Erreurs
médicales aux Etats-Unis :
qui va payer ?
Mathieu
Ozanam
26
février 2003
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La
fin d'année 2002 a été marquée par un
vent de fronde chez les médecins français. A l'origine
de leur mécontentement, un manque d'effectif rendu encore
plus problématique par l'approche des fêtes d'une part
et l'expiration de leurs contrats d'assurance au 31 décembre
d'autre part. La loi Kouchner du 4 mars 2002 sur les droits des
malades fait obligation aux médecins de s'assurer individuellement
pour pouvoir répondre aux demandes d'indemnisation de victimes
de l'aléa thérapeutique. Mais le retrait de nombreux
assureurs d'un marché qu'ils jugent trop risqué et
la flambée des primes d'assurance pratiquées par le
Groupement temporaire d'assurance maladie (GTAM), créé
en novembre pour remédier à cette situation, a mis
de nombreux médecins dans l'incapacité de renouveler
leur assurance en responsabilité civile. Le Syndicat national
des gynécologues et obstétriciens de France (SYNGOF)
a qualifié de "racket" l'attitude des compagnies
d'assurance et des réassureurs qui "hypothèque
la viabilité" de certains cabinets. Les obstétriciens
ont alors menacé de ne plus effectuer d'accouchement ou d'actes
de chirurgie gynécologique dans les cliniques privées
si aucune solution ne leur était proposée. De son
côté l'Union des chirurgiens français (UCF)
avait appelé ses adhérents à porter plainte
"dès le 2 janvier" pour "abus de position
dominante et entente illégale sur les prix".
La situation s'est apaisée avec la proposition de la Cnamts
de prendre en charge les deux tiers des primes d'assurance des médecins
du secteur 1, c'est-à-dire ne faisant pas de dépassements
d'honoraires, lorsque les primes annuelles ne dépasseront
pas 1000 Euros. Mais outre le fait que l'accord ne satisfait pas
toutes les organisations syndicales, poussant même le SYNGOF
à sortir de la CSMF, la solution n'est que provisoire. Il
s'agissait surtout de parer au plus urgent et de se donner du temps.
Le problème reste entier et constitue un dossier chaud de
plus pour le ministre de la Santé, avec en ligne de mire
un risque d'évolution "à l'américaine".
Rébellions
aux Etats-Unis
Aux Etats-Unis
le phénomène est bien connu. L'actualité offre
régulièrement des exemples d'indemnités record
obtenues par des patients victimes d'erreur médicale. L'impact
n'est pas neutre sur les dépenses de santé sans pour
autant bénéficier systématiquement au demandeur.
Selon une étude, environ 70 % des poursuites
engagées contre des médecins n'aboutissent à
aucun dédommagement pour le plaignant. En revanche elles
contribuent à raison de 23 000 dollars par procédure
judiciaire à alourdir les dépenses de santé.
D'après le président Georges W. Bush, de telles pratiques
pèsent au moins 28 milliards de dollars par an dans le budget
santé fédéral. Les situations varient selon
les Etats, mais en moyenne les primes d'assurances ont progressé
entre 36 % et 113 % en 2002 selon le communiqué
de presse de la Maison Blanche.
Comme en France des médecins commencent à se rebeller.
Fin 2002 ils ne se sont pas contentés de brandir la menace
de l'arrêt de travail. Au moins 39 chirurgiens de 4 hôpitaux
en Virginie de l'Ouest, l'un des Etats les plus affectés
par l'explosion du montant des primes d'assurance, se sont mis en
congé pour 30 jours à compter du 15 janvier. Les 42
chirurgiens du Mercy Hospital à Scranton en Pennsylvanie
qui projetaient d'entamer un mouvement de grève pour le même
motif ont eu davantage de chances. Le gouverneur républicain
Mark Schweiker et le gouverneur démocrate nouvellement élu
Edward G. Rendell, qui devait prendre ses fonctions en janvier,
ont conçu un plan de soutien de 220 millions de dollars par
lequel l'Etat de Pennsylvanie s'engage à assumer pendant
une année certains de ces coûts d'assurance.
Les
compagnies d'assurance montrées du doigt
Ce n'est donc
pas un hasard si Georges W. Bush a choisi l'Université de
médecine de Scranton pour relancer le débat sur la
réforme sur la responsabilité juridique des médecins.
"Le problème des coûts inutiles ne commence pas
dans les salles d'attente ou dans les salles d'opération,
mais dans les salles d'audience des tribunaux" a substantiellement
déclaré Bush dans son discours. Il a insisté
sur le risque de voir les étudiants et les médecins
en exercice déserter certaines spécialités
en raison des primes d'assurances trop élevées et
des poursuites injustifiées dont ils sont l'objet. "Vous
pouvez tout à fait exercer un chantage contre un médecin
si vous engagez poursuites judiciaires sur poursuites judiciaires.
Le système finit alors par ressembler à une loterie
géante". Les médecins pourraient être amenés
à développer une "médecine préventive"
en prescrivant des examens complémentaires sans justification
médicale pour se prémunir de toute réclamation
ultérieure. Etant donné l'ampleur du problème,
il apparaît impératif au président américain
de légiférer au plan national et non Etat par Etat.
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