LURML
Ile-de-France à la
recherche du consensus
Mathieu
OZANAM
29 septembre
2000
Cest
la première fois quune union régionale des médecins libéraux
participe à lélaboration de règles de bonnes pratiques en
collaboration avec lANAES.
Suffiront-elles à endiguer lencombrement des services hospitaliers
comme chaque hiver ?
Tout
commence comme un banal rhume : écoulement nasal, toux sèche,
mais en deux jours la bronchiolite sinstalle. La respiration
du nourrisson saccélère, ses efforts pour respirer sont plus
importants, le bébé se met à " siffler " et
il perd lappétit.
Chaque
année, de novembre à février, des parents affolés encombrent les
urgences des hôpitaux. Seule année on lon a constaté une diminution
du nombre de cas : 1995. Les grèves de lhiver qui avaient
paralysées pays ont évité la propagation de lépidémie dans
les transports en commun. Néanmoins en dehors de ces événements,
lAssistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) annonce ainsi
une hausse de 119% des consultations d'urgence, et de 66% des hospitalisations
liées à la maladie entre 1992 et 1996. Soit 17 000 consultations
en urgence en Ile-de-France et 5 800 hospitalisations. Une
enquête auprès des pédiatres volontaires de lassociation Respirer
indique que plus des deux-tiers des parents qui se présentent à
lhôpital nont pas consulté préalablement leur médecine
de ville, alors que dans 90% des cas il sagit dune affection
bénigne qui pourrait se traiter au domicile.
Les raisons
avancées pour expliquer cette "ruée" sur lhôpital
reposent à la fois sur limage sécurisante offerte par la technicité
de ses services et par la permanence de soins assurés. Le débat
est récurrent. Le Professeur Bernard Glorion, président de lOrdre
des médecins a rappelé aux médecins en juin dernier, lors dun
colloque organisé au Sénat, lobligation qui leur est faite
de participer aux gardes, sattirant au passage la colère des
médecins libéraux.
Des objectifs différents pour un but commun
Une méthodologie rigoureuse
Des objectifs différents pour un but commun
La
tenue de la conférence de consensus sur la bronchiolite du nourrisson
est une première : jamais jusquà présent une union régionale
navait été à lorigine dun tel projet. Chacun des
participants poursuit ses propres objectifs. Pour lAssurance
maladie, qui participe par le biais de lURCAM, cest
la diminution des dépenses de santé qui est visé. Les recours inutiles
à lhôpital coûtent chers en raison de la mobilisation du personnel
hospitalier et des risques dinfections nosocomiales des enfants
déjà fragilisés par la maladie. LUnion
Régionale des Médecins Libéraux dIle-de-France fait la
preuve de sa capacité à mobiliser autour dun projet fédérateur
et fait un peu oublier les critiques dont elle avait été lobjet
au printemps. LANAES montre quelle peut travailler main
dans la main avec une Union régionale, elle qui est soupçonnée par
les médecins libéraux de nêtre quun outil de contrôle
coercitif de plus.
La
cohabitation des sociétés savantes, des médecins hospitalo-universitaires
et libéraux, des pédiatres et des généralistes (et lon connaît
le contentieux qui les opposent) et des soignants et de lANAES
na pas toujours été simple, surtout au début quant chacun
prenait ses marques et se jaugeait. Mais la tenue de la conférence
de consensus ce jeudi 21 septembre à la cité des sciences et de
lindustrie était le point dorgue dun long travail
de près dun an et demi.
Une méthodologie rigoureuse
Une
conférence de consensus doit permettre de dégager un référentiel
de pratique face à une maladie pour laquelle il existe une grande
hétérogénéité des prises en charge. A linitiative on trouve
un ou plusieurs promoteurs. Ces " mécènes ",
conscients du problème, décident de réunir un comité dorganisation
composé de personnalités issus des organisations et sociétés savantes
et représentatifs du paysage sanitaire. Tout le jeu consiste à savoir
doser avec précision la présence des uns et des autres afin de ne
heurter personne et que les travaux menés recueille ladhésion
de tous. Ce qui explique que le comité " bronchiolite "
compte 3 médecins généralistes, 3 pédiatres libéraux et 3 universitaires
auquel il faut ajouter un kinésithérapeute et une méthodologiste
de lANAES, chargée de contrôler le respect des règles (sans
oublier bien sûr le président du jury qui les a rejoint quelques
mois plus tard). Comme dans un procès, le comité dorganisation
a mené linstruction en recevant des experts, se posant des
questions, demandant à une groupe bibliographique une étude de la
littérature internationale sur le sujet. Cest aussi lui qui
a suivi le travail de recherches de fonds auprès des financeurs
potentiels. Une conférence " coûte " environ
un million de francs en comptant les indemnités des membres du comité
présents dès les premières réunions, jusquà la diffusion des
brochures des recommandations. LURML a mis 250 000 francs
sur la table, lURCAM autant et lANAES a " prêté "
les documentalistes. Plusieurs laboratoires de lindustrie
pharmaceutique ont été sollicité par souci de neutralité.
Le
jour du " procès ", comme en Assises un jury,
composé dune vingtaine de personnalités qualifiées, écoute
les experts appelés à témoigner et répondre aux questions posées
par le comité dorganisation :
- Quelle est
lhistoire naturelle de la maladie ?
- Quels sont
les critères dhospitalisation ?
- Quels traitements
(hors kinésithérapie) proposer ?
- Quelle est
la place de la kinésithérapie respiratoire dans la prise en charge
de la bronchiolite du nourrisson ?
- Comment organiser
les soins ?
- Quels sont
les moyens de prévention ?
A
lissue de la journée le jury se réunit à huis clos pour délibérer
et rendre son jugement au vue des exposés entendus. Deux textes
sont rédigés : lun court destiné à la communication à
destination des professionnels et lun plus détaillé qui sera
conservé dans les bibliothèques et les sociétés savantes.
Le
travail ne sarrête pas là pour lURML. II lui faut faire
connaître ces recommandations et faire en sorte quelles se
traduisent dans les faits par un changement de comportement. Ce
qui implique des formations et une évaluation des pratiques, par
exemple un an après la conférence, afin de savoir ce quil
en reste dans les esprits et dans les actes. Une méthodologiste
de lANAES avouait que lon pouvait la mission comme étant
remplie si les recommandations avaient des répercussions auprès
de 15% des praticiens. Dans cette perspective Internet savère
être un outil précieux pour une diffusion à peu de frais et une
disponibilité totale (lire notre article Quel
avenir pour la FMC sur le web ?)
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