Les
essais thérapeutiques
et l'Internet :
les patients sont prêts
Christine
BOUCHET, Christophe
BEGUIN
8 octobre
1999
Les
technologies Internet progressent régulièrement, et de nouvelles
possibilités s'offrent aux professionnels de l'industrie pharmaceutique
et aux Contract Research Organizations ou CROs, sociétés spécialisées
dans la mise en place, la gestion et la réalisation des essais cliniques
[Pour
+ de détails, cliquez ici]. Aux Etats-Unis en particulier, de
nombreux sites grand public font maintenant la promotion des essais
thérapeutiques sur le Web. Par ailleurs, des solutions logicielles
intégrées existent, permettant de manager les essais cliniques dans
leur ensemble, depuis la saisie de données jusqu'à l'analyse et
la soumission à la FDA.
Les industriels du médicament se sentent de concernés et réfléchissent
à la façon d'intégrer l'Internet dans leur stratégie de recherche
et développement.
L'Internet
permet d'accélérer le recrutement des patients, donc la procédure
de mise sur le marché
"Recruiting patients
for clinical trials on the Internet - the future is now"1
. C'est ce que déclare Dennis Gillings, le président de Quintiles,
l'une des plus grandes CROs mondiales, qui a conclu en juin 99 un
accord avec DrKoop,
un des sites Web leaders dans le domaine de la santé.
L'association de ces
deux partenaires leur permet de recruter directement les patients
sur le Web pour les essais thérapeutiques. Le service proposé, Clinical
Trials Information Center, s'adresse au grand public. L'internaute
a accès à une liste d'essais thérapeutiques dont le recrutement
est en cours, classés par pathologie. S'il se juge concerné par
un essai, il remplit un formulaire et sera mis en relation avec
les promoteurs de l'essai.
Les initiateurs du
projet affirment que la diffusion massive de l'information dans
le grand public permet d'accélérer le recrutement, et d'augmenter
le nombre d'inclusions. La procédure de mise sur la marché des molécules
est donc activée. Auparavant très peu de gens avaient connaissance
des essais thérapeutiques en cours. Par ailleurs de tels services
encouragent les individus à prendre activement en charge leur propre
santé. Or le fait de participer à une étude peut apporter un bénéfice
individuel au patient, tout en faisant progresser la recherche.
Le site du Dr Koop
n'est pas le seul à proposer ce service.
-
En novembre 1998,
la Medical Economics Company (MEDEC), un des leaders mondiaux
de l'information en santé, a acquis CenterWatch,
éditeur dans le domaine de la santé. Le site Web de Centerwatch
fournit des informations aux CROs, à l'industrie pharmaceutique
et au grand public. Il propose notamment une liste de plus de
7 500 essais thérapeutiques en cours. Les essais sont classés
par domaine thérapeutique et par région. Le site reçoit plus
de 140 000 visiteurs par mois dont 100 000 patients. Son ambition
est de recevoir 2 millions de patients en 1999. Plus de 75 compagnies
pharmaceutiques ou CROs, plusieurs centaines de centres de recherche,
et le National Institute of Health, font la promotion de leurs
essais cliniques sur ce site.
Le bandeau renvoie
en fait vers des propositions d'inclusion vers des essais cliniques.
Il témoigne du développement des supports couplés information -
sensibilisation / inclusion dans un essai. Le site Americasdoctor
a en fait signé des accords avec CenterWatch et propose des pages
dont le contenu a été crée par ce dernier, et qui décrivent les
essais cliniques et incitent les patients à intégrer des essais.
Ce type de partenariat rentre dans la logique de l'affiliation.
-
Le groupe Matthews
Media a créé un site Web, ChildAnxiety,
destiné au grand public et dédié aux troubles anxieux chez l'enfant.
Le site s'adresse aux parents ainsi qu'aux enfants, et propose
aux sujets concernés de participer à un essai clinique. (Lire
notre étude de cas
sur le sujet).
-
Le site ACT
(Actual Clinical Trials) initié par le Hollings Cancer Center
de la Medical University of South Carolina propose également
une liste d'essais en cancérologie, hématologie, immunologie
ou psychiatrie.
