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Afrique du Sud : le bout du tunnel

François Resplandy

24 avril 2001


Le procès intenté par 39 laboratoires pharmaceutiques à l'Afrique du Sud pour violation des droits sur la propriété intellectuelle a repris mercredi 18 avril mais pas pour longtemps. Le lendemain, les laboratoires pharmaceutiques retiraient leur plainte. Rappel des faits et des enjeux…

En 1994, en même temps que les accords instituant l'Organisation Mondiale du Commerce, furent signés à Marrakech les accords sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC ou TRIPs en anglais pour Trade Related Aspects of Intellectual Property Rights).

En 1997, sur la fin du mandat du Présidant Nelson Mandela, une loi sur le contrôle des médicaments a été votée (Medicines and Related Substances Control Amendment Act, n°90 of 1997). Celle-ci autorisait l'Afrique du Sud à réaliser, sur son territoire et dans certaines circonstances, des importations parallèles et la substitution des médicaments (lire la section concernée). Très rapidement, avant son application, dès 1998, l'industrie pharmaceutique, par l'intermédiaire de l'association sud-africaine des fabricants (PMA), a donc réagi en déposant plainte pour non-constitutionalité de la loi.

Depuis, l'application de cette loi est repoussée et la pression exercée envers l'industrie par les associations, les organisations humanitaires et l'opinion publique a été de plus en plus forte. D'autant que quelques laboratoires génériqueurs et, en particulier, ceux des pays où les accords sur les ADPIC ne s'appliquent pas encore (comme Cipla en Inde), proposent activement leur production de génériques à très bons prix. Depuis 1997 d'ailleurs, plusieurs rapports de règlement des différents de l'OMC font déjà état du problème de l'application des ADPIC en Inde. Sachant qu'environ 10 pour cent de la population sud-africaine est atteinte et que les prévisions sur la démographie et l'économie (manque à gagner de 17% sur le PIB d'ici 2010) du pays sont réellement alarmistes, l'image des laboratoires ne pouvaient que pâtir de ce procès.

 Une mobilisation exemplaire…

En Afrique du Sud, l'association TAC (Treatment Action Campaign) se bat auprès du gouvernement sud africain et a été rejoint progressivement par d'autres associations du monde entier : MSF, OXFAM, Act-up, Aids Law Project, etc. Pétitions, lettres ouvertes, déclarations, sommet pour la promotion des médicaments génériques (qui serait finalement annulé), les armes sont nombreuses…
Sur la fin, les politiques s'en mêlent aussi. En effet, certains membres du parlement européen se sont prononcés pour que l'accès à des médicaments à très bas prix soit facilité (lire l'article). L'idée d'exonérations fiscales pour les laboratoires a même été émise. De plus, Pascal Lamy, commissaire européen, a précisé lors d'un congrès organisé par l'OXFAM que les ADPIC présentent une flexibilité qui permet de faciliter l'accès aux médicaments et qui fallait trouver un terrain d'entente sur la mise en application de cette flexibilité (lire l'article). Dans une interview donnée le 15 avril au journal The Observer, Gordon Brown, le ministre des finances britannique a demandé aux laboratoires pharmaceutiques de s'impliquer dans la résolution de ce problème. Il a même proposé des réductions de taxes sur la recherche et le développement (lire l'article).
Nelson Mandela lui-même est entré dans la danse en demandant aux laboratoires de changer d'approche dans une allocution à la télévision sud-africaine.

 Les laboratoires inquiets

En même temps, les laboratoires se défendent d'être un rempart à l'accès aux soins, au contraire. Par la voie de la Fédération Internationale de l'Industrie du Médicament (FIIM ou IFPMA en anglais), les grands laboratoires regrettent d'être pris pour cible alors qu'ils ont baissé les prix de leurs anti-rétroviraux et qu'ils sont les seuls à pouvoir améliorer encore les traitements. Certes, les prix atteints sont encore plus élevés que ceux proposés par les génériqueurs mais l'effort est très important.
L'enjeu pour les firmes pharmaceutiques est de pouvoir garantir le respect des lois sur les droits de propriété intellectuelle à l'échelle internationale. Ce respect est effectivement la seule garantie de maintenir la recherche et le développement de nouvelles molécules. Actuellement, les infrastructures pour la prise en charge des malades et des séropositifs ainsi que la mise en place et la surveillance des traitements sont insuffisantes en Afrique sub-saharienne. Les laboratoires sont aussi en droit de se demander où et à qui vont aller les médicaments et si le résultat ne sera pas désastreux : développement de résistances, trafic de médicament...
Compte tenu de l'urgence de la situation en Afrique du Sud (près de 5 millions de séropositifs fin 2000 !), l'industrie pharmaceutique est montrée du doigt mais elle n'a aucune responsabilité dans l'épidémie terrible qui frappe l'Afrique et n'a pas vocation à remplacer les systèmes de protection sociale, ni les pouvoirs publics. Elle se dit consentante pour faciliter l'accès des pays pauvres aux anti-rétroviraux, mais il est légitime que les laboratoires s'inquiètent du devenir de leurs brevets dans le reste du monde et aussi de la capacité des pays concernés à restreindre le trafic vers des pays industrialisés.

