Captopril,
l'exemple d'une économie
Laurent
ALEXANDRE
Certaines
molécules révèlent leurs potentiels thérapeutiques progressivement.
Les indications de l'aspirine se sont élargies sur plus d'un siècle.
Définie comme un antalgique puis comme un anti-inflammatoire et
un antipyrétique, son activité d'anti-agrégant plaquettaire n'a
été identifiée que récemment. Une classe plus récente, les inhibiteurs
de l'enzyme de conversion (I.E.C.), suit le même chemin. D'abord
mis sur le marché dans la seule indication d'anti-hypertenseur,
ensuite étendue aux insuffisances cardiaques et au post infarctus,
les IEC montrent aujourd'hui leur intérêt en diabétologie et en
néphrologie.
L'incidence
économique du diabète insulino-dépendant, comme de la plupart des
pathologies chroniques est difficile à évaluer. Outre les prises
en charge diagnostiques et thérapeutiques de la maladie, les complications
aiguës du diabète ou de son traitement, une part importante des
dépenses revient aux complications chroniques. En effet, les conséquences
vasculaires, ophtalmologiques ou rénales nécessitent des soins spécifiques
onéreux. Par exemple, les prises en charge des insuffisances rénales,
par dialyse ou transplantation maximisent le coût du diabète.
Les I.E.C.
peuvent épargner une partie importante de ses dépenses par leur
effet protecteur de la fonction rénale des diabétiques insulino-dépendants.
Cette constatation est démontrée par une étude réalisée par Lewis,
Hunsicker Bain et Rohde, publiée dans "The New England Journal
of Medicine" en novembre 1993. Cet essai clinique prospectif
randomisé, en double aveugle sur 409 patients de 30 centres montre
qu'un traitement préventif des diabétiques par Captopril réduit
de 50% le risque combiné de décès et d'insuffisance rénale terminale.
Entre la période d'inclusion (de décembre 1987 à octobre 1990) et
septembre 1992, sur les 65 patients décédés ou nécessitant une dialyse
ou une transplantation rénale, 42 appartenaient au groupe placebo
et 23 au groupe Captopril. L'apport économique d'un tel traitement
est important compte tenu du coût considérable des traitements de
l'insuffisance rénale terminale.
Le coût de prise en charge des insuffisances
rénales terminales dépasse en moyenne 250 000 francs par an. Le
traitement préventif par Captopril de 1000 patients souffrant de
néphropathie diabétique coûte 5 M de francs sur 2 ans. Or ce traitement
évite 57 évolutions vers l'insuffisance rénale terminale pour 1000
patients. Ceci représente une économie de 14,25 M de francs. L'économie
totale sur les seules deux premières années est donc de 9,25 M de
francs pour 1000 patients. La prévention de l'insuffisance rénale
terminale des diabétiques par le Captopril évite d'alourdir une
prise en charge déjà difficile. Son apport en terme de confort du
malade est doublé par les économies qu'elle permet de réaliser.
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