La
grille Aggir
Un
outil pour objectiver la dépendance
Christine
BOUCHET
5 novembre
1999
Suite et fin
(2/2)
Les
utilisations de la grille Aggir
La grille Aggir est
actuellement utilisée par les conseils départementaux pour lattribution
de la PSD (Prestation Spécifique Dépendance) dans le cadre de la
loi, mais également en institution pour évaluer la charge en soins
ou répartir le personnel, et par certains assureurs dans le cadre
de l'assurance dépendance.
La
prestation spécifique dépendance
La loi 97-60 du 24 janvier 1997
définit la Prestation Spécifique Dépendance, qui est aide destinée
à prendre en charge les dépenses liées à la dépendance des personnes
âgées à partir de 60 ans. C'est une prestation en nature, attribuée
par le Département au titre de l'aide sociale. Elle doit être utilisée
pour la rémunération d'une aide à domicile, ou sera versée à l'établissement
si la personne vit en institution. Elle est censée remplacer l'Allocation
Compensatrice pour Tierce Personne, qui n'est plus attribuée par
la COTOREP qu'avant l'âge de 60 ans.
Conditions pour bénéficier
de la PSD :
avoir au moins 60 ans ;
être de nationalité française ou avoir vécu régulièrement en France
pendant 15 ans avant 70 ans ;
ressources de l'année précédente inférieures à un certain plafond ;
présenter un certain degré de dépendance.
L'évaluation du niveau
de dépendance est faite par une équipe médico-sociale en utilisant
la grille Aggir. Seuls les Groupes Iso Ressources 1, 2 et 3 (les
plus sévères) autorisent l'attribution de la prestation.
Le montant de l'allocation
varie avec le niveau de dépendance et les ressources de l'année
précédant la demande de prestation, au maximum 100% du montant de
la majoration tierce personne du régime général.
Si les ressources sont
inférieures à 6 187F pour une personne seule ou 10 312F
pour un couple, le montant maximal de la PSD est de 5 726F.
Si les ressources sont supérieures, on déduit de la PSD le montant
excédant le plafond. Donc si les ressources atteignent 11 913F (6187F
+ 5726F) ou 16 038F pour un couple, la PSD n'est pas versée et il
faut faire une demande d'aide ménagère.
Par ailleurs la PSD
implique une imposition sur la succession.
Cette loi provisoire
est très critiquée et certains gérontologues ont écrit un "livre
noir" sur la PSD. L'emploi de la grille Aggir ne permet pas
de différencier ce que la personne est capable de faire de ce qu'elle
veut bien faire. Il est donc impossible d'identifier les simulateurs.
Par ailleurs la PSD génère des inégalités importantes, d'abord parce
qu'elle est attribuée par les conseils généraux des départements
qui ne l'attribuent pas tous de la même façon, ensuite parce que
la classification en GIR présente certaines incohérences.
La PSD est actuellement
loin de couvrir le risque de dépendance. Elle serait actuellement
touchée par 90 000 personnes seulement, sur 700 000 personnes
lourdement dépendantes. Les conditions de ressource qu'elle implique
sont en effet assez restrictive, et le fait qu'elle engage une imposition
sur la succession conduit certains travailleurs indépendants à ne
pas la demander, de peur de prendre une hypothèque sur leur outil
de travail.
Certains estiment d'ailleurs
que la dépendance devrait être prise en charge par la sécurité sociale
comme c'est le cas au Luxembourg depuis 1998.
La grille Aggir
en institution
La grille Aggir est
utilisée dans les établissements qui accueillent les personnes âgées
dépendantes, principalement pour déterminer les besoins en personnel.
Des GIR moyens par établissement ou par service sont alors calculés.
La grille Aggir n'est
toutefois pas une mesure de la charge en soins, ni un outil permettant
le suivi de la personne dépendante. Les gérontologues conseillent
de ne pas l'intégrer au dossier, car sa prise en compte systématique
pourrait avoir des effets pervers. Un sujet totalement grabataire
et institutionnalisé touchera la PSD, ce qui peut présenter un intérêt
financier pour la famille. Les soignants pourraient donc être incités
à en faire le moins possible, et l'absence de stimulation des sujets
âgés conduit bien souvent à leur grabatisation.
