Pharmacie européenne :
Ce qui va changer...
François
Resplandy
20 septembre 2001
Pour
la Commission Européenne, l’objectif de la réforme de la législation
pharmaceutique adoptée en juillet est double : garantir la
protection de la santé des européens et améliorer la compétitivité
de l’industrie pharmaceutique européenne. La réforme concerne donc
le règlement sur les autorisations de mise sur le marché et leurs
procédures d’obtention, ainsi que sur les directives sur les médicaments
humains et vétérinaires.
Composition
et attributions de l’agence européenne de l’évaluation des médicaments (EMEA)
Le
comité des spécialités pharmaceutiques (CSP ou committee for
proprietary medicinal products, CPMP en anglais) devient le comité
des médicaments humains. Un comité des médicaments orphelins et
un comité des médicaments à base de plantes seront également créés.
Par ailleurs, un conseil consultatif constitué de responsables de
chaque autorité nationale en matière d’autorisation de mise sur
le marché (AMM) sera mis en place. Celui-ci pourra rendre des
avis qui n’auront toutefois pas de caractère obligatoire. L’agence, enfin,
aura le pouvoir de demander à la Commission Européenne d’imposer
des sanctions financières aux firmes en cas de non-respect des obligations
fixée par les AMM.
Médicaments
et autorisation de mise sur le marché
Le
champ d’application de la procédure centralisée d’AMM est étendu.
En plus des médicaments issus des biotechnologies, toute nouvelle
substance chimique (NCE pour new chemical entity) humaine ou
vétérinaire non déjà autorisée dans un état membre doit faire l’objet
d’une demande d’AMM par procédure centralisée. Cette décision n’est
d’ailleurs pas du goût de la fédération européenne de l’industrie
pharmaceutique (EFPIA)
qui considère que cette mesure sera difficile à remplir par les
petits laboratoires et qu’il est important pour les autorités nationales
des états membres de garder une expertise dans les médicaments innovants.
De manière facultative, le champ d’application est aussi étendu
à tout médicament innovant sur le plan thérapeutique, scientifique
ou technique, ou ayant un intérêt au niveau communautaire pour l’homme
ou l’animal, les médicaments vétérinaires immunologiques pour le
traitement de maladie faisant l’objet de mesures communautaires
de prophylaxie et les médicaments génériques.
On
peut dire d’une façon générale que presque toutes les procédures
d’enregistrement d’un médicament vont voir leur transparence augmentée
et leur délai diminué (ou fixé). En premier lieu, le délai
de réponse pour l’octroi d’une AMM est abaissé de 210 à 150 jours (de
7 à 5 mois) aussi bien en procédure centralisée, si démonstration
est faite que le produit est innovant ou bénéfique du point de vue
de la santé publique, qu’au niveau national. De plus, les AMM européennes
seront octroyées pour une durée illimitée et non plus renouvelables
tous les 5 ans. Cette mesure fait d’ailleurs l’objet de critiques
par un pharmacologue italien membre du CPMP qui considère que la
ré-évaluation périodique du rapport bénéfice/risque (notion
qui fait d’ailleurs son apparition dans le projet de réforme) est
importante. Une fois acquise, une AMM européenne qui restera inexploitée
pendant deux ans, deviendra caduque. Enfin, les délais pour les
différentes étapes des procédures de reconnaissance mutuelle sont
diminués ou imposés aux autorités nationales.
Les
notions de médicament de référence et de médicament générique sont
officialisées ainsi que celle de bioéquivalence. Pour les demandes
d’AMM de médicament générique : les résultats des essais pharmaceutiques (physico-chimiques,
biologiques ou microbiologiques) et pré-cliniques (pharmacologiques
et toxicologiques) ne sont plus à fournir si le médicament de référence
est sur le marché depuis au moins 10 ans. Cette durée est portée
à 11 ans si le médicament de référence a fait l‘objet d’une
extension d’AMM à d’autres indications dans les 8 premières années
d’exploitation. De même, afin de faciliter la mise sur le marché
des génériques, les essais à réaliser pour la constitution du dossier
d’AMM d’un médicament générique seront réalisables avant l’expiration
des brevets ou des certificats de protection.
La
notion d’usage compassionnel d’un médicament ne disposant pas d’AMM
a aussi été ajoutée.
La
pharmacovigilance
La
périodicité des rapports de notification d’effets indésirables a
été modifiée. Ils devront être fournis aux autorités compétentes
tous les 6 mois pendant les 2 premières années de l’autorisation,
tous les ans pendant les 2 années suivantes puis tous les 3 ans (au
lieu de tous les 5 ans). De manière générale, les procédures d’alertes
sont améliorées pour adapter au mieux les décisions à prendre dans
chaque cas.
La
publicité
La
définition même de la publicité pour les médicaments a été modifiée
puisque l’annonce de la mise sur le marché d’un médicament est maintenant
considérée comme de la publicité. La définition devient "(...)
on entend par "publicité pour des médicaments" toute
forme de démarchage d’information, de prospection ou d’incitation
qui vise à promouvoir la prescription, la délivrance, la vente,
la consommation ou la connaissance de la disponibilité de médicaments ; (...)".
Par
ailleurs, la communication d' informations sur des médicaments
utilisés dans certaines affections est maintenant autorisée. Il
s’agit de médicaments prescrits dans trois aires thérapeutiques : le
diabète, l’asthme (et les affections pulmonaires chroniques) et
le SIDA.
Cet
aspect de la réforme de la législation pharmaceutique européenne
est un des plus controversés. En effet, plusieurs associations de
consommateurs comme le bureau européen des unions de consommateurs
(BEUC) (lire
le communiqué de presse : Les
compagnies pharmaceutiques ne sont pas des docteurs 10/7/2001)
ou la consumer association britannique (CA)
ont réagi immédiatement prenant l’exemple des Etats-Unis pour affirmer
que la publicité augmente les dépenses pharmaceutiques, modifie
la façon de prescrire des médecins et ne permet pas aux patients
de faire le meilleur choix (lire les communiqués de presse :
EC
must resist pharmaceutical industry pressure to relax ban on drug
advertising 10/7/2001 et EC
proposals on relaxing advertising rules on specific drugs 'thin
end of the wedge' 18/7/2001) . La proposition semble pourtant
bien "verrouillée" : mise en place d’un autocontrôle par les laboratoires et
de contrôles de l’Agence... De plus, le contenu de ce paragraphe
parle de "communication d’informations relatives à certains
médicaments autorisés (...), afin de répondre à l’attente exprimée
par les groupes de patients" (lire le texte
intégral ).
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20
septembre 2001
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