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Formularies :
Une mécanique bien huilée ?

Gaëlle LAYANI

Les formularies sont des listes de médicaments élaborées sous l’égide de comités P&T (Pharmacy and Therapeutic Committees). Les produits figurant sur ces listes sont recommandés par les PBM ou Pharmacy Benefit Managers aux prescripteurs des réseaux de soins intégrés (HMO). Ces derniers s’engagent dans la mesure du possible à prescrire ces médicaments. Le recours à ces listes s’inscrit pleinement dans la stratégie de maîtrise des coûts mise en œuvre par les autorités américaines, confrontées à une hausse galopante des dépenses de santé.

 À l’origine, les formularies ont d’abord été utilisés en milieu hospitalier, à des fins de gestion et d’inventaire des stocks de médicaments. Il appartient aux comités P&T (Pharmacy and Therapeutic), instaurés dès 1950 et au sein desquels siègent des médecins et des pharmaciens, de déterminer les modalités de fonctionnement des formularies. En effet, il ne s’agit pas de simple listes mais d’un véritable système dont le but est d’optimiser les soins grâce à une utilisation appropriée, efficace, économique et sûre des produits médicamenteux.

 

Un système à plusieurs facettes

Adaptation : le maître mot

Dérives : un faux procès fait aux formularies ?

Quid de la France ?


Un système à plusieurs facettes


En matière de formulary, chaque HMO utilise une terminologie qui lui est propre. On distingue les types de listes suivants : 

Formularies ouverts :
il s’agit de listes qui ne comportent qu’un nombre très limité de restrictions s’appliquant aux prestataires de soins. La prescription de certains produits, dits privilégiés, est néanmoins recommandée. Toutefois, les prestataires ignorant cette recommandation n’encourent aucune sanction. L’impact de ce type de liste sur l’évolution des dépenses est faible.

  Formularies fermés :
ce sont des listes restrictives de produits sélectionnés par le comité P&T. Seuls les médicaments figurant sur cette liste sont couverts par le plan d’assurance. En règle générale, ces listes proposent plusieurs choix par catégorie thérapeutique. Le recours à de telles listes ne cesse d’augmenter : en 1995, seuls 8,3 % des employeurs contractaient des plans d’assurance utilisant ce type de liste. Fin 1997, on prévoit un doublement de ce chiffre.

Formularies partiellement fermés :
il s’agit de listes ouvertes qui ne couvrent pas certains médicaments, voire une classe thérapeutique entière. Deux facteurs interviennent dans le choix d’exclure des produits du remboursement : l’absence de nécessité clinique et le coût des médicaments. Ce type de formulary permet de maîtriser la surconsommation médicamenteuse et de contrôler, parfois très efficacement, les coûts associés à des classes thérapeutiques onéreuses pour lesquelles il existe des alternatives. Ces listes sont les plus utilisées (39 % des formularies de HMO en 1996). Leur part devrait passer à 54,3 % en 1998.

Formularies restrictifs :
les restrictions concernées sont diverses. Ainsi, la liste peut exclure le remboursement des marques et ne prendre en charge que les produits génériques. De même, seuls certains médecins peuvent être autorisés à prescrire des produits donnés, très chers et dont la prescription requiert des compétences précises.

Formularies accompagnés d’incitations :
ils encouragent le recours à des produits privilégiés par le biais d’incitations économiques s’adressant au médecin, au pharmacien ou au patient. Le montant de la capitation que le médecin reçoit du réseau de soins se trouve d’autant plus diminué qu’il prend des risques en prescrivant un produit donné. Il a donc tout intérêt à se montrer le plus prudent possible... Parfois, le médecin est sanctionné pour avoir prescrit des produits ne figurant pas sur la liste. Quant au pharmacien, il est financièrement incité à proposer des génériques et à prendre l’initiative de modifier une ordonnance en substituant tel ou tel produit par un médicament de la liste. Ce type de formulary a actuellement le vent en poupe. 