Les gérontologues pensent
que dans ce cadre la grille Aggir devrait être remplacée à moyen
terme par d'autres indicateurs comme le RAI (Resident Assessment
Instrument). Le RAI est un outil inspiré de la démarche de Virginia
Henderson et utilisé aux Etats Unis depuis la fin des années 80,
notamment dans le cadre de la prise en charge par Medicare et Medicaid.
Il s'agirait d'un bon instrument de mesure de la charge travail
en institution, utile pour justifier l'attribution des ressources.
L'assurance
dépendance
Il s'agit d'un nouveau
type d'assurance, proposé en France par certains assureurs privés
depuis une dizaine d'années. Le principe est de proposer aux personnes
âgées de souscrire un contrat et de verser une prime mensuelle.
Si la personne devient dépendante, l'assureur lui verse alors une
rente viagère qui lui permet de faire face aux dépenses engendrées
par les aides à domicile ou l'hébergement en institution spécialisée.
Le groupe AG2R propose
ainsi un contrat d'assurance dépendance depuis 1985, le contrat
Safir. C'était la première compagnie d'assurance à se lancer
sur ce marché. La prime est fixée essentiellement en fonction de
l'âge du sujet, et la grille Aggir est utilisée pour objectiver
le niveau de dépendance et déterminer le moment où la rente doit
être versée, celle-ci pouvant aller de 3 000 à 8 000 F par mois.
Le marché potentiel
pour ce genre de contrats est énorme, en raison principalement du
vieillissement de la population. Le nombre de personnes âgées de
plus de 85 ans devrait doubler dans les vingt années à venir. Elles
sont un million aujourd'hui, et seront 2,1 millions en 2020 et à
4,5 millions en 2050. Il est couramment admis qu'au delà de 80 ans,
une personne sur trois est dépendante. Par ailleurs l'évolution
de la société fait que les enfants ne peuvent plus prendre en charge
les personnes âgées à leur domicile, et le coût de la prise en charge
d'une personne âgée dépendante (environ 12 000 F par mois) est supérieur
au revenu moyen des sujets âgés.
Cependant, seulement
250 000 contrats d'assurance dépendance ont été souscrits en France
à cette date (dont 70% chez AG2R). Il existe en effet des freins
psychologiques majeurs - souscrire une assurance dépendance nécessite
déjà d'admettre l'éventualité de cette dépendance. Les obstacles
financiers ne sont pas non plus négligeables, le montant des primes
étant relativement élevé et les sommes versées restant acquises
à la compagnie d'assurance si la personne ne perd pas son autonomie,
contrairement à d'autres placements. Certains contrats d'assurance
dépendance sont en outre relativement exigeants, et prévoient un
délai de carence de plusieurs années avant le versement de la rente,
pour éviter de devoir financer des états de dépendance temporaires.
La stratégie marketing
est donc encore à créer, le meilleur moyen d'attirer les clients
potentiels étant probablement de proposer des "produits associés",
comme l'épargne option dépendance, ou l'assurance dépendance intégrée
à lassurance vie ou à la complémentaire santé. En Allemagne,
l'assurance dépendance est maintenant obligatoire, et intégrée aux
contrats professionnels.
Par ailleurs les assureurs
connaissent encore très mal le risque lié à la dépendance. Les modèles
actuariels sont encore très instables, et même chez AG2R où le recul
est important, les premiers souscripteurs ont maintenant environ
80 ans et le maximum du risque n'est pas encore atteint.
On sait que chez le
sujet âgé le risque de dépendance est essentiellement lié à l'âge,
mais aussi à la poly-pathologie et aux atteintes dégénératives du
système nerveux central comme la maladie d'Alzheimer. Des études
sont encore nécessaires pour préciser les facteurs de risque. La
grille Aggir telle qu'elle est conçue actuellement ne semble pas
utilisable dans le cadre d'un modèle prédictif, cependant il est
probable qu'une dépendance mineure à l'âge de soixante ans puisse
être associée à un risque de dépendance majeure à l'age de quatre
vingts ans. Il sera donc nécessaire d'avoir des données supplémentaires,
notamment hors institution, sachant que remplir la grille Aggir
est coûteux en temps et doit être fait par un médecin relativement
expert dans le domaine, et que plusieurs années seront nécessaires
avant d'avoir des modèles fiables et valides.
.
les sujets
âgés et la dépendance
www.senior-planet.com
www.medidep.com
http://www.clinique-privee.com/fneapad/
la
PSD
www.senat.fr
www.handroit.com/Prestationdependance.htm
http://users.aol.com/Dgeriatrie/
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