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Le Prozac a-t-il amélioré la qualité
de vie des Français?

Suite 2

L'action des antidépresseurs sur la qualité de vie des sujets dépressifs

Les antidépresseurs classiques

Il existe en France trente deux antidépresseurs commercialisés. Le volume de consommation des antidépresseurs y est colossal. Le marché croît régulièrement depuis de nombreuses années. Autrefois prescrits presque exclusivement par les spécialistes, les antidépresseurs sont devenus un des médicaments les plus prescrits par les médecins généralistes. Les tranches d'âge recevant ces traitements se sont également modifiées. Les antidépresseurs ne sont plus réservés aux patients d'âge moyen de la vie, les personnes de plus de soixante ans sont de fortes consommatrices et il existe une tendance à l'utilisation chez les sujets très jeunes.

Il existe différentes classes d'antidépresseurs. Avant l'apparition de la nouvelle génération à laquelle le Prozac appartient, quatre grandes catégories existaient :

- les antidépresseurs tricycliques (ATC), appelés ainsi car ils comportent trois atomes de carbone. Le premier du genre fut l'imipramine (1957). Les ATC fonctionnent dans le cerveau en maintenant le neurotransmetteur, la norépinéphrine et, à un degré moindre, la sérotonine, dans la synapse entre cellules nerveuses, au lieu de le laisser entrer à nouveau dans la terminaison émettrice. Il en résulte une augmentation de la quantité de neurotransmetteur dans la synapse, ce qui permet à la transmission de l'influx nerveux entre les cellules de se normaliser. En bref, les ATC bloquent le recaptage essentiellement, sinon uniquement, de la norépinéphrine.

- les inhibiteurs de la monoamine-oxydase (IMAO) ont une action de type différent. Le premier du genre fut l'iproniazide (dont l'action anti-dépressive fut découverte en 1957). Les IMAO agissent en empêchant la dégradation des neurotransmetteurs (norépinéphrine et sérotonine), ce qui a pour résultat d'augmenter leur quantité présente dans les synapses.

- des molécules de structure différente sont parfois utilisées, par exemple le bupropion (Wellbutrin)

- un peu à part, le lithium, un produit naturel, connu pour son action régulatrice dans les troubles maniaco-dépressifs. Il peut aussi jouer un rôle préventif important dans la dépression unipolaire récurrente, et même un rôle thérapeutique dans la dépression majeure quand il est ajouté à un antidépresseur comme potentialisateur (c'est-à-dire que non seulement il s'ajoute à celui-ci mais en plus il en démultiplie les effets).

Il faut préciser que, statistiquement, les antidépresseurs ne sont efficaces que dans 60 à 70% des cas. Par ailleurs, ils occasionnent des effets indésirables qui peuvent se révéler très gênants pour le patient.

En ce qui concerne les ATC, leurs effets secondaires sont essentiellement liés à leur action sur l'acétylcholine. Bien qu'ils varient d'un produit à l'autre et d'un patient à l'autre, ces effets secondaires peuvent être accélération du rythme cardiaque, vision brouillée, sécheresse de la bouche, constipation, rétention urinaire, prise de poids, somnolence, impuissance, problèmes de mémoire... Par ailleurs, des symptômes de sevrage existent en cas d'arrêts trop abrupts du médicament.

Les IMAO suscitent moins souvent ce type de réaction, ce qui les a rendus dans un premier temps assez populaires. Ils peuvent néanmoins provoquer agitation, somnolence et perte de poids. En outre, la prise d'un IMAO nécessite un régime alimentaire assez contraignant. Dans les années soixante, ces médicaments avaient en effet entraîné une série de décès, et de très fortes migraines dues à une tension extrêmement élevée. On a alors découvert que certains aliments (notamment le fromage) provoquait des réactions toxiques avec les IMAO. La substance en cause est la tyramine, habituellement détruite par la monoamine-oxydase, qui suscite la libération d'amines complexes par les cellules nerveuses. La liste des aliments interdits s'est allongée au fil des années.

L'existence d'effets secondaires a par ailleurs des conséquences indirectes telles que:

- une tendance des médecins à diminuer les posologies, d'où un dosage insuffisant pour traiter correctement la dépression

- un mauvais suivi du traitement par les patients, d'autant plus que les thérapies par les antidépresseurs sont en général de longue durée

- parfois, un arrêt prématuré du traitement par le patient.

Les nouveaux antidépresseurs

Le Prozac (fluoxétine) est le premier médicament d'une nouvelle famille d'antidépresseurs appelés inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine (ISRS). Son nom générique est chlorhydrate de fluoxétine. Son action chimique consiste à inhiber le recaptage de la sérotonine, ce qui permet d'augmenter le temps de présence de ce neurotransmetteur dans la synapse. Dans la même famille on peut citer par exemple le Deroxat (paroxétine), le Zoloft (Sertraline), et le plus récent, l'Effexor (Venlafaxine), qui inhibe le recaptage de la sérotonine et de la noradrénaline.

