Le
coût des anti-ulcéreux
Laurent
ALEXANDRE
1er
février 1996
L'ulcère
gastro-duodénal a connu ces dernières années une authentique révolution
thérapeutique. L'apparition de la cimétidine au milieu des années
70 constitue la première substitution à grande échelle de la médecine
à la chirurgie. L'apparition de médicaments efficaces a transformé
le pronostic de la maladie ulcéreuse et changé la vie des patients.
Outre la disparition de la quasi totalité des complications, les
médicaments ont permis l'amélioration d'une qualité de vie dans
des proportions inespérées. Les ulcéreux ne connaissent plus la
menace des perforations, des hémorragies ni la fragmentation des
repas et autres dumping syndrome contraignant après la gastrectomie.
Si l'apport
médical des anti-ulcéreux modernes fait l'unanimité, leur apport
économique est mal connu. Combien coûtait le traitement chirurgical
de l'ulcère de l'estomac et de ses complications ? Combien coûte
aujourd'hui sa prise en charge médicale ?
Faisons
les comptes. Avant l'arrivée sur le marché d'un traitement médicamenteux
efficace autre que le bismuth, qui compte tenu de ses effets secondaires
avait été retiré du marché, les ulcères se compliquaient volontiers
de saignements ou de perforations nécessitant un geste chirurgical
pouvant aller jusqu'à la gastrectomie des 2/3.
Le coût
total de la prise en charge des ulcéreux gastro-duodénaux atteignait
2,7 milliards de francs au début des années 70. Ce chiffre comprend
la chirurgie de l'ulcère, les vagotomies, les hospitalisations pour
hémorragies et pour ulcus douloureux ainsi que les arrêts de travail.
Les interventions chirurgicales, les gastrectomies des 2/3, les
sutures simples, les vagotomies sélectives étaient nombreuses et
représentaient à l'époque une partie importante de l'activité des
chirurgiens viscéraux. Le coût actuel de la chirurgie de l'ulcère
ne dépasse plus 250 millions de francs.
Actuellement,
le coût total des médicaments anti-ulcéreux prescrits dans l'ulcère
duodénal et gastrique (anti H2 et inhibiteurs de la pompe à protons)
atteint 420 millions de francs par an.
Ainsi,
les médicaments ont permis une économie de plus de 2 milliards sur
le traitement de la pathologie. Il s'agit d'une des classes médicamenteuses
qui a permis de réaliser les plus fortes économies pour la collectivité,
sans même tenir compte de l'amélioration de la qualité de vie des
patients.
L'impact
économique des anti-ulcéreux s'explique par une considérable réduction
des dépenses hospitalières.
Le coût
d'une hospitalisation pour gastrectomie est de 35 000 F dans le
secteur public et de 26 000 F dans le secteur privé. Les complications
des ulcères engendraient de fréquentes hospitalisations dont le
coût était élevé. Les prises en charge des hémorragies digestives
et des ulcères peptiques atteignent respectivement 19 000 F et 13
000 F dans le public et 11 700 F et 8 600 F dans les cliniques privées.
Les médicaments ont eu un impact économique considérable à cause
du coût élevé de la prise en charge hospitalière de l'ulcère.
L'apport
du médicament dans le traitement de l'ulcère gastrique est double.
Efficace sur la pathologie, il permet également de faire des économies
significatives. La prise en charge médicamenteuse de cette pathologie
permet d'éviter les hospitalisations pour les complications qui
conduisaient souvent à une gastrectomie. Elle a transformé en mauvais
souvenir les invalidités pour douleurs ou syndromes secondaires
du traitement chirurgical et les arrêts de travail qu'elles entraînaient.
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