Formularies dits gérés :
ce type de liste gère un certain groupe de médicaments qui n’est disponible que sur autorisation du plan d’assurance, et ce avant toute prescription. Il est nécessaire de déterminer préalablement des protocoles permettant de déterminer le bien-fondé ou non d’une autorisation. C’est également au médecin de prouver l’inefficacité thérapeutique d’un produit de la liste avant de pouvoir prescrire une médication ne figurant pas sur la liste.

Formularies positifs et négatifs :
une liste positive est une liste fermée répertoriant tous les produits remboursés. Un médicament absent de la liste n’est pas pris en charge et ne peut être délivré qu’en cas de nécessité médicale et après autorisation. Une liste négative est une liste partiellement fermée qui ne reproduit que le nom des produits qui ne sont pas pris en charge par le plan.

Adaptation : le maître mot


Les comités P&T se réunissent régulièrement pour étudier la littérature clinique et médicale, les informations relatives à la consommation de médicaments, les données économiques et les recommandations des prestataires de soins de façon à établir une liste de médicaments sûrs et efficaces.

L’inclusion d’un produit dans une liste de médicaments recommandés repose sur les trois facteurs suivants : efficacité, innocuité et coûts. Si les considérations économiques ne doivent en aucun cas supplanter les deux premiers facteurs, elles peuvent néanmoins constituer un facteur décisif dans la sélection des substances. En effet, les négociations portant sur les prix et l’obtention de remises auprès des fabricants pharmaceutiques influent sur la composition de la liste.

Une fois le choix des produits effectué sur la base de rapports remis au comité, ce dernier doit déterminer qui sera habilité à les prescrire et décider, entre autres choses, dans quelle mesure les ordonnances rédigées par un médecin extérieur au réseau sont remboursables.

Le comité limite souvent la durée de la prescription (rarement plus d’un mois) en raison des possibles modifications ou abandons de traitement, et des risques d’accumulation de médicaments par le patient.

Il établit également des protocoles concernant les autorisations de prescription de médicaments ne figurant pas sur la liste. Ces protocoles s’adressent aux prestataires de soins du réseau et concernent trois points principaux : la forme et le contenu de la demande d’autorisation, le destinataire de la demande et le temps de réponse qui doit, bien entendu, être le plus court possible.

Un formulary n’est pas une liste figée. Le marché pharmaceutique est, en effet, en perpétuelle évolution (nouvelles AMM, nouvelles indications, etc.). Le comité P&T ne peut donc ignorer ces paramètres et doit penser à instaurer une procédure de renouvellement de la liste.

Les formularies constituent un rouage de la stratégie de gestion intégrée des soins (managed care). À ce titre, ils comportent un volet éducationnel et informationnel qui s’adresse au médecin, au pharmacien (monographies, lettres d’information, programmes de formation) et au patient (explication du fonctionnement du plan d’assurance et du formulary, importance de l’observance thérapeutique).

Des programmes d’évaluation de la consommation médicamenteuse sont également instaurés pour mesurer l’efficacité, l’innocuité et la qualité de l’utilisation des médicaments.

 Dérives : un faux procès fait aux formularies ?


Si le système des listes de médicaments recommandés connaît un fort regain d’intérêt depuis quelques années, il est loin de faire l’unanimité et nombreuses sont les critiques émises à son encontre. Ainsi, d’après une étude portant sur six HMO et parue dans la revue American Journal of Managed Care au mois de mars 1996, l’emploi de listes restrictives se traduirait par une baisse de la qualité des soins prodigués au patient, et une hausse de l’utilisation des services de santé et des coûts globaux. Certes, cette étude a elle-même été la cible de nombreuses attaques, mais elle démontre combien il est nécessaire de contrôler et d’ajuster le système en permanence.

