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Le coût des thromboses veineuses profondes

Laurent ALEXANDRE

1er avril 1996

La prévention des phlébites profondes des membres inférieurs se justifie-t-elle d’un point de vue économique?

Cette question impose de déterminer le coût des pathologies évitées par les anticoagulants utilisées préventivement (héparines, héparines de bas poids moléculaire et antivitamines K) et les économies réalisés par ces mêmes traitements.

Il faut d’abord déterminer l’ensemble des coûts induits par cette pathologie. Cela suppose de chaîner les événements médicaux des patients en intégrant les coûts diagnostics, le traitement, la surveillance, les éventuelles complications du traitement ainsi que les récidives, aggravations et complications à distance de la thrombose. On doit aussi comptabiliser le coût des arrêts de travail induits par la pathologie. En France, le coût moyen de prise en charge d’une thrombo-phlébite est de 46000 Francs dans les douze mois qui suivent sa découverte.

Le coût de la prévention varie selon le type d’anti-coagulant choisi. En moyenne, il ne dépasse pas 620 Francs, même en intégrant les héparines fractionnées de bas poids moléculaire. Ce chiffre inclut le coût des examens biologiques, des médicaments, du temps infirmier nécessaire aux injections ainsi que les complications éventuelles des traitements (allergie à l’héparine, thrombopénie...).

Il faut alors comparer ce chiffre avec le coût des pathologies évitées grâce au traitement. On estime à 3 % le taux de thromboses veineuses profondes les situations thrombogènes, en l’absence de prévention anti-thrombotique. Les traitements permettent de faire passer ce taux à moins de 0,2%. Pour 100 patients traités, cela représente une économie de 129000 Francs. Une dépense de 62000 Francs pour 100 malades entraîne donc une économie de 129000 Francs. Et ces chiffres n’incluent que la première année de la maladie thrombo-embolique, alors qu’une phlébite peut entraîner des dépenses médicales pendant des années. Chaque Franc investi dans la prévention de la maladie thrombo-embolique entraîne donc près de 2 Francs d’économies pour la collectivité. Ces chiffres permettent de mesurer la rentabilité économique de la prévention de la maladie thromboembolique.

Le coût de la prise en charge hospitalière

Le calcul des coûts exige d’additionner des dépenses hospitalieres publiques ainsi que des coûts dans les cliniques privées et en médecine de ville. Si la valorisation des dépenses des cliniques est facile car elles sont payées par la sécurité sociale sur facture (le fameux bordereau 615), la reconstitution des coûts hospitaliers publics est plus difficile à cause du budget global qui brouille les pistes : il faut donc réaliser des études de comptabilité analytique.

Le coût de la prise en charge de la thrombophlébite atteint 34500 Francs à l’hôpital public et 24000 en secteur libéral. Le coût d’une hospitalisation pour embolie pulmonaire est de 42000 Francs dans le public et de 30000 Francs en clinique privée. Les coûts hospitaliers représentent donc une part importante des dépenses de prise en charge de la maladie thrombo-embolique.

En ces périodes de désordres médico-économiques, il est bon de regarder les chiffres avec sagesse et un peu de recul. On finit par oublier dans notre pays que si les traitements ont un coût, ils permettent de réaliser de considérables économies. Cette schizophrénie s'explique facilement : le paysage médical français se caractérise par son éclatement. D'un côté, les budgétaires n'appréhendent que les méfaits des dépenses. De l'autre côté, les professionnels n'arrivent pas à faire prendre conscience à l'administration des économies engendrées par leurs thérapeutiques.

Une nouvelle thérapie, une nouvelle molécule peut très bien diminuer le coût total d'une maladie pour la collectivité. Si les coûts de dépenses de pharmacie sont accrus, on enregistrera dans le même temps, une baisse des dépenses d'hospitalisation, et des arrêts de travail.

Le prix du traitement médicamenteux ne doit donc pas être analysé de façon isolée. Les économies en actes chirurgicaux, en explorations et en arrêts de travail doivent être intégrées à l'analyse.

Il faut donc calculer les coûts évités grâce au traitement : moindre hospitalisation, décès évités, diminution des arrêts de travail.

En raisonnant uniquement en termes de dépenses, on condamnerait les antibiotiques sous prétexte qu'ils coûtent chers : pourtant ils ont permis de diviser par vingt le coût des maladies infectieuses pour la nation.

Le coût du non traitement est considérable.C'est une notion que les pouvoirs publics semblent oublier à certains moments.

La médecine est un investissement rentable. Seule l'innovation technologique permet sur le long terme de réduire les coûts de la santé. Les bénéfices liés au système de santé sont multiples : meilleure qualité de vie, moindres hospitalisations, décès évités. Le vrai problème pour la puissance publique ne devrait pas être la réduction aveugle et arbitraire des dépenses de santé mais la recherche de la meilleure efficacité sociale. Le soutien à l'innovation devrait être systématique afin de réduire les coûts des grands fléaux. La culpabilisation des acteurs du système de santé par les pouvoirs publics n'a pas lieu d'être si l'on montre aussi les bénéfices engendrés par le système de santé. Une approche purement comptable et budgétaire ne permet pas une approche intelligente des problèmes de santé. L'observation de l'état sanitaire des peuples des ex-pays communistes montre bien le coût du non-traitement : sans médecine la qualité de vie des gens est déplorable. La mortalité infantile qui existe à Moscou montre bien le coût du non traitement.

Peut-être faudrait-il étudier plus souvent le coût du non traitement ?

Cela ne veut pas dire que les médecins ne doivent pas se préoccuper d'économie de santé. Cela veut dire que l'économie de santé serait inhumaine si elle ne se préoccupait que de réduire les coûts sans prendre en considération les bienfaits de la médecine.

Les professionnels de santé ont aujourd'hui intérêt à mettre en évidence les apports de la médecine pour casser cette vision qui fait de toute prescription un crime économique.

Il faudra aussi convaincre les pouvoirs publics que la médecine a besoin d'argent pour vaincre les nouveaux fléaux.

Un bon exemple de cette approche est l'analyse du coût des anti-ulcéreux. Le coût des médicaments est marginal en comparaison des économies réalisées.

Avant l'arrivée des anti-ulcéreux modernes, au milieu des années 70, le traitement de l'ulcère gastro-duodénal passait souvent par une intervention chirurgicale. On estime qu'à cette époque 60000 patients étaient opérés chaque année de l'estomac en rapport avec une pathologie ulcéreuse, contre moins de 10000 aujourd'hui.

Il est donc urgent de passer d'une approche purement comptable et de la médecine à des analyses coût-efficacité permettant de mettre en évidence l'utilité des thérapeutiques et de l'action médicale.



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