La
nouvelle économie de santé
Laurent
ALEXANDRE
1er
mars 1995
Le principal
enjeu de léconomie de santé, dans les prochaines années, est
danalyser la réalité des prises en charges. Les études médico-économiques
qui décrivent trop souvent des prises en charge idéales ne sont
plus crédibles. Lintérêt des études économiques nest
pas de savoir combien coûte une procédure thérapeutique ou diagnostique
dans un environnement médical théorique mais den estimer le
coût et le bénéfice dans la pratique courante.
La richesse
du système de santé français fait quil existe de nombreuses
filières des soins puisque les patients et les praticiens ont le
choix entre ses différentes composantes : hôpital public, P.S.P.H.,
cliniques privées, H.A.D., médecine ambulatoire. La liberté de prescription
des médecins associée au grand nombre de molécules efficaces sont
autant de stratégies thérapeutiques potentielles.
Autant
de procédures de prise en charge dun malade, donc autant de
coûts différents. Or, les enquêtes sur les modalités de prescription
des médicaments et les filières de soins sont très rares. La plupart
des études économiques sont basées sur les résultats des essais
cliniques qui traduisent une réalité hospitalo-universitaire et
non la réalité du terrain. Comment extrapoler les résultats sur
le coût de la prise en charge de la pyélonéphrite réalisée en CHU,
où le scanner est quasi-systématique ?
Les rares
enquêtes épidémiologiques révèlent des différences considérables
entre protocoles et réalité. Seulement 37% des patients hospitalisés
pour chimiothérapie bénéficient dun traitement conforme aux
protocoles. Sur 100 hypertendus traités, un quart ne suivent pas
correctement leur traitement. Ces différences soulignent le peu
dintérêt des études économiques basées uniquement sur des
résultats dessais cliniques.
Lépidémiologie
devient une dimension essentielle des études économiques puisque
les tutelles exigent désormais des études décrivant la réalité des
pratiques médicales courantes pour juger un médicament ou une technique.
Autrement dit, la nouvelle pharmaco-économie doit intégrer la dimension
épidémiologique au lieu de décrire une médecine théorique coupée
des réalités. Elle précisera lincidence réelle de la pathologie
considérée. Elle apportera une image précise des influences de lenvironnement
médical sur la prise en charge. Elle précisera les taux dobservance
des traitements, leur lefficacité réelle et leurs modes de
prise en charge.
Lutilisation
des études économiques comme instrument de détermination du prix
des médicaments est conditionnée par leur capacité à décrire la
réalité : les tutelles refuseront de prendre en considération des
bénéfices potentiels qui nexisteraient que dans les essais
randomisés.
Les ateliers de
la transparence
Les ateliers
de la transparence, qui ont réuni à la mi-mars 1995, lensemble
des spécialistes français de lévaluation du médicament
ont permis de préciser les méthodologies
crédibles en matière détudes pharmaco-économiques.
Les calculs de coûts basés sur des essais cliniques coupés
de la réalité de la médecine de tous les jours ne sont
plus dactualité. Il convient dorénavant de replacer
les stratégies diagnostiques et thérapeutiques et les
conditions dutilisation des médicaments dans la
pratique médicale courante. En outre, les études cliniques
internationales ne sont plus considérées comme le meilleur
support de lévaluation socio-économique. Il convient
de modéliser les pratiques courantes pour extrapoler les
résultats des études cliniques avant la commercialisation
du produit. Après sa mise sur le marché, les experts réunis
aux ateliers de la transparence recommandent des suivis
de cohortes afin destimer limpact réel dun
nouveau traitement. Enfin, les études de qualité de la
vie doivent être rendues plus transparentes afin dêtre
comprises par les tutelles et les médecins.
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Pourcentage
d'hospitalisation des pneumonies
Le taux d'hospitalisation
s'accroît à mesure que la distance patient-hôpital augmente.
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