Prevenar
: Mieux protéger les nourrissons contre la méningite
Mathieu
Ozanam
Avec la rédaction de
26
février 2003
C'est
un beau cadeau que l'Assurance maladie a offert aux nourrissons
et au laboratoire Wyeth-Lederlé. Seul vaccin adapté
aux enfants de moins de 2 ans, le remboursement du Prevenar est
maintenant chose acquise. Présenté sous forme de 2
à 4 injections en fonction de l'âge, son prix a été
fixé à 63,45 €uros. 65 % de ce montant
est pris en charge par la Sécurité sociale ou même
100 % si l'enfant souffre d'une affection de longue durée.
La
vaccination, seule prévention possible
Si les méningites
virales guérissent en majorité spontanément
au bout de quelques jours, les méningites bactériennes,
provoquées par des germes tels que les pneumocoques, exposent
à des risques importants de décès. L'évolution
fulgurante de la maladie place le médecin et le malade dans
une situation d'extrême urgence diagnostique et thérapeutique.
Lorsque l'issue n'est pas fatale, les lourdes séquelles neurologiques
peuvent entraîner surdités et troubles de l'apprentissage.
Ainsi la méningite à pneumocoque est la première
cause de surdité acquise de l'enfant.
Prevenar
: un vaccin efficace, insuffisamment utilisé
Disponible dans
l'Union européenne début 2001, distingué dans
la catégorie "Médicament de l'année"
par les médecins lors du Medec, le salon annuel de la Médecine,
cité au Palmarès 2001 de la très exigeante
revue Prescrire, le vaccin antipneumocoque Prevenar souffrait d'un
prix élevé en raison de son non-remboursement.
Le 14 septembre 2001, le Conseil supérieur d'hygiène
publique de France (CSHP) rend un avis négatif sur le Prevenar,
dans l'attente de données épidémiologiques
complémentaires. Pourtant son efficacité a été
démontrée. "En réalité cette décision
procède du syndrome du sang contaminé ou de l'hormone
de croissance, mais les réserves ne reposent sur rien de
scientifiquement tangible" assure le Pr Philippe Reinert, chef
de service pédiatrie de l'hôpital intercommunal de
Créteil.
Commercialisé depuis janvier 2000 aux Etats-Unis, une étude
réalisée avant son lancement a été menée
dans 8 Etats auprès d'une population totale tout venant de
16 millions de personnes. Le vaccin a permis de diminuer de 67,5 %
les infections pneumococciques, tout sérotypes confondus,
en 2001 par rapport aux années précédant sa
commercialisation.
Briser
le cercle vicieux de l'antiobiorésistance
Les 7 sérotypes
du Prevenar, choisis parmi les 90 pathogènes du pneumocoque,
sont le plus souvent rencontrés dans les pneumoccocies invasives
de l'enfant et également les plus résistants à
la pénicilline. Véritable problème de santé
publique auquel le ministère de la Santé et l'Assurance
maladie s'attellent, l'apparition de l'antiobiorésistance
est liée à une surconsommation d'antibiotiques et
à des traitements interrompus trop tôt ou mal dosés.
Les 2/3 des souches de pneumocoque résistantes à la
pénicilline étant multi-résistantes, le Prevenar
peut constituer un allié de poids pour briser ce cercle vicieux.
De
larges critères ont été retenus
Le 8 mars 2002,
le CSHP recommande enfin la généralisation de la vaccination
en particulier pour les enfants malades ou en collectivité
de façon permanente ou quelques jours par semaine. Le Comité
de sécurité sanitaire présidé par Bernard
Kouchner, alors ministre de la Santé, lui emboîte le
pas et recommande à son tour la vaccination contre la méningite
à pneumocoques des enfants de moins de deux ans, lorsqu'
"ils sont exposés à des facteurs de risque liés
au mode de vie" (vie en collectivité, familles nombreuses...).
Il ne manquait plus que le remboursement de l'Assurance maladie
pour lui ouvrir largement les portes des cabinets et des hôpitaux.
C'est chose faite depuis le 26 décembre 2002 avec la publication
de l'arrêté au Journal officiel.
Les enfants de 2 mois à 2 ans atteints d'une affection grave
(Sida, cardiopathie, pneumopathie chronique, diabète
),
gardés en collectivité plus de 4 heures par semaine,
ayant reçu moins de 2 mois d'allaitement maternel ou en famille
nombreuse pourront tous en bénéficier. Plus de 50 % des
enfants âgés de moins de 2 ans devraient concernés
par cette vaccination d'après l'évaluation de l'Assurance
maladie. "Avec de tels critères il sera difficile au
médecin ou à l'Assurance maladie d'établir
si les enfants entrent oui ou non dans ces catégories"
ironise Philippe Reinert. Le nombre d'enfants vaccinés et
remboursés devraient donc être supérieur aux
estimations.
Un
suivi rigoureux
Soucieux de
suivre la généralisation de l'usage du vaccin, la
Direction Générale de la Santé (DGS) et Wyeth
ont décidé de mettre en place trois programmes de
surveillance. "Un suivi beaucoup plus rigoureux que la pharmacovigilance
qui entoure habituellement un médicament ou un vaccin"
précise le Dr Robert Toutelboum, directeur médical
du laboratoire américain. Cette décision reflète
la volonté des deux parties de convaincre le grand public
parfois rétifs de l'efficacité du vaccin et de son
innocuité. L'un de ces programmes porte sur 5 ans. Il est
conduit avec le Centre National de Référence des Pneumocoques
(CNRP) à l'Hôpital Européen Georges Pompidou
et l'Association Clinique et Thérapeutique Infantile du Val-de-Marne
(ACTIV), regroupant des pédiatres indépendants. Plus
de 4 000 prélèvements seront réalisés
et un rapport sera publié chaque année afin d'étudier
les sérotypes des pneumocoques.
L'inscription au calendrier vaccinal par le Comité Technique
de la Vaccination devrait intervenir au plus tôt avant l'été.
Il restera aux médecins à prescrire le vaccin et convaincre
les parents de son utilité: le pneumocoque est aujourd'hui
en France la première cause de décès due à
des infections bactériennes communautaires (acquises en dehors
de l'hôpital) chez l'enfant de moins de deux ans.
Un
succès commercial
Aux Etats-Unis
les ventes de Prevenar ont atteint 292 millions de dollars en 2000
après avoir été lancé en mars et 798
millions de dollars en 2001, soit une progression de 73 % .
L'anti-pneumococcique devrait avec Enbrel, utilisé dans la
polyarthrite rhumatoïde, et Protonix, contre le reflux oesophagien,
tout trois commercialisés ces trois dernières années,
dépasser le milliard de dollar de revenu très prochainement.
D'après les analystes du cabinet de prospective Decision
Resources, quatre types de vaccins recèlent de fortes des
potentialités : les anti-grippaux, les pneumococciques, les
anti-hépatites C et de traitement du virus de l'immuno-déficience
humaine (VIH). Wyeth ne cache pas ses ambitions de devenir leader
mondial sur les vaccins.
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6
novembre 2002
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