Décembre
2000
Dr
René-Pierre Labarrière
Médecin
généraliste,
Président du réseau Santé 2000
«
Nous avions déjà recruté 200 professionnels qui étaient prêts à
travailler dans le cadre du projet Odyssée. Le refus de la CNAM,
qui est incompréhensible, nous a conduit à développer le réseau
SANTE 2000, avec des partenaires strictement privés donc moins contraignants
»
Propos recueillis par
Dominique
Etienne
26 novembre
2000
L’expérience
des promoteurs de SANTE 2000 montre à quel point la démarche réseau
de soins expérimental constitue un parcours du combattant pour les
professionnels de santé. Le projet de réseau de prise en charge
globale SANTE 2000 est en effet la déclinaison « non expérimentale »
d’un projet de réseau de soins présenté à la Commission Soubie,
mais bloqué à deux reprises par la Cnam. Malgré les déconvenues
liées à ces difficultés, les professionnels motivés membres du
réseau ne s’arrêtent pas dans la mise en place de leur projet.
Pouvez-vous nous décrire la genèse et les objectifs du réseau SANTE
2000 ?
Le
réseau est né d’un groupe de professionnels de santé Haut-Savoyards soudés
et représentatifs du paysage médical local : généralistes,
spécialistes, paramédicaux, des secteur 1 et 2, et implantés dans
les différentes cliniques. Ces professionnels étaient révoltés par
les mesures prises par les pouvoirs publics contre les professions
de santé d’une manière générale et en particulier dans le département
le plus économe de France en termes de dépenses de santé (7000 francs
par an et par assuré social pour une moyenne nationale à 13000).
Un travail énorme a été entrepris depuis plus de trois ans. Le principal
objectif de Santé 2000 est de travailler ensemble, pour une meilleure
prise en charge des patients à partir de trois grands axes :
-
le paiement à l’acte, qui responsabilise le patient ;
-
la liberté de prescription ;
-
la liberté de choix du patient.
Ce
réseau de professionnels de santé libéraux, géré par eux-mêmes,
repose sur :
-
une rationalisation de l’organisation grâce à l’échange d’événements
médicaux via une fiche de liaison électronique ;
-
le respect de consensus de prise en charge validé par les autorités
scientifiques ;
-
le développement de nouvelles pratiques professionnelles (prévention,
prise en charge coordonnée...) ;
-
une charte professionnelle qui unit ses membres ;
-
une plate-forme informatique évolutive qui permettra une communication
sélective, sécurisée, facile, fiable, personnalisable et inter-opérable.
Vous aviez deux projets de réseaux en parallèle : le RSE Odyssée
et le réseau SANTE 2000. Comment expliquez-vous les difficultés
qui vous ont empêché de lancer Odyssée ?
Pour
le réseau Odyssée, présenté en commission Soubie, nous avions élaboré
un projet de convention avec la CPAM 74, validé par son conseil
d’administration. La commission Soubie a examiné à deux reprises
ce projet et a donné un avis favorable à l’unanimité, sous réserves
que la CNAM donne aussi un avis favorable. Les services médicaux
et techniques de la CNAM étaient eux aussi assez positifs vis-à-vis
du dossier. Nous pensons donc que le refus final des administrateurs
de la CNAM est purement politique, ce réseau ayant été conçu par
des professionnels de terrain, marqués par leur refus des différentes
mesures depuis le plan Juppé. Ils ont peut-être aussi craint
que nous puissions obtenir des statistiques opposables à celles
de la Caisse. Il y a loin entre le discours politique : « il
faut que les professions de santé s’organisent en réseau »
et les faits et obstacles qui sont mis en œuvre par les mêmes technocrates
et autres politiciens. C’est pour cela que conscients de obstacles
des expérimentations « officielles » type Soubie, nous
avons réfléchi et préparé une alternative avec SANTE 2000.
Quels sont les partenaires du réseau ?
Une
structure juridique « association loi de 1901 » a été
créée : elle est co-gérée par les professionnels de santé et
les partenaires. Ces derniers sont le groupe Mederic Prevoyance
et une mutuelle locale SIMIC MACHS qui couvre environ 100 000 personnes
sur le département. Ces partenaires co-financent le réseau et nous
espérons pouvoir trouver d’autres ressources extérieures ensuite,
aussi bien au niveau des industriels que de certaines institutions.
Quels sont les engagements des professionnels
de santé du réseau et y a-t-il des critères d’inclusion pour les
patients du réseau ?
Les
professionnels s’engagent par une charte qui comprend :
-
la prise en charge coordonnée (base du réseau global de soins) ;
-
le suivi volontaire des protocoles et différents programmes élaborés
par les Comité-Santé (prévention, etc.) ;
-
l’utilisation du système informatique.
Ces
engagements répondent à la nécessité d’une traçabilité parfaite
pour pouvoir procéder à une évaluation globale du réseau et des
pratiques médicales.
Tous
les patients qui le désirent peuvent adhérer en signant eux aussi
une charte. Cette adhésion volontaire engage le patient à respecter
le principe de fidélité au réseau et à accepter
la circulation des informations médicales utiles et échangeables.
Il doit également respecter
les prescriptions et programmes de soins au sein du réseau.
Quel système d’information prévoyez-vous pour promouvoir SANTE 2000 ?
Nous
démarrerons avec un outil simple de messagerie cryptée avec lequel
nous travaillons déjà dans le cadre d’un réseau ville hôpital ATM
74. Nous sommes par ailleurs en pourparlers pour utiliser d’autres
plate-formes plus élaborées telles que Libéralis ou Arcole.
Comment comptez-vous communiquer sur le réseau et faire adhérer
les professionnels ?
Nous
avions déjà recruté 200 professionnels qui étaient prêts à travailler
dans le cadre du projet Odyssée. Le refus de la CNAM, qui est incompréhensible,
nous a conduit à développer le réseau SANTE 2000, avec des partenaires strictement
privés donc moins contraignants. Nous pensons que cela suffira à
intéresser les professionnels de santé libéraux soucieux de prendre
leur destin en mains et qui nous font déjà confiance
Concrètement, où en est SANTE 2000 aujourd’hui
et quels sont votre calendrier et vos objectifs pour les prochains
mois ?
Le
dossier Odyssée est examiné une dernière fois en Commission Soubie
le 12 décembre et nous verrons bien si nous la Commission se
montre indépendante de la CNAM. Nous savons que tous les syndicats
médicaux et paramédicaux nous soutiendront. Si, par miracle, l’avis
était positif, nous attendrons l’accord, peu probable, du Ministère.
Ceci ne nous retardera pas puisque SANTE 2000 est prêt à démarrer
en version pilote avec 50 professionnels et un outil de communication
ATM déjà opérationnel. Les premiers protocoles de soins (entrée
et sortie de clinique, infections respiratoires récidivantes, observatoire
des facteurs de risque …) sont en cours de finalisation.
Nous
espérons démarrer concrètement début 2001 puis monter en charge
progressivement si les premiers résultats sont concluants et que
les professionnels de santé montrent leur capacité à partager l’information.
Nous sommes optimistes car l’équipe est très motivée et reste persuadée
que la pratique en réseau de soins coordonné est l’avenir de nos
professions.
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25
novembre 2000
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