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Robert Launois
Directeur scientifique de l'IREME

SANTE, LES MUTATIONS DU FUTUR

Janvier 1996


Introduction

Les ressources dont disposent les organisations de soins pour financer leurs activités sont limitées. C'était déjà le cas pour l'hôpital depuis l'introduction du budget global dans les années 1979-1983, cela l'est désormais pour la ville depuis 1991-92, dates auxquelles l'Etat et les caisses ont mis en place un dispositif pour contrôler les dépenses des diverses professions libérales. Le temps du financement à guichets ouverts est révolu, et les transferts de charges par délestage de responsabilités entre les professionnels de la santé deviendront de plus en plus difficiles. Il ne sera donc plus possible de tout faire avec les moyens optima pour tous les malades, il y aura des dépenses médicales auxquelles la société ne pourra plus consentir. Il va en résulter une modification des pratiques médicales, une recomposition de l'offre de soins et une nouvelle distribution des responsabilités entre les différents acteurs des systèmes de santé.

1. Modification des pratiques médicales

Dans le monde de demain, la médecine devra changer à la fois d'optique, de logique et d'éthique.

Changement d'optique : d'une vision ponctuelle à une vision globale et prospective

Au lieu de s'intéresser aux résultats exclusivement cliniques obtenus ici et maintenant, le médecin de demain devra s'interroger sur ce qui se passe en dehors de son champ d'activités immédiates (son cabinet ou son service) et sur le devenir à long terme de son patient (prévention et schéma prospectif). C'est le domaine de l'analyse décisionnelle.

Changement de logique : d'une logique de conviction à une logique de responsabilité

Jusqu'à présent, la quantité de soins prodiguée au patient était le signe de l'intérêt que le médecin lui portait. Ne pas pousser au maximum l'exploitation des moyens était perçu comme une volonté de non-assistance à personne en danger. Demain, la simple évocation d'un éventuel bénéfice cessera d'être possible. Rien ne devra être entrepris sans justification scientifique de l'efficacité thérapeutique. Le niveau et la qualité de la preuve apportée seront déterminants en la matière. C'est le nouveau domaine de l'exercice médical systématiquement documenté.

Changement d'éthique : d'une approche individuelle à une approche de population

Jusqu'à présent le médecin s'efforçait dans le cadre du colloque singulier, de défendre exclusivement les intêrets de son malade. Désormais, il devra aussi servir ceux des populations vis-à-vis desquelles il a des responsabilités. Il pourra être amené à rejeter des techniques médicalement utiles lorsque leurs coûts seront disproportionnés par rapport aux résultats obtenus, pour mieux servir les interêts des populations dont il a la charge en reportant les économies dégagées sur des techniques médicales plus performantes.
C'est le domaine de l'analyse coût-efficacité.

2.  Mise en place de réseaux

Les limites de l'exercice isolé

La santé n'est plus simplement l'absence de maladie diagnostiquée et diagnostiquable. C'est aussi l'absence de facteurs de risque tels que l'anxiété, le tabagisme, la surcharge pondérale et la présence de facteurs positifs liés aux comportements et aux modes de vie personnels. Cette globalité de la santé exige une prise en charge complète de l'individu et suppose que tous les professionnels de la santé, médecins ou non, contribuent à sa défense. Dans le système actuel, chaque médecin dispose d'un réseau de correspondants et entretient des relations privilégiées avec des laboratoires ou des structures d'hospitalisation. Cet ensemble de liens confraternels ou de relations informelles définit des filières de soins au sein desquelles le malade évolue en fonction des orientations dont il est l'objet. Il y a donc bien une véritable "chaîne" qui couvre la totalité des besoins de la population. Cependant, la multiplicité de intervenants compromet la continuité des soins et empêche de bonnes liaisons entre la médecine de ville et le secteur hospitalier.
Il y a là un problème de coordination entre les différents acteurs des systèmes de santé. Du fait de la complexité des problèmes médico-sociaux, le médecin ne peut régler seul tous les problèmes de santé. Ils doit être entouré de tous les professionnels concernés, qu'ils appartiennent au secteur sanitaire ou au secteur social. La mise en place des réseaux est une réponse institutionnelle qui permet de résoudre ces problèmes.

La nécessité du travail en équipe

Les Réseaux de Soins Coordonnés (R.S.C.) sont de véritables structures de regroupement des professionnels de santé, animées par le médecin de famille et choisies par le malade, qui offrent à une population d'adhérents quantitativement définie une filière de soins complète, homogène et coordonnée en contrepartie d'un prix annuel fixé à l'avance.Dans cette nouvelle optique, un contrat est passé entre les usagers et les professionnels de santé pour assurer la prise en charge complète, mais aussi coordonnée des individus : le client s'engage à se faire soigner exclusivement par le R.S.C. pour une durée limitée, Le R.S.C lui garantit de dispenser des soins de toute nature dont il pourrait avoir besoin, et les choix thérapeutiques au sein du R.S.C sont effectués en équipe, que ce soit en matière de soins, prévention ou réadaptation, d'où une efficacité accrue de la prise de décision médicale dans une logique de responsabilité. Quant aux structures fondamentales de la sécurité sociale, elles sont maintenues, celle-ci conserve son monopole. Les cotisations continuent d' être versées en pourcentage des salaires. Rien n'impose de modifier la répartition entre parts patronales et salariales, ni les mécanismes de compensation entre régimes.