Après la découverte des ATC et des IMAO dans les années 50, la découverte d'un antidépresseur agissant de préférence sur la sérotonine était devenue un objectif séduisant. Au fil des années, on en était venu à penser qu'un certain nombre d'affections, formes atypiques de dépression, troubles obsessionnels compulsifs et troubles du comportement alimentaire, pouvaient être liés à un dérèglement de la sérotonine. Pour ces maladies, les IMAO étaient plus efficaces que les ATC, ce que les pharmacologues expliquaient par le fait que que contrairement aux tricycliques, les IMAO permettent d'accroître le taux de sérotonine. La quête qui s'est poursuivie tout au long des années 60, 70 et jusque dans les années 80 était celle d'un médicament exerçant une influence sélective sur la sérotonine. La découverte de l'action de la fluoxétine en 1974 répondit à cette attente. Inhibant 200 fois plus la capture de la sérotonine que celle de la noradrénaline, cette substance n'agissait ni sur l'histamine ni sur l'acétylcholine, ce qui en limitait les effets secondaires. La sélectivité de l'action de la fluoxétine en est sans doute la spécificité le plus marquant par rapport aux antidépresseurs traditionnels. Néanmoins le Prozac peut aussi être adapté au traitement de dépressions n'ayant pas répondu à un traitement par un tricyclique. Le Prozac peut également être efficace dans le traitement des troubles obsessionnels compulsifs.

Il faut toutefois noter que, comme les autres antidépresseurs, les ISRS n'ont pas un effet dans 100% des cas. Un tiers des patients environ ne réagissent pas au traitement. Il faut aussi savoir que le Prozac et les autres ISRS ne sont pas plus efficaces que les autres antidépresseurs, dans leur domaine d'indication commun. L'amélioration de la qualité de vie liée à l'apparition du des ISRS ne vient donc pas d'une meilleure efficacité de ce médicament, mais bien plutôt de la plus grande rareté de leurs effets secondaires.

Ces effets existent néanmoins et sont les suivants:

- sur le plan digestif : nausées, vomissements, troubles du transit. Environ 21% des patients dans les essais cliniques se sont plaints de nausée, ce qui en fait l'effet secondaire le plus fréquent. Toutefois, seulement 2% des patients allaient jusqu'à vomir effectivement. En général, après quelques semaines, toute nausée disparaît. Il faut aussi savoir que 10% des patients ayant pris un placebo se plaignent de nausée.

- effets sur le système nerveux central : maux de tête, tremblements, agitation, nervosité, anxiété, caauchemars, parfois somnolence.

- anorexie : de manière générale les ISRS n'entraînent pas de prise de poids contrairement à la plupart des ATC et des IMAO. Ils sont donc plus appropriés au traitement des obèses ou de ceux qui ont tendance à grossir facilement, notamment avec les autres médicaments antidépresseurs. La fluoxétine aurait même entraîné des pertes de poids pouvant atteindre deux kilos en six semaines.

- bouche sèche, mais pour seulement 9,5% des patients, à comparer avec les 65% des patients traités aux ATC qui se plaignent de ce symptôme

- éruption dans 3% des cas. Cet effet est rare mais il entraîne en général l'abandon du traitement.

- troubles sexuels

- des risques de troubles maniaques existent si le patient y est prédisposé

Les ISRS provoqueraient en outre des problèmes d'interactions médicamenteuses, car ils inhiberaient le métabolisme hépatique de certains médicaments administrés en même temps.

Les ISRS ne sont pas toxiques pour le système cardio-vasculaire, contrairement aux médicaments plus anciens, ce qui permet de le prescrire plus facilement chez la personne âgée ou chez les sujets présentant des risques cardio-vasculaires. Ils sont également moins dangereux en cas de surdosage lié à une intoxication volontaire.

Les effets indésirables produits par les différents ISRS sont semblables à quelques nuances près. Le Prozac présenterait plutôt des effets à type de nervosité, d'agitation, d'anxiété, alors que le Deroxat, qui est le plus prescrit après le Prozac, entraînerait plutôt une asthénie et une somnolence. Un des atouts du Prozac est sa longue demi-vie. La fluoxétine elle-même a une demi-vie de un à trois jours et son métabolite, la norfluoxétine, qui bloque également le recaptage de la sérotonine, a une demi-vie de sept à quinze jours. Après arrêt du traitement, le taux de Prozac dans l'organisme diminue donc lentement de lui-même. L'intérêt est que les patients qui interrompent leur traitement, même brusquement, ont toutes les chances d'éviter le sevrage qui souvent se produit avec les antidépresseurs dont la demi-vie est plus courte. De même, lorsqu'un patient oublie pendant un jour ou deux de prendre son Prozac, cela n'aura pas de conséquence. C'est un des avantages du Prozac par rapport aux autres ISRS, qui provoquent parfois des troubles à l'arrêt et nécessitent une diminution progressive de la posologie.

Les études axées sur la qualité de vie liée à la santé ont généralement montré que les ISRS améliorent d'avantage la qualité de vie que les antidépresseurs tricycliques. L'amélioration de la qualité de vie se traduit concrètement par une meilleure compliance du patient au traitement, et le taux d'arrêt prématuré est très bas. Des études ont montré que la compliance était mauvaise pour les anciens antidépresseurs tricycliques, meilleure pour les tricycliques les plus récents et encore meilleure avec les ISRS. Ceci est aussi dû au fait que le Prozac doit être pris une fois par jour seulement, et pas deux ou trois fois comme c'est le cas de beaucoup d'antidépresseurs.

Suite de l'article 

 

11 juin 1999


 

 
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L'article ci-contre est paru à la fin de l'ouvrage Prozac, mon amour de Helen Slater, publié aux Editions Michalon (1999).

Prozac, mon amour (Helen Slater)

 

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