Le
coût par pathologie :
mythe ou réalité ?
Christine
BOUCHET
5 octobre
1999
Soucieux
de maîtriser les coûts générés par le système de soins, certains
pays occidentaux tentent de financer lactivité médicale en
fonction du coût moyen d'une pathologie ou de la consommation médicale
moyenne d'un patient. Cette approche est rationnelle sur le plan
économique mais elle soulève en pratique des difficultés techniques
majeures. Le recours à de tels outils peut en outre occasionner
des dérives.
En France, ladoption dun
article de loi permettant dexpérimenter la tarification à
la pathologie dans les cliniques et les hôpitaux suscite un débat
sur ces méthodes originales de financement des soins.
Une méthode sérieusement envisagée à l'hôpital
Le
PMSI permet de déterminer le coût des prises en charge hospitalières
Dans le cadre du PMSI
(Programme de Médicalisation des Systèmes d'Information), chaque
séjour hospitalier est classé dans un GHM
(Groupe Homogène de Malades) qui correspond à un coût théorique
du séjour pour l'établissement.
Aujourdhui, les
GHM sont utilisés pour l'allocation budgétaire des établissements
publics, mais ils ne sont pris en compte que pour réduire les inégalités
entre établissements engendrées par l'enveloppe globale. Le PMSI
ne concerne pour l'instant que les services MCO (Médecine, Chirurgie,
Obsétrique) et bientôt les soins de suite et de réadaptation. Il
n'intervient que sur une faible part des budgets hospitaliers, puisque
les régions utilisent un taux de reconduction automatique de l'enveloppe
de l'année précédente variant entre 80 et 95%. Le PMSI nest
donc pas utilisé aujourdhui comme outil de tarification par
pathologie.
La
loi sur la CMU étend le rôle assigné au PMSI
La loi sur la CMU,
adoptée en juillet 99 comporte un article concernant le financement
des hôpitaux. Celui-ci prévoit l'expérimentation dun système
de tarification à la pathologie dans certains établissements publics
et privés. [cliquez ici pour lire
larticle de loi]
Le plan stratégique
de la CNAM de mars 99 proposait déjà ladoption dun système
conjuguant dotation globale et tarification à la pathologie, ainsi
qu'une harmonisation des financements des établissements publics
et privés. Dans ce schéma, les missions spécifiques du service public,
prévention, enseignement et recherche, seraient financés par une
dotation globale.
Martine Aubry a présenté
le 22 septembre 1999 les grandes lignes du projet de financement
de la Sécurité Sociale pour l'an 2000. Pour les établissements publics,
le projet met en priorité la réduction des inégalités entre les
régions et entre les établissements. Cette démarche repose notamment
sur lexploitation des données du PMSI (Programme de Médicalisation
du Système d'Information). Pour les établissements privés, une phase
de transition est prévue avant le passage à la tarification par
pathologie. Par ailleurs, l'OQN (Objectif Quantifié National) sera
régionalisé, et les ARH
(Agences Régionales de l'hospitalisation) se fonderont sur les résultats
du PMSI pour déterminer les modulations tarifaires à appliquer.
La tarification par
pathologie, une réponse à la crise financière des cliniques privées
Le principe de la tarification
à la pathologie semble faire l'unanimité parmi les acteurs du secteur
hospitalier (CNAM, Fédération Hospitalière de France, Syndicat National
des Hospitaliers, cliniques privées). Seule est contestée la possible
harmonisation du financement des hôpitaux et des cliniques. De récentes
études basées sur le PMSI ont en effet montré que les hôpitaux publics
coûtent 50% plus cher que le secteur privé. Le surcoût serait dû
en partie aux missions de service public de l'hôpital, qui sont
difficiles à repérer et à valoriser : permanence des soins, enseignement,
recherche, expertise. Celles-ci sont d'ailleurs prises en compte
dans le cadre du PMSI, par un abattement de 13% dans le calcul du
point ISA des établissements publics. Les disparités d'activité
- les actes seraient plus souvent programmés dans le privé que dans
le public - et les contraintes réglementaires pesant sur les établissements
publics joueraient également un rôle dans ce surcoût. Certains experts
insistent en outre sur lefficacité des cliniques privées,
qui surclasseraient les hôpitaux en matière d'organisation.
Pour les cliniques
privées, le coût par pathologie offre des perspectives séduisantes.
Les cliniques sont actuellement menacées par la faiblesse de leur
rentabilité, que les modes de financement actuels ne leur permettent
pas daccroître. La mise en place d'une tarification à la pathologie
favoriserait une augmentation de leurs marges en maximisant le rapport
coût-efficacité du service médical rendu. La réduction des durées
de séjour permettrait notamment de diminuer le prix de revient dune
hospitalisation. Aujourdhui, les cliniques sont au contraire
incitées à conserver leurs patients, puisque leur rémunération est
proportionnelle à la durée de séjour.
Naturellement, une
modification générale du système de financement des établissements
privés demandera du temps. Au sein des établissements, l'application
de la tarification à la pathologie nécessitera en outre de redéfinir
les principes de rémunération des plateaux techniques et des intervenants
(comment les professionnels de santé et la clinique se partagent-ils
lenveloppe financée par lassurance maladie
pour chaque intervention ?).
Suite
de l'article
|