Modalités de financement des R.S.C.

Le financement des réseaux est assuré sur la base d'un prix annuel global dont le montant est fixé en toute liberté par les dirigeants de l'organisation. Les caisses d'assurance-maladie participent au financement du prix de la prise en charge par le versement d'un forfait annuel de santé (F.A.S) dont le montant est identique quel que soit le réseau choisi, mais dont la valeur varie en fonction de l'âge et du sexe des personnes prises en charge. L'assuré, qui ne verse que la différence entre le prix annuel global et le montant du forfait, est financièrement responsabilisé, mais la solidarité est, pour l'essentiel, sauvegardée : solidarité à l'intérieur d'une classe de risque, puisque la contribution de la sécurité sociale est indépendante de la vulnérabilité personnelle des individus qui en relèvent. Solidarité entre les classes de risques à l'intérieur d'un réseau, puisque la contribution personnelle d'un adhérent est la même pour tous. Solidarité entre les riches et les pauvres au niveau collectif, puisque les cotisations sont toujours prélevées en fonction du niveau des salaires perçus.

Le besoin d'un système d'information

Il est important de créer des référentiels de coûts et de performances, aussi bien dans le domaine ambulatoire qu'à l'hôpital. L'évaluation médico-économique doit avoir pour finalité d'évaluer le coût net global de toutes la séquence des soins : il faut donc que l'information existante permette de calculer les coûts de chaque attitude thérapeutique et des complications qu'elle entraîne, ainsi que les coûts évités du fait de sa mise en oeuvre. Le plus souvent, c'est le coût de l'hospitalisation lié aux complications qui pèse. L'approche doit donc être "systémique" d'emblée afin dévaluer l'impact de l'ensemble des conduites professionnelles, en prenant en compte toutes les répercussions des initiatives prises, ce qui suppose une recherche d'informations longitudinales qui prennent en compte tous les biens et services dispensés au patient, ainsi que les résultats obtenus. C'est au vu de ce constat que les décisions devront être prises.

3.  Emergence de nouvelles responsabilités

Réintroduire un dimension collégiale dans la réflexion médicale

La médecine est devenue une science trop complexe pour que le médecin, dans le secret de son cabinet, puisse en maîtriser tous les paramètres. Une réflexion collective au sein de sociétés savantes ou de sous-ensembles de professionnels organisés en réseau permet d'exploiter l'ensemble des données disponibles dans la littérature nationale et internationale pour dégager les bonnes conduites à tenir, et faire les arbitrages en fonction du meilleur service à rendre à la population lorsque les ressources disponibles sont limitées. Il faut repenser les actions de prévention ou les actions de soins en fonction du bénéfice global que la population peut espérer en retirer. Développer la prévention du cancer du sein par mammographie chez
les femmes de moins de 50 ans mobilise des moyens importants pour des gains insignifiants. La communauté médicale doit réfléchir sur ce problème et accepter de renoncer au dépistage opportuniste ("case finding") sur les femmes appartenant à cette tranche d'âge, pour être mieux à même de mener des campagnes de prévention véritablement efficaces par mammographie chez les femmes de plus de 50 ans.
(C'est le domaine des références médicales)

Réequilibrer le colloque singulier

On peut distinguer quatre conceptions du colloque singulier. La plus traditionnelle est celle du président Portès, la plus utopique est celle du consentement éclairé, et entre le paternalisme total et la souveraineté du consommateur, il y a place pour une relation pro-active entre le médecin et le malade, le médecin étant soit le révélateur des jugements de valeur du malade, soit son éducateur. La position de Louis Portès est nette : "tout patient est et doit être pour le médecin comme un enfant, un enfant à apprivoiser, non à tromper, un enfant à consoler, non à abuser, un enfant à sauver".

C'est donc au médecin de prendre toutes les décisions en nom et place du malade. Cette vision paternaliste est en contradiction totale avec la théorie du consentement éclairé selon laquelle le médecin présente au malade l'éventail des solutions techniquement envisageables, et le malade choisit entre ces solutions en fonction des jugements de valeur qui lui sont propres. Une telle optique ne correspond pas davantage à la réalité que la précédente; bien souvent le malade renonce à défendre ses propres intérêts et demande au médecin de le faire à sa place. Entre ces deux extrêmes, une troisième voie doit être ouverte dans laquelle le médecin ne se bornerait pas à substituer ses jugements de valeurs à ceux des malades qu'il traite, mais s'efforcerait d'amener le patient à révéler ses véritables priorités.
L'enjeu de demain sera donc de remettre le patient au centre du colloque singulier en introduisant ses préférences dans les choix thérapeutiques.(C'est le domaine des indicateurs de qualité de vie).

Donner aux assurés des droits nouveaux

Compte tenu des contraintes budgétaires, des arbitrages seront inévitables et ils ne pourront pas être confiés exclusivement aux experts médicaux ou administratifs. Un choix en matière de santé n'est jamais dicté par des considérations purement scientifiques. Il s'explique par une certaine idée du bien et il repose donc sur une hiérarchie de valeurs. Il convient que la population générale puisse participer à la définition de celles-ci. Ceci implique que les représentants du patient-consommateur soient associés à la prise de décision en matière de santé au niveau régional et national. Dans une démocratie pluraliste ouverte, il est normal qu'il existe un débat sur les finalités, encore faudrait-il que les principaux intéressés puissent s'exprimer. (C'est le domaine des critères collectifs de priorités).

 



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