La question de la substitution thérapeutique fait également l’objet de critiques. Les médecins, en particulier, se plaignent de la faible marge de manœuvre qui leur est laissée en matière de prescriptions. En 1996, un rapport officiel a dénoncé cette pratique, qui limite l’accès du public à des produits de qualité et formulé plusieurs recommandations allant dans le sens d’une meilleure information du patient et d’une plus grande transparence commerciale.

Par ailleurs, plusieurs États ont instauré une législation restreignant le champ d’application des formularies.

Ces listes, notamment les moins "souples", soulèvent de graves problèmes éthiques lorsque la possibilité de proposer des soins de qualité optimale est sacrifiée à des considérations économiques.

La "standardisation" des soins découlant de la pratique des formularies n’est pas sans inconvénients, car les patients ne réagissent pas tous de la même façon à un traitement donné. Le respect des contraintes imposées par une liste oblige à minimiser les particularités de chaque patient ou groupe de patients. De plus, la substitution thérapeutique n’est pas toujours sans provoquer des effets secondaires dans le cas de certaines pathologies. Ainsi, les patients atteints de lupus (affection de la peau) doivent prendre plusieurs médications par jour et, de fait, encourent de sérieux risques d’interaction et d’allergie médicamenteuses. Une substitution thérapeutique chez ce type de patients est donc susceptible de provoquer de graves effets secondaires.

La marge de manœuvre du médecin en matière de dosages est également limitée puisque ces derniers sont définis à l’avance en fonction des normes les plus fréquentes. Il n’est donc pas rare que le patient soit contraint de couper ses pilules en deux afin de respecter la posologie indiquée par le médecin sur l’ordonnance.

De surcroît, le médecin peut compter parmi sa clientèle des patients affiliés à des réseaux de soins différents. Par conséquent, s’il décide de se conformer scrupuleusement au contenu des listes, il peut perdre beaucoup de temps et d’énergie à "gérer" des dizaines de listes. De même, les réseaux négocient en permanence avec les fabricants pharmaceutiques et réalisent diverses tractations dans le but d’obtenir des remises et des prix avantageux, ce qui entraîne fréquemment des modifications de listes et accroît la complexité de la tâche.

D’un point de vue juridique, les plans d’assurance sont en droit de ne rembourser que la version la moins onéreuse d’un traitement. Les médecins se trouvent donc parfois désarmés lorsqu’il s’agit de faire prévaloir leurs arguments médicaux face aux considérations économiques avancées par les réseaux. Cela n’est pas sans risque pour le patient. En effet, certains plans d’assurance ont enjoint à des médecins de modifier le traitement de patients, pourtant efficace et bien toléré par ces derniers, en faveur de produits figurant sur la liste.

Le système des formularies n’a toutefois pas que des détracteurs. La revue American Journal of Managed Care, celle-là même qui a publié en 1996 une étude peu élogieuse, admet cependant qu’une liste "bien conçue et bien gérée permet de prendre en charge efficacement l’ensemble du régime thérapeutique d’un patient. Les listes améliorent la qualité des soins en encourageant la prescription de médicaments, dont l’innocuité, l’efficacité et la supériorité en termes de résultats (outcomes) ont été démontrées".

Ce système est d’autant plus efficace qu’il s’inscrit dans un ensemble plus vaste qui intègre d’autres outils d’optimisation des soins (références médicales ou examen de la consommation médicamenteuse, par exemple) et établit une véritable collaboration entre les divers acteurs du réseau de soins.

Toujours selon l’American Journal of Managed Care, l’exclusion et l’insertion de médicaments ne seraient pas principalement dictées par des questions de prix puisque les comités P&T travaillent avant tout à partir de données issues d’essais cliniques et d’études scientifiques, évaluent le rôle du médicament dans les recommandations thérapeutiques, comparent les produits entre eux et examinent les données relatives à la consommation réelle ou envisagée au sein de populations de patients données. De surcroît, en règle générale, l’accès à des produits ne figurant pas sur les listes n’est pas prohibé si l’état du patient l’exige.

