hui acquises. On peut d’ailleurs se demander a posteriori pourquoi diable n’a-t-on pas inventé plus tôt ce mouvement perpétuel d’amortissement d’une dette qu’il suffit d’étaler grâce au mélange savant d’un taux et d’une durée.

Par contre, les mesures concernant l’Assurance Maladie universelle, le rôle du Parlement et la nouvelle gestion du système de soins semblent plus délicates à calibrer. Ce sont pourtant ces dernières qui justifient la rigueur des premières et leur donnent un sens et en tout cas celles-là que nous nous efforcerons d’analyser du point de vue d’un acteur original du système de soins. Original car ses structures -les établissements de santé privés- s’inscrivent de plus en plus dans le même contexte juridique externe que celui de l’ensemble du secteur hospitalier, alors que les « producteurs de soins » restent quasi unanimement des médecins libéraux plus directement concernés par les réformes avancées du secteur ambulatoire. Au confluent de ce double mouvement, les cliniques apprécient a priori toute tentative d’harmonisation des règles concernant deux mondes qui, techniquement, doivent collaborer dans l’intérêt des malades mais qui restent, juridiquement, écartelés entre les deux pôles d’un système de soins -hospitalier et ambulatoire- qui s’ignorent depuis plusieurs siècles.

Ainsi donc, si le Plan Juppé, par son ampleur, marque un coup d’arrêt à la succession des plans de redressement fondés alternativement ou conjointement sur une augmentation des recettes et/ou une diminution des remboursements, il n’offre pas une cohérence et une clarté suffisantes pour se présenter comme un véritable système alternatif.

La justification d’un plan de rationalisation des dépenses est évidente

Un article de François Stasse paru récemment dans LE FIGARO portait en sous titre « Cent milliards de dépenses de santé inutiles par an ». Ce chiffre laisse rêveur, comparé aux 35 milliards de déficit du régime général d’assurance maladie.

Mais où vont donc ces cents milliards qui sortent de notre poche pour ne pas y revenir? Que dit la presse? Que disent les experts?

Sur ce sujet, les affirmations ne manquent pas :

L’Expansion caricature un système laxiste composé d’une population d’hypocondriaques qui passent leurs journées dans les trop nombreuses salles d’attente des médecins ; ceux-ci leur prescrivent « des médicaments peu innovants mais fort rentables », des examens préopératoires dont « 20% n’ont aucun intérêt » en vue d’une hospitalisation dans « un hôpital sous-utilisé ». A ces examens inutiles, s’ajoutent les « interventions chirurgicales discutables » et les « actes fictifs ».

Pour Le Nouvel Observateur, le système hospitalier français n’est plus seulement inadapté et insuffisant, il est parfois dangereux pour les malades car « au dessous d’un certain niveau de technicité, le patient court un certain danger ». Et de citer les maternités réalisant moins de 450 accouchements par an (critère fatidique de technicité, semble-t-il), ainsi que ces « hôpitaux qui manquent de malades ».

La Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés, s’interdisant les conclusions hâtives, s’autorise cependant quelques observations étonnantes :

- la répartition des capacités hospitalières sur le territoire est très irrégulière : 16 lits de chirurgie par habitant en Picardie et 30 en Ile de France ou 29 en Lorraine.

- un tiers des secteurs opératoires de Corse réalise moins de 1000 interventions par an (8% en Bretagne).

- il y a 28 interventions de nuit pour 10000 languedociens, contre 9 pour 10000 limousins ou auvergnats.

Etc...., les inégalités sont frappantes et ne s’expliquent sans doute pas seulement par le climat, le relief et la démographie de chaque région. Gilles Johanet, ancien directeur de la CNAM, dénonce également dans son ouvrage récent « Dépenser sans compter, des pensées sans conter » des dysfonctionnements majeurs, sources de gaspillages considérables.

Elias Coca, enfin, dans un important travail de comparaison des hôpitaux entre eux, montre que les ressources des établissements ne sont pas forcément proportionnelles à leur activité en volume comme en nature des pathologies traitées.

L’expérimentation « PMSI », menée en grandeur réelle dans la région Languedoc-Roussillon, illustre de façon tout à fait concordante les écarts entre allocation de ressources et activité, à l’intérieur du secteur hospitalier public mais également entre secteur public et secteur privé.

Voici donc posée ma première pierre : le projet de réforme de la sécurité sociale a le mérite d’exister. On ne peut à la fois déplorer la succession de plans de redressement budgétaire de la protection sociale et les anomalies du système de santé et refuser qu’un plan entreprenne des réformes de fond.