La FDA
suit de très près la promotion des essais thérapeutiques sur le
Web. Sa crainte est que dans certains cas la promotion d'un essai
pour une molécule ne se rapproche de la publicité. Elle pourrait
encourager les usages non admis de certains médicaments, et pousser
certains patients à demander à leur médecin de leur prescrire des
produits dans des indications hors AMM.
Il faut d'ailleurs
noter que sur le site du DrKoop, ni la CRO ni la molécule testée
ne sont identifiés. Sur CenterWatch, seules figurent les coordonnées
du coordinateur de l'essai. En revanche sur le site ChildAnxiety,
le médicament testé est clairement identifié. Sur ACT, les noms
des molécules testées sont citées, mais pas les promoteurs des essais.
Sur le site de la FNLCC, les coordonnateurs de l'étude et les produits
testés sont identifiés, mais il s'agit de produits type chimiothérapie
qui ne sont distribués qu'à l'hôpital.
Ces pratiques, courantes
aux Etats-Unis et débutantes en France, ont des objectifs qui semblent
légitimes : diffuser l'information dans le grand public et accélérer
la procédure de mise sur le marché des médicaments. Le National
Cancer Institute estime que moins de 5 % des patients atteints de
cancers sont intégrés dans des essais cliniques aux Etats-Unis,
et que si ce nombre atteignait 10 %, de nouvelles thérapies prometteuses
pourraient être mises sur le marché en une année au lieu de 5 aujourdhui.
Cependant le nom du
médicament utilisé dans l'essai ne devrait pas apparaître sur les
sites. Par ailleurs, présenter la participation à un essai thérapeutique
comme étant toujours bénéfique pour la santé du patient est un peu
optimiste, c'est oublier les patients sous placebo et les effets
indésirables possibles des traitements. Heureusement, les patients
retenus pour un essai ont accès aux mises en garde d'usage, et peuvent
toujours se désister.
Les
essais thérapeutiques en ligne : L'Internet en voie de révolutionner
le métier de l'industrie pharmaceutique
Chaque année, l'industrie
pharmaceutique dépense près de 40 milliards de dollars en recherche
et développement. Les phases II et III du développement d'une molécule
nécessitent de mettre en place des essais multicentriques, incluant
un nombre important de patients pendant plusieurs semaines. La procédure
actuelle de recueil de données au format papier, puis de double
saisie pour éviter le maximum d'erreurs, est longue et coûteuse
- approximativement 10 à 20$ par formulaire. Le coût moyen est de
750 000 $ pour un essai multicentrique incluant mille patients pendant
3 à 4 mois.
Pour gagner du temps
- et de l'argent , les CRO ont déjà évolué du système tout papier
vers le transfert de données par fax (les données sont ensuite saisies
de façon centralisée) ou le "Remote Data Entry" (RDE)
(saisie dans des bases de données locales et transfert régulier
vers une base centrale). Ces systèmes n'ont pas que des avantages.
Le transfert par fax peut être interrompu, et les lignes téléphoniques
étant peu sécurisées les données peuvent interceptées. Quand au
RDE, les consignes de la FDA sont de stocker les données d'un seul
essai sur un ordinateur dédié. Ces données peuvent être volées ou
perdues.
Le concept de l'essai
thérapeutique en ligne permet de gérer un essai clinique sans papier.
La saisie de données se fait dans un navigateur Web, la validation
et la correction des erreurs se font en temps réel. La double saisie
n'est plus nécessaire. Les données ne sont pas stockées en local
mais envoyées au serveur central, le transfert sur l'Internet est
bien entendu sécurisé. Le suivi de l'essai peut être fait en temps
réel, et l'analyse des données peut commencer dès que les données
du dernier patient sont saisies.
L'utilisation de l'Internet
pour les essais thérapeutiques permet donc de diminuer la durée
de l'essai, et donc de réduire notablement les coûts.
(1)
Recruter des patients pour les essais thérapeutiques sur Internet
: le futur, c'est maintenant.
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