 Un gouvernement dépassé

Malgré tout, le gouvernement sud-africain n'est pas non plus hors de causes dans la situation actuelle du pays. En effet, il a d'abord refusé les offres du Fond de Solidarité Thérapeutique International pour la prévention de la transmission verticale du SIDA (mère infectée-enfant) puis les offres par les laboratoires de baisses de prix ou même de médicaments gratuits. Monsieur Thabo Mbeki, l'actuel président de la République, en est encore à se demander si le virus de l'immunodéficience humaine (VIH ou HIV en anglais) est bien le responsable du SIDA ! Dans un étude de plus de 2 millions de Francs commandée il y a un an et sortie début avril 2001, la réponse n'est toujours pas claire. M. Mbeki a même décidé de ne pas déclarer le SIDA urgence nationale ; ce qui, par ailleurs, empêche son pays de bénéficier tout à fait légalement de licences obligatoires (prévues dans les ADPIC). Une licence obligatoire est une autorisation donnée par un gouvernement d'exploiter un produit sur son territoire sans l'autorisation du détenteur du brevet.
Bref, le gouvernement sud-africain est complètement dépassé à tel point que ce sont les entreprises qui prennent en charge la prévention et l'éducation de la population (lire le rapport de ONUSIDA).

 Un point commun : la motivation

Dans la déferlante des communiqués de presse, des lettres ouvertes ou des pétitions, il ressort que tous sont animés par une seule et même volonté : trouver un arrangement !
Du 8 au 11 avril, s'est tenu à Hosbjor près d'Oslo en Norvège, un séminaire organisé par l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) et l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et qui avait pour thème la tarification et le financement des médicaments essentiels. Cet atelier a réuni près de 50 experts représentant tous les acteurs impliqués dans l'accès aux médicaments essentiels dans les pays défavorisés : des laboratoires, des ONG, des génériqueurs, des gouvernements et des organisations intergouvernementales. Dans un récent communiqué de presse de l'OMC, ces experts sont arrivés à la conclusion que rendre les médicaments abordables pour les pays pauvres était possible et réaliste sous trois conditions :

  1. Tarification différentielle : établir des prix différents entre pays industrialisés et pays en voie de développement est un principe que tous ont accepté à condition :
    • Le prix des médicaments dans les pays riches n'en soit pas augmenté
    • Le prix dans les pays pauvres ne deviennent pas le prix de référence pour l'établissement du prix dans les pays riches
    • Des moyens d'empêcher le trafic de ces médicaments vers les pays riches soient mis en œuvre.
  2. Le générique : le générique sera un moyen supplémentaire de réduire le prix des médicaments par la compétition.
    Les garde-fous des ADPIC : la protection des droits de propriété intellectuelle est, de l'avis de tous, un moteur pour la recherche et le développement de nouvelles molécules mais pas exclusivement. Les pays doivent être en mesure d'employer les garde-fous inclus dans les accords sur les ADPIC. Récemment, la légitimité démocratique de l'OMC est d'ailleurs remise en question par certains parlementaires (lire l'article).
  3. Le financement : malgré la baisse du prix des traitements, certains pays seront toujours dans l'impossibilité de se fournir les traitements contre le SIDA et les maladies opportunistes ! Un financement externe sera donc nécessaire et pourra même concerner tout le système de soins.
    Ce serait au cours de ce séminaire que la situations se serait débloquée après un coup de téléphone entre le secrétaire général des Nations Unies Kofi Annan et le président sud-africain Thabo Mbeki.

Il n'y a donc plus de procès. Chacune des parties (IFPMA, OMS, MSF, etc.) se félicite que la raison l'ait emporté. Les laboratoires auraient acquis l'assurance que l'Etat sud-africain respecterait les ADPIC et les inviterait à participer à l'élaboration des conditions d'application de la fameuse loi sur le contrôle des médicaments. L'enjeu majeur aujourd'hui reste malgré tout le financement ; non seulement pour les médicaments mais aussi et surtout pour la prévention, l'éducation et la prise en charge des malades.



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Retrouvez  également tous les autres articles et interviews sur les médicaments.

24 avril 2001

 

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Pour en savoir plus : 

 Chiffres sur le SIDA de décembre 2000 (ONUSIDA)
 OMC | Propriété intellectuelle (ADPIC)
 OMC | Règlement des différends - Rapports de Groupes spéciaux et de l'Organe d'appel
 Le site du gouvernement sud-africain
 Dossier du Financial Times
 Business Day - Home

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