Pour rétablir l’équilibre des comptes de la sécurité sociale, il existe sans doute une troisième voie, entre les traditionnels outils que sont la hausse des prélèvements ou la diminution des dépenses remboursées. C’est la voie de l’efficience, le «mieux dépenser» ou l’exploitation des considérables gisements de productivité qui devrait permettre de sortir de l’alternative rationalisation-rationnement.

Mais il ne suffit pas, pour réduire durablement les déficits, de contenir les enveloppes accordées aux professionnels de la santé, en attendant que leur montant soit atteint par le niveau des recettes de l’assurance maladie. Car ces dépenses, si elles sont parfois inutiles ou inadéquates, sont bien réelles et les imperfections du système ne se corrigeront pas spontanément parce que la ressource devient rare.

La cohérence des choix n’apparaît pas, et surtout pas, en rapport avec les critiques classiques visant l’irresponsabilité généralisée du système

La recherche du fautif ou la dénonciation du bouc émissaire -le médecin libéral- ou du «mauvais élève de la classe» -l’hôpital public-, ne peut mener très loin. Le séisme à craindre n’épargnerait personne. Il n’y aura pas d’hospitalisation privée prospère face à un hôpital public sclérosé. Bien au contraire, ce qui « est pris » par l’un n’est pas donné à l’autre. Les deux secteurs ont à gagner de leur propre aggiornamento. De même, la ville ne peut ignorer l’hôpital et encore moins l’inverse.

Par ailleurs, le « laisser faire » structurel a un prix tel qu’une hausse des cotisations et/ou une diminution des remboursements ne peuvent, ni politiquement, ni économiquement, constituer plus longtemps une réponse adaptée.

Pourtant, si tous les acteurs sont plus ou moins conscients, deux facteurs importants conditionnent l’action : le sentiment de l’effort partagé et la clarification des concepts et des instruments juridiques correspondants.

A cet égard, on ne voit toujours pas quels sont les fondements du système proposé. A titre d’illustration, plusieurs pays européens ont choisi : équité, efficacité, efficience, participation des usagers, et nous?

Par exemple, ici ou là, le Ministre de la Santé a affiché ses priorités et en a tiré les conséquences au regard des schémas d’organisation. En France, les priorités, quand il y en a, varient en fonction de l’actualité de la semaine et l’offre publique de soins semble tantôt correspondre à la logique de l’aménagement du territoire, tantôt à celle de la priorité à l’emploi, ponctuellement à un choix industriel, beaucoup plus rarement à l’exigence de la régulation du système de santé et seulement par hasard aux besoins -fixés par la carte sanitaire- de la population. D’ailleurs, quelles raisons auraient régions et collectivités locales de s’en préoccuper puisqu’elles n’en subissent aucune incidence financière?

Une critique habituellement faite vise l’articulation des responsabilités entre les différents acteurs : un Parlement absent, un Etat souvent décideur mais rarement payeur, un payeur qui revendique d’autant plus hautement ses responsabilités qu’il hésite à les assumer quand elles représentent quelques désagréments, un consommateur qui n’est pas le payeur et qui n’a d’ailleurs que peu d’éléments d’arbitrage financier pour asseoir sa décision, un système d’informations riche mais épars et jalousement cloisonné, des décisions individuelles financées sur fonds collectif, un contrôle absent pour l’essentiel et tâtillon sur le détail et une organisation telle que chaque acteur transfère vers un autre son risque et les conséquences de sa décision ou de son comportement.

On pourrait s’émerveiller sur notre capacité collective à faire fonctionner malgré tout un système impossible ou mesurer ainsi l’intérêt de chacun à conserver une zone d’ombre qui au total rend l’ensemble opaque....si tout ceci n’avait un coût humain et financier considérable.

Alors quelle réforme structurelle nous est proposée? La perspective d’un régime universel d’Assurance Maladie semble s’éloigner, le Parlement doit batailler pour prétendre participer à la décision, la réforme de l’organisation des caisses de sécurité sociale patine, celle de la tutelle sur le secteur hospitalier continue à opposer les services de l’Etat et de l’Assurance Maladie. Seule surnage, jusqu’ici, la non désignation « de droit » du maire comme président du Conseil d’Administration.

Notre souci ne relève pas d’une exigence esthétique d’architecture administrative. Nous ne rêvons pas d’un monde institutionnel idéal fait de cohérence, d’équilibre et de lumière. Nous n’attendons pas de cette réforme que n’y manque aucun bouton de guêtre, du mode de désignation du Directeur d’une Agence mythique à la composition du dernier Haut Conseil. Nous espérions que soient levés les obstacles à la compréhension du système par d’autres que la poignée d’initiés qui feignent de le diriger, que soient ôtés les freins à l’action des quelques acteurs courageux que la constatation de l’impunité totale du conservatisme finissent par lasser....Nous espérons encore.

