L'interprétation
rapide des bases de données
Attention aux
conclusions hâtives !
Thierry
DISPOT
1er
novembre 1995
L'interprétation
rapide des bases de données pharmaco-économiques peut conduire à
de graves erreurs.
La finalité
de la pharmaco-économie ne se limite pas à diminuer les coûts des
soins. Elle permet d'améliorer la qualité des prises en charge des
patients. En effet, l'optimisation des traitements leur permet d'être
plus efficaces. Cette démarche nécessite la mesure des moyens mis
en oeuvre pour passer d'un état de maladie à un état de guérison
ou de stabilisation dans le cas des pathologies incurables. Toute
la subtilité des études repose sur la recherche des variables pertinentes
qui seront mesurées, à partir d'échantillons randomisés ou de bases
de données déjà constituées. C'est l'outcome research, vocable barbare,
sur lequel repose toute la crédibilité des études.
L'asthme
est l'exemple idéal qui démontre la difficulté d'interpréter les
critères de résultats (encore appelés outcomes par les auteurs anglo-saxons)
issus des bases de données,. Les principaux outcomes mesurés jusqu'à
présent sont la mortalité, le nombre d'hospitalisations, les informations
des bases de données hospitalières et ambulatoires. William M. VOLLMER
a analysé leurs apports et surtout leurs limites dans un article
passionnant publié dans l'American Journal of Respiratory and Critical
Care Medicine. Stimulés par l'augmentation du taux de décès des
asthmatiques dans les années 60 les chercheurs ont multiplié le
nombre d'études.
Le taux
de décès, est un critère à manipuler avec prudence. En effet, la
précision des bases de données de population générale est souvent
insuffisante et les décès dus à l'asthme sont trop peu nombreux
pour permettre une interprétation non biaisée. Dans les statistiques
générales, si le diagnostic d'asthme peut être validé pour les populations
de moins de 45 ans, la cause de décès est souvent ambiguë pour les
malades plus âgés. La prévalence de l'asthme y est souvent mal estimée.
Il convient également de se méfier des modifications des nomenclatures
de codage. Elles peuvent induire des modifications apparentes significatives
dans les taux de mortalité et de morbidité de la pathologie, alors
que ceux-ci n'ont en réalité pas changé. Il s'agit alors d'une illusion
d'optique. Il est nécessaire d'étudier l'évolution des autres pathologies
pulmonaires afin de repérer les transferts d'un code à un autre.
Une autre limite de ce critère de résultat est qu'il est trop réducteur
et refléte mal les changements épidémiologiques sur l'incidence,
la prévalence ou même la sévérité de la pathologie.
Les taux
d'hospitalisations sont également difficiles à interpréter. Ils
comportent de nombreux biais. En effet, il est difficile de relier
la population hospitalisée à la population générale. Le recrutement
d'un établissement de soins correspond rarement à un groupe démographique
défini et repérable. Cette condition indispensable à l'analyse du
taux d'hospitalisation ne se retrouve que dans les systèmes de type
H.M.O. qui dispensent tous les soins à leurs seuls adhérents.
L'étude
des bases de données peut apporter des informations essentielles.
Elles sont toutefois souvent entachées de biais induits par des
variations de populations. Leurs conclusions devraient systématiquement
être validées par des essais randomisés.
La surmortalité
de l'asthme, constatée dans les années 60, a été l'objet de nombreuses
interprétations. La relation entre l'augmentation des décès et l'augmentation
des traitements par les sympothomimétiques a fait conclure certains
auteurs à une cause pharmacologique. La réalité est plus complexe.
En effet, l'augmentation de la consommation médicamenteuse observée
concomitamment avec les décès traduit seulement l'aggravation de
la maladie. Ce ne sont pas les médicaments qui augmentent les décès
mais l'aggravation de la maladie avant la mort qui impose une augmentation
des doses.
Une
corrélation difficile à interpréter
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