Etats-Unis,
le paradis de la publicité
pour les médicaments
8 mars
2002
Les
laboratoires implantés en France font la grimace. L'année
2002 est à peine commencée et déjà les
nuages s'accumulent au-dessus de leur tête. Au premier rang
des mesures visant à faire baisser le prix de leurs médicaments
figure la poursuite de l'application du plan médicament d'Elisabeth
Guigou, ministre de l'Emploi et de la Solidarité, concernant
les 835 molécules à Service Médical Rendu (SMR)
jugé insuffisant. Ceux-ci verront leur prix diminuer de 7%,
ce qui représente tout de même une baisse de 20% sur
3 ans et 293 millions d'euros (1,92 milliards de francs) pour les
baisses de prix et 55 millions d'euros pour les déremboursements
(361 millions de francs). Les produits à "fort volume
de vente" subiront également une baisse des prix pour
un total de 370 millions d'euros (2,4 milliards de francs). Enfin
la taxe sur "la promotion et l'information des laboratoires
pharmaceutiques à l'égard des prescripteurs",
qui recouvre la publicité dans la presse professionnelle,
les visiteurs médicaux et les colloques, s'établit
dorénavant à 5,5%, un point d'augmentation qui pèse
près de 122 millions d'euros (800 millions de francs), pour
un produit total de 2,2 milliards de francs. L'addition commence
à être salée
Les Etats-Unis, le paradis des laboratoires ?
Aux
Etats-Unis au contraire, les prix des médicaments ne sont
pas administrés, c'est le marché qui les fixe. Autre
différence majeure : les compagnies pharmaceutiques ont l'autorisation
de s'adresser directement aux patients, c'est ce qu'on appelle le
DTC, comprenez le Direct-to-Consumer, autorisé depuis 1981.
La Federal Drug Administration (FDA) a assoupli en 1997 les règles
qui régissent ce type de communication, provoquant une inflation
des investissements publicitaires. En 1994, les dépenses
s'élevaient à 266 millions de dollars (plus de 297
millions d'euros) pour "exploser" à 2,5 milliards
de dollars en 2000 (près de 2,8 milliards d'euros). Un record
en la matière, la somme représentant l'équivalent
de 14% de son chiffre d'affaires, seul le secteur des jouets avec
15,2%, investit davantage en publicité et promotions diverses,
loin devant le secteur des parfums et des cosmétiques (11,9%),
ou de l'hygiène corporelle (10,7%).
Des budgets de promotion conséquents
En
août dernier, après la tombée dans le domaine
public du brevet du Prozac, le laboratoire américain Lilly
avait choisi de lancer une vaste campagne de publicité à
la télévision, sur le Net et dans les quotidiens nationaux.
Cette promotion de la version à prise hebdomadaire de l'anti-dépresseur
reposait sur la promesse de recevoir gratuitement le premier mois
de traitement.
Le Vioxx, l'anti-inflammatoire de Merck figure en tête des
budgets les plus importants des médicaments sous prescription
avec 160,8 millions de dollars, suivi du Prilosec, un anti-ulcérant
d'AstraZeneca (107,9 millions de dollars), puis Schering-Plough
et son anti-histaminique, le Claritin (100,3 millions de dollars).
Le Viagra et le Celebrex (lire
notre article à ce sujet) de Pfizer passeraient presque
pour des parents pauvres avec respectivement "seulement"
89,8 millions de dollars et 78,8 millions de dollars.
Pro et anti-DTC s'affrontent
Si
la publicité pour les médicaments est bien ancrée
dans les murs, la polémique existe bel et bien. Ses
opposants soutiennent que ces publicités inciteraient les
patients à consommer des médicaments au-delà
de leurs besoins par la création artificielle d'une demande
induite. De plus les budgets colossaux de ces campagnes de communication
sont in fine supportés par les patients qui achètent
non seulement des médicaments qui ont été développés
pendant des années, mais aussi les frais de marketing. L'impact
sur l'évolution des dépenses de santé ne serait
pas neutre. Celles-ci ont progressé de 20% entre 1999 et
2000. Les adversaires des DTC suggèrent enfin que la relation
de confiance médecin-patient s'en trouve affectée,
en créant une pression accrue sur le praticien qui doit affronter
les exigences de ses patients "abusés" par le battage
publicitaire autour d'un produit.
Les laboratoires préfèrent affirmer qu'il s'agit d'un
moyen d'information supplémentaire sur tous les traitements
et les différentes possibilités mis à la disposition
du grand public. Ils rappellent que la prescription du médecin
est toujours nécessaire et que cela ne fait que rétablir
l'équilibre entre les deux protagonistes du colloque singulier.
Une étude sur l'impact du DTC
La
Kaiser
Family Foundation qui voulait en avoir le cur net a réuni
entre août et septembre 2001 un échantillon représentatif
de 2511 adultes. L'étude Understanding
the Effects of Direct-to-Consumer Prescription Drug révèle
que près d'un adulte sur 3 a parlé à son médecin
d'un médicament après avoir vu une publicité
et 1 sur 8 se l'était vu prescrire, une proportion équivalente
recevant uniquement des conseils en terme d'habitudes de vie et
alimentaires. Comme on pouvait s'y attendre les plus intéressés
sont des personnes âgées ou dans un état de
santé précaire.
Les informations telles que le nom du médicament et son domaine
d'action sont bien mémorisés, en revanche celles qui
ont trait aux effets secondaires ou la référence aux
autres sources d'information (numéro de téléphone
gratuit, professionnel de santé, site Internet) ne frappent
pas les esprits. Seule la moitié des personnes interrogées
pense à son pharmacien ou son médecin. Autre élément
inquiétant, le nombre important de sondés déclarant
ne pas savoir si les effets secondaires du Lipitor (75%), du Singulair
(86%) ou du Nexium (90%) présentés dans les spots
publicitaires sont importants. La faute à la FDA ? Celle-ci
accepte en effet que ne figure qu'un seul avertissement (le principal)
sur les effets secondaires en passant sous silence tous les risques
associés qui figurent eux dans la notice d'utilisation.
Rappelons
tout de même que 70% des répondants n'ont pas fait
appel à leur praticien, la moitié d'entre eux pour
la bonne raison qu'ils ne se sentaient pas concernés. Mais
la publicité est un travail de fond et la marque étant
mémorisée, qui sait si le futur malade qui s'ignore
ne se souviendra pas opportunément du nom du médicament
miracle ? D'autant plus que les réfractaires qui ne font
pas confiance aux médicaments en raison de leur mode de promotion
sont finalement très minoritaires (moins de 5%). Un élément
qui n'a vraisemblablement pas échappé aux laboratoires
compte tenu de l'importance des sommes engagées dans le DTC.
La
publicité pour les médicaments aux Etats-Unis |
1708
: Première publicité pour un médicament
breveté publiée dans un quotidien de Boston.
|
1938
: La Federal Trade Commission est chargée d'établir
une réglementation sur la publicité pour les médicaments.
En 1962 la responsabilité a été confiée
à la FDA. |
1951
: La législation impose que les médicaments soient
prescrits par des médecins |
1981
: La première publicité spécifique pour
un médicament prescrit (Rufen, un ibuprofencommercialisé
par Boots Pharmaceuticals). Un spot télévisé
en 1983. |
1983-85
: Moratoire volontaire sur la publicité DTC, demandé
par la FDA. |
1997
: La FDA émet un avis favorable à l'assouplissement
des règles sur la DTC à la télévision. |
1999
: L'avis est définitif.
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8
mars 2002
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