Concernant plus précisément le système hospitalier, 4 titres ont été annoncés, il reste les chapitres à écrire.

En effet, pour s’engager dans une évolution, chacun de nous, et plus encore une entreprise, a besoin de visibilité. Or, ces " mots mode " brutalement livrés sur la place publique sans définition ni mode d’emploi, apparaissent trop souvent comme surchargés de sens, pour ne pas dire interprétés de façon contradictoire, ou "solution magique" sans contenu opératoire. Ainsi, Contrat d’Objectif, Régionalisation, Coordination, Evaluation, sont autant de concepts que ne sauraient ignorer, depuis le 15 novembre, tout discours bien senti, toute note se voulant innovante, tout projet de rapport à visée de réforme.

Tentons de les clarifier en partant,non pas de solutions à faire accepter coûte que coûte, mais de problèmes ressentis par l’ensemble des partenaires concernés.

La France paie trop cher une dispersion et un cloisonnement des structures et, d'autre part, une mauvaise répartition de moyens, pourtant globalement suffisants et parfois même surabondants.

Ce constat, mille fois répété, peut supporter la concision. Les mesures de maîtrise comptable s’avèrent mal supportées et, pire encore, insuffisantes et inefficaces à moyen terme, et le temps presse.

L’angle d’attaque qui apparaît le plus pertinent pour trouver un compromis entre les quatre aspirations légitimes mais contradictoires que sont :

  1. le maintien d’un haut niveau de qualité de soins accessibles à tous,

  2. la maîtrise de l’évolution des dépenses de santé,

  3. la diffusion des progrès des sciences et des techniques,

  4. et la juste rémunération des professionnels et des structures

L’efficacité médicale.

L’amélioration de cette efficacité médicale implique l’art de conjuguer responsabilités médicales et économiques. On ne peut le décréter, on ne peut le créer par une sorte de révolution qui provoquerait des effets immédiats. On doit donc l’inciter en modifiant le système à la marge de sorte qu’il rentre progressivement dans un cercle vertueux. Les outils que sont : les contrats d'objectifs substitués aux tarifs, les structures nouvelles qui opposent réseau à entreprise pyramidale, les arbitrages politiques qui permettent de sortir de l’affrontement stérile Etat/Assurance Maladie, l’incitation à la démarche qualité, les instruments juridiques permettant une collaboration plus étroite entre différents acteurs, prennent alors leurs sens. Ils s’inscrivent dans une finalité et revêtent une signification.

Il en va ainsi du contrat d’objectif.
S’il doit remplacer du jour au lendemain les modes de régulation de l’hospitalisation publique et privée, on peut avoir quelques craintes sur les possibilités d’une telle ambition.

Qu’il s’insère dans une démarche de responsabilisation économique des producteurs de soins médicaux nous paraît, par contre, tout à fait pertinent dès lors que les signataires du contrat, son objet et sa contrepartie, les sanctions et les conditions de résiliation en sont précisés.

Déterminer le signataire implique que l’on sorte du débat Etablissement/Service. Il paraît clair que l’on confond "mode de gestion" et "régulation du pouvoir interne", qui doit évoluer au sein de l’hôpital public et "capacité à contracter" qui est le fait de n’importe quelle entreprise.

L’objet doit être identifié en terme médical mais aussi économique. Comment imaginer que pour le service, le secteur, ou l’entreprise contractante, une unité d’oeuvre commune ne soit pas utilisée. Quel "appel d’offres" peut être rédigé en termes différents suivant qu’il s’adresse à tel ou tel fournisseur du même "produit". Ceci implique à l’évidence la généralisation des Résumés de Sortie Standardisés et la description des normes techniques dans un cahier des charges.

La sanction et la sortie du contrat amèneront vraisemblablement à l’assouplissement des statuts de l’établissement et des personnels dans l’hôpital public, à une meilleure articulation des responsabilités médicales et économiques dans l’hospitalisation privée.

Un ou plusieurs établissements publics ou privés peuvent ainsi se coordonner dans le cadre d'un réseau qui s’oppose heureusement aux "pyramides" qui tentent de soigner.
La présence d’un groupe de médecins ici, d’un plateau technique là, bref de structures relevant de statuts juridiques différents, doit conduire à la création d’une entité juridique spécifique.

