Contrairement
au grand public, les institutions représentatives du Royaume-Uni
n'ont pas accueilli favorablement le lancement du site. A l'époque,
la British
Medical Association, équivalent britannique du Conseil de l'Ordre
des Médecins, ne cachait pas sa préoccupation et la National
Pharmaceutical Association (NAP, syndicats national des pharmaciens)
déclarait ouvertement son mécontentement, en s'appuyant sur un article
du code de déontologie de la Royal
Pharmaceutical Society qui dispose que les médicaments ne sauraient
être vendus par correspondance. Or, selon la NPA, Pharmacy2U n'était
autre qu'un service de ventes par correspondance déguisé.
Ce code de déontologie ne constitue pas le seul
obstacle éventuel à l'essor des pharmacies en ligne au Royaume-Uni.
La loi sur les médicaments de 1968, par exemple, n'envisage les
relations pharmacien-patient que sur un mode de proximité physique.
Toutefois, la Royal Pharmaceutical Society a récemment
révisé certaines dispositions du Code, prenant en compte la vente
de médicaments en ligne. Elle a notamment établi des standards de
bonne pratique provisoires à destination des pharmacies en ligne.
Ainsi, la pharmacie doit assurer l'intégrité et
la confidentialité des données, impérativement cryptées, qui transitent
par son site. Les informations relatives à un produit doivent respecter
l'autorisation de mise sur le marché et la législation sur la publicité.
Les contre-indications et interactions médicamenteuses doivent être
clairement mentionnées. La responsabilité professionnelle du pharmacien
est engagée