Jean-Pierre
DAVANT
Président
de la Mutualité Française
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" Si
le système de santé n’évolue pas avec son temps,
il implosera "
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Propos
recueillis par
Mathieu Ozanam
22
décembre 2000
Le
bilan du système de santé que vous faites dans votre livre est
sévère, mais vous parlez peu de la Mutualité française. N’a-t-elle
pas un rôle à jouer ?
L’objet
du livre n’était pas de parler de la Mutualité française, je l’avais
déjà fait dans mon ouvrage précédent, mais d’essayer de faire un
bilan du fonctionnement du système de santé en France et d’essayer
de dessiner quelques pistes de réformes. Que la mutualité française
joue un rôle important, ce n’est pas moi qui vous contredirait !
Que certains éléments de réforme que j’avance dans ce livre sont
débattus au sein de la Mutualité française ne vous étonnera pas
non plus !
« Notre
santé n’est pas un commerce » a suscité beaucoup de réactions
chacun se voyant pris pour cible…
Vous
admettrez qu’il est difficile de parler du système de santé sans
parler de ses acteurs. J’insiste : il ne s’agissait pas de
trouver des boucs-émissaires aux dysfonctionnements du système de
santé, même s’il est indéniable que chacun a des responsabilités.
La presse médicale a brocardé le livre, mais pour autant je n’ai
vu aucun propos mettant en cause le fond du livre, c’est-à-dire
le constat que je dresse. Encore une fois il ne s’agit pas d’un
livre de propositions qui viendra peut-être un peu plus tard dans
la suite logique de ce livre et auquel pourront collaborer des professionnels
de santé.
Néanmoins
je propose des pistes de réformes que ce soit dans le domaine de
la médecine de ville ou le domaine hospitalier, qui sont le plus
souvent de réformes de bon sens. Un système de santé est avant tout
fait pour répondre aux besoins et aux préoccupations des patients.
Si on prenait cette évidence comme le socle principal de la réflexion,
les pistes de la réforme viendraient d’elles-mêmes.
Dans son étude « quelle croissance pour
les dépenses pharmaceutiques », Claude Le Pen fait la démonstration
de l’inéluctabilité de leur progression. Ne faut-il pas engager
le débat sur le panier de biens et services afin de déterminer quelles
doivent être les prises en charge collective et individuelle ?
Sans
vouloir être désobligeant avec Claude Le Pen, je représente ceux
qui versent chaque année 17 milliards de francs en médicaments.
Nous ne sommes donc pas dans la même situation. Cependant je ne
crois pas que nos propos soient complètement éloignés. Que nos dépenses
pharmaceutiques évoluent je n’y suis pas opposé s’il s’agit de produits
qui sont d’une réelle efficacité médicale. Le problème c’est que
nous faisons en France un très mauvais usage du médicament. S’il
s’agit d’un élément indispensable d’une thérapie, il ne faut pas
le confondre avec une marchandise banale. Si nous voulons que demain
tout le monde puisse accéder aux médicaments utiles, il faut pouvoir
gérer cette enveloppe de façon optimale. Or je constate que la commission
mise en place par Madame Aubry a conclu en des termes indiscutables
à l’inefficacité d’un certain nombre des médicaments distribués
dans nos pharmacies et remboursés aujourd’hui par la sécurité sociale
et les mutuelles. Les fonds sociaux et l’effort consacré par nos
concitoyens pour accéder aux médicaments est souvent inutilement
gaspillé
Vous aviez annoncé votre intention de dérembourser certains médicaments
à faible service médical rendu (SMR), où en est l’application de
cette mesure ?
Au
congrès de la Mutualité en juin 2000 à Paris, nous avons affiché
une volonté et un certain nombre d’objectifs. La France est le pays
où nous consommons le plus grand volume de médicaments. On sait
depuis 25 ans que les veinotoniques et les vaso-dilatateurs sont
de la poudre de Perlimpinpin et ils sont remboursés ! Il faut
nous doter d’outils pour observer la consommation de médicaments
utiles et inutiles, et constater si des médicaments non remboursés
participent tout de même à l’amélioration de l’état de la santé.
Nous voulons mettre en place un observatoire du médicament, cela
passe par la mise en place d’expérimentations dans des mutuelles,
dans des pharmacies mutualistes, par la concertation avec les adhérents.
Cela débouchera dans les premiers mois de 2001 sur un ensemble de
mesures que nous rendrons public.
Suite
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22 décembre 2000
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