Que font ailleurs dans le secteur industriel ou de services ces entreprises en réseau ? Un groupe de PME, pour enlever un marché, se fédère en une Société Commune qui répond en leur nom à l'appel d'offres et, en cas de succès, gère le contrat.

Ainsi des petits David, mobiles, intelligents et dynamiques ont amené General Electric, IBM ou General Motors, Goliath énormes, arrogants et dominateurs, à revoir fondamentalement leur stratégie.

Favoriser la création de réseaux locaux, régionaux ou nationaux, associant public et privé, médecins libéraux et plateaux techniques pour, à la marge, et dans des domaines particuliers ou innovants, apprendre à conjuguer concurrence et complémentarité, paraît évidemment souhaitable.

Une telle approche s’applique tout particulièrement à l’organisation des urgences, domaine dans lequel les normes techniques étant fixées, il reste - mais c’est l’essentiel - à organiser l’offre de soins de manière souple et adaptée aux réalités locales. Nous sommes ici, à l’inverse du réseau unique rêvé par Big Brothers, dans un maillage d’hommes et de structures volontaires et responsables, ancrés dans leur environnement spécifique.

Un schéma un peu différent mais comparable peut convenir parfaitement à des filières de soins comme la Cancérologie qui se caractérise par la multiplicité de l’approche et la collégialité de la décision thérapeutique, le concept d’équipe soignante qui met le malade et non le médecin au centre du dispositif, l’articulation et la diffusion de protocoles définis par la communauté scientifique tout au long de la chaîne de soins.

De même, la prise en charge de la dépendance et particulièrement celle des personnes âgées, caractérisée par une certaine rigidité, relève de cette logique qui conjugue efficacité médicale et économique, permet de diminuer ce que les médecins conseils appellent avec pudeur les "inadéquations" (près de 20% des présents dans l’hôpital public) en assouplissant les barrières domicile/résidence, court, moyen et long séjour, qui ont pour effet d'adresser les malades en fonction du hasard plus que du choix des intéressés ou de leur degré d'autonomie.

L’enjeu économique de telles dispositions justifie largement l’effort d’identification des verrous et les conditions de leur déblocage. D’autres acteurs innovants peuvent s’inscrire dans la même démarche, sans modifier fondamentalement les structures actuelles, mais en les faisant rentrer progressivement dans une autre logique que celle de l’occupation du territoire et du maintien du statu quo. D’autres que nous ont su conjuguer heureusement concurrence et complémentarité, autonomie et interdépendance, liberté et responsabilité, indépendance et intégration.

Le débat sur la régionalisation apparaît plus ambigu. S’agit-il de considérer que le concept de l’autonomie du champ social par rapport au champ politique sur lequel reposent les régimes de protection sociale depuis 1945 est usé et qu’il convient de lui substituer un autre concept fort : la régionalisation au nom de l’efficacité, de l’équité, du rapprochement de l’usager, etc...?

Alors il faut démontrer que le système est plus efficace, mettre en oeuvre les mécanismes de péréquation permettant d’organiser l’équité, car seules deux régions apportent aujourd’hui plus de cotisations qu’elles ne supportent de prestations, impliquer résolument les élus régionaux.... Le bruit des discours officiels entendus sur le sujet ne semblent pas tendre vers cette direction.

S’agit-il de rééquilibrer les pouvoirs de l’une ou de l’autre des tutelles ou de faire du Préfet régional l’arbitre des conflits : pourquoi pas mais peut-on encore parler de régionalisation?

Faut-il encore harmoniser les systèmes de régulation des différents acteurs, aujourd’hui bien différents, en instaurant une enveloppe régionale tous secteurs confondus? Mais alors, comment déterminer la part de chacune des régions, aujourd’hui particulièrement inéquitable, et, à supposer ce premier problème résolu, comment ne pas figer ce qui dit rester souple, éviter la généralisation du syndrome « taux identique pour tous » du budget global, dont on ne se lasse pas de mesurer les effets pervers et, enfin, qui et comment arbitrer entre les différents sous-ensembles?

Organiser une coordination entre les services de l’Etat et de l’Assurance Maladie de façon systématique autour d’objectifs clairs pourrait constituer une première mesure pragmatique, avant d’envisager une fusion, en tout cas préférable à l’adjonction d’une structure supplémentaire, leur nombre apparaissant déjà largement suffisant.