Il serait faux d’affirmer que l’efficacité et l’innocuité thérapeutiques sont souvent sacrifiées sur l’autel des impératifs économiques. En outre, les formularies permettent de réaliser des économies effectives. Une liste restrictive responsabilise les acteurs du système de santé en matière de sélection et de consommation de médicaments. Une stratégie de gestion intégrée des soins peut se traduire par de meilleurs résultats cliniques et des économies plus substantielles, si l’on envisage les dépenses pharmaceutiques sous l’angle d’une diminution globale des coûts médicaux, conséquence d’une meilleure gestion des traitements médicamenteux. Encore une fois, des dérives sont susceptibles de naître lorsque la question des coûts n’est pas appréhendée comme un élément faisant partie d’un tout.

Quid de la France ?


Certes, il n’existe pas, à proprement parler, de tels systèmes en France. Citons néanmoins le projet soumis par la société américaine Medco en 1995, alors en négociations avec le syndicat MG-France et la Fédération Nationale de la Mutualité Française. Cette société avait proposé un modèle de filière qui avait déclenché une levée de boucliers de la part de la CNAM, des pouvoirs publics et de la CSMF : les généralistes se voyaient offrir un ordinateur en échange de l’adhésion à un modèle de prescription qui comprenait, notamment, une liste de médicaments à prescrire élaborée avec les laboratoires.

Malgré tout, on s’achemine vers l’instauration de réformes qui empruntent certains traits à la réalité américaine.

Un encadrement plus ou moins autoritaire de la prescription pharmaceutique est facilité par la mise en place de réseaux et de filières de soins, à l’image des HMO. Un grand nombre de projets devrait être déposé. Il s’agit d’intégrer les praticiens dans des réseaux par le biais de l’informatisation. Les habitudes de prescriptions étant mieux cernées, il sera possible d’influer sur la pratique du médecin dans ce domaine.

Certains tabous sont tombés : la CNAM souhaite proposer une liste de médicaments génériques, invitant les médecins à prescrire les médicaments les moins chers. La Mutualité Française a également envoyé aux médecins au cours de l’été 1996 une plaquette recensant des produits de substitution pour une cinquantaine de molécules (cette initiative a fait l’objet de nombreuses controverses). Certes, ces listes ne sont qu’indicatives et ne peuvent "porter leurs fruits" que si elles sont associées à d’autres outils, d’après Jean-Pierre Davant, président de la FNMF qui, en juillet 1996, a déclaré que "...l’on ne développera vraiment le générique que si les généralistes, voire les spécialistes, disposent d’un système d’aide à la décision, sorte de tête chercheuse de la prescription économe. L’idée, c’est aussi pour la Mutualité que ce travail soit utilisé dans ses filières de soins, qui inciteront les patients, et les médecins, moyennant certains avantages, à nouer des relations de long terme".

En France, l’état de la pharmaco-économie n’est pas aussi avancé qu’outre-Atlantique. Or, un encadrement efficace de la prescription pharmaceutique ne saurait ignorer la question de l’évaluation médico-économique des médicaments. En France, il s’agit d’une discipline jeune dont l’impact sur le processus décisionnel demeure encore trop limité. Il faut mener des études intégrant des données recueillies sur le terrain, et non se contenter de l’aspect théorique de la pratique médicale. Enfin, il a souvent été reproché aux études économiques sur le médicament d’être trop éloignées des préoccupations de l’industrie pharmaceutique. Toutefois, en 1996, une commission s’est réunie afin d’élaborer des "recommandations de bonne pratique" en matière d’évaluation économique du médicament. De surcroît, les autorités françaises de tutelle du médicament s’appuient moins sur ce type d’étude alors qu’aux États-Unis, la logique HMO/assureurs se traduit par une demande importante d’enquêtes pharmaco-économiques.

 



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22 janvier 1998


 

 
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