Rapport
Rocard
Réforme du Code de la Mutualité
Quel
avenir pour la mutualité française dans lUnion européenne ?
Corinne
RADAL
20
août 2000
Suite et fin
(3/3)
Les
enseignements du rapport Rocard
Le
rapport Rocard le souligne, les représentants de la mutualité sont
favorables à une intégration de la transposition des directives
européennes dans la réforme du Code de la Mutualité actuellement
en cours et qui devrait être présentée au Conseil des Ministres
fin juillet.
Néanmoins,
deux aspects des directives posent particulièrement problème par
rapport aux spécificités des couvertures mutualistes : le principe
de spécialisation des activités et le transfert de portefeuilles.
La
séparation des activités dassurances et des activités dites
de nature commerciale est le point qui suscite le plus de blocages
chez les mutualistes.
Cependant,
ce principe de spécialité offre aux mutuelles une certaine marge
de manuvre puisquil permet la gestion, au sein dune
même structure, dune activité dassurance santé et dactivités
offrant aux adhérents des prestations en nature liées à lactivité
dassurance (ie à la réalisation dun événement aléatoire).
La Commission Européenne a en outre précisé quune mutuelle
(ou toute autre entreprise dassurance dailleurs) offrant
des prestations en nature dans ce cadre pouvait en faire bénéficier
les adhérents dune autre entreprise dassurance, sous
réserve dun accord entre les deux compagnies.
Pour
ce qui est des prestations non liées à lactivité dassurance,
le droit français permet une gestion mutualiste de ce type duvres.
Le droit peut également être modifié de manière à permettre la création
de mutuelles surs (communauté de décision et de
direction entre plusieurs mutuelles) : les mutuelles entreprises
dassurance auraient ainsi les mêmes adhérents et les
mêmes dirigeants que leurs mutuelles surs gérant
les uvres sociales, ce qui permettrait de concilier au mieux
exigences européennes et esprit mutualiste.
Sur
ce point, il faut signaler que les mutuelles peuvent bénéficier
de lexpérience des institutions de prévoyance, qui ont mis
en uvre ce principe de spécialisation de lactivité en
1994.
Les
transferts de portefeuilles ne se font aujourdhui quentre
mutuelles. En effet, dans la mesure où les engagements pris vis-à-vis
des adhérents en matière de couverture santé sont plus forts dans
les mutuelles que dans les autres entreprises dassurance,
ces transferts ne peuvent avoir lieu que sils respectent les
engagements souscrits.
Linterdiction
instaurée par les directives européennes de restreindre les transferts
de portefeuilles pose donc problème aux mutuelles qui veulent préserver
les intérêts de leurs adhérents.
Néanmoins,
comme le précise le rapport Rocard, la Commission a stipulé que
lors dun transfert les parties concernées étaient libres de
poser leurs conditions. Ainsi la mutuelle cédante pourra imposer
à lentreprise repreneuse de respecter intégralement les engagements
pris envers son adhérent, comme la non sur-tarification ou non exclusion
en cas de modification de létat de santé.
Il
est également envisageable de renforcer les dispositions protectrices
de ladhérent dans le cadre du contrat, de sorte que toutes
les caractéristiques protectrices et le caractère viager du contrat
mutualiste perdurent même en cas de transfert de portefeuille.
Et les sociétés dassurances dans tout
ça ?
Le
rapport Rocard aborde peu ce sujet. Les sociétés dassurances
demandent depuis le début la transposition intégrale des directives
européennes aux mutuelles.
Elles
réclament notamment depuis longtemps lharmonisation des règles
financières, invoquant les distorsions de concurrence induites par
la fiscalité particulière des mutuelles. Les mutuelles paient notamment
moins dimpôts que les sociétés dassurances, ce qui leur
permet de dégager plus de marges et de pouvoir offrir des tarifs
plus avantageux.
De
même, les assureurs réclament lharmonisation des règles prudentielles
afin que toutes les personnes possédant une couverture santé puissent
bénéficier des mêmes garanties.
Enfin,
la FFSA (Fédération Française des Sociétés dAssurance) rappelle
que les mutualistes qui sopposent à la transposition sous
prétexte de préserver les principes essentiels de la mutualité se
posent un faux problème, puisque ces principes sont compris dans
la loi Evin de 1989 sur lactivité dassurance maladie
complémentaire. Cette loi instaure des règles protectrices à destination
des assurés, notamment lobligation de garantie viagère de
la couverture santé. Elle sapplique à tous les organismes
de couverture maladie complémentaire : les sociétés dassurance,
les mutuelles et les institutions de prévoyance.
Vers une transposition des directives
via la réforme du Code de la Mutualité ?
Les
directives européennes peuvent apporter beaucoup aux mutuelles :
renforcement de leur solidité financière grâce aux exigences prudentielles
et financières, protection des adhérents contre les risques liés
aux activités hors assurance des mutuelles, accès facilité aux grands
marchés européens (liberté détablissement et libre prestation
de services au sein des 15 Etats membres de lUnion).
Reste
à savoir si la réforme tant attendue du code de la Mutualité, qui
devrait être élaborée en sappuyant entre autres sur les constats
et les recommandations du rapport Rocard, va permettre de transposer
ces directives en douceur, aussi bien pour les mutualistes
que pour les assureurs
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