L’évaluation, enfin, est aujourd’hui plus objet de discours que de pratiques généralisées coordonnées.
Le combat pour l’occupation du terrain politique de l’évaluation entre les différents composants de l’Etat, de l’Assurance Maladie, des professionnels... et des conseils domine celui de la réappropriation collective des expériences faites ici ou là. Dans ce domaine aussi, une clarification du concept et des rôles faciliterait sans aucun doute le développement de la démarche. L’enjeu en est de taille si l’on se réfère aux secteurs industriel et des services qui chiffrent aux alentours de 20% les coûts de la non qualité.

L’Etat a un rôle de définition d’une politique et d’évaluation des résultats de cet-te politique. Garant de la réponse aux besoins de la population et de la hiérarchisation des priorités : il autorise. Traditionnellement dans notre sphère, il est aussi le garant de la sécurité (techniques et innovations). Remarquons seulement que dans d’autres secteurs très importants comme le bâtiment, il a délégué à des sociétés d’experts cette dernière fonction en agréant quatre ou cinq d’entre elles dont la visite de conformité aux normes est obligatoire et la responsabilité engagée.

Il peut, par ailleurs, inciter, pousser, encourager le développement de l’évaluation, créer les conditions nécessaires à l’émergence d’organismes professionnels d’évaluation, en valorisant ou en fédérant les initiatives.

Il ne peut durablement se situer à la fois sur le registre du contrôle externe des normes de fonctionnement qu’il aurait produites, domaine dans lequel personne ne conteste sa légitimité et celui de l’évaluation de la qualité des soins qui doit rester l’apanage des professionnels. L’analyse des systèmes étrangers comme des difficultés actuelles de l’ANDEM à situer son rôle et ses commanditaires en sont un témoignage éclairant.

L’accréditation vise à apporter, à un établissement qui le demande, une reconnaissance des résultats positifs d’une démarche qualité qu’il aurait entreprise. Cette reconnaissance est évidemment encourageante pour l’entreprise... mais aussi rassurante pour ses clients. Bénéficiaire de l’accréditation, l’entreprise en est, dans tous les pays, et pour la France dans tous les secteurs où cette forme d’encouragement de la qualité s’est développée, également le payeur.

L’organisme d’accréditation trouve naturellement son indépendance dans la multiplicité de ses financeurs et dans la rigueur de ses références et de ses experts. C’est donc dire que si professionnels, Etat, Assurance Maladie, financeurs complémentaires... peuvent y participer, la crédibilité de tel organisme tient à son indépendance.

Enfin, l’Assurance Maladie peut avoir une politique tarifaire et contractuelle encourageant la qualité, récompensant les efforts couronnés de succès dans l’évaluation des structures, des procédures, des pratiques professionnelles ou des résultats médicaux.

De même que la confusion entre contrôle externe et évaluation interne pervertirait le rôle de l’Etat, le cumul des fonctions de payeur et d’accréditeur dans la même main nous paraît un gage certain d’inefficacité même si l’articulation des unes et des autres est indispensable. Ce n’est pas de la confusion des rôles que naît la clarté mais, au contraire, de la distinction des fonctions qui permet en même temps la complémentarité

L’enjeu est suffisamment fort en termes économiques comme de qualité médicale pour que l’on sorte d’une lutte d’influence stérile et paralysante pour développer, ensemble, une série de démarches dont l’ampleur et les difficultés peuvent tout autant occuper le temps et conjuguer le talent de chacun des acteurs.

En instaurant un lien entre l’enveloppe financière attribuée et l’importance et la qualité de la prestation fournie, on encouragera les dirigeants d’établissements à s’interroger sur la pertinence de l’utilisation de ces fonds. En multipliant les référentiels médicaux et en favorisant leur communication, on permettra à chaque praticien de décider en son âme et conscience, mais aussi en connaissance de cause, quel traitement prescrire. En combattant les différences tarifaires, de statut et d’organisation, on favorisera la mise en commun d’équipements onéreux et le rapprochement d’équipes médicales de même spécialité, afin de supprimer les fameuses « surcapacités ». Acceptons donc de nous regarder sans complaisance, de dire ce que nous faisons, comment nous le faisons et aussi, combien cela coûte, plutôt que de prôner une nouvelle réforme « d’en haut ». Nous avons plus besoin de changements réels que de réforme rêvée.

Il y a dans le secteur santé des zones de dynamisme et de mobilité, des capacités d’adaptation, des germes d’évolution, bref un mouvement qui témoigne de la possibilité de sortir des blocages. Que les dirigeants éclairent la route et se réforment eux-mêmes plutôt que de soupirer sceptiques, désabusés ou simplement conservateurs de leur " pré carré ", devant la rigidité supposée d’un monde qui bouge sans qu’ils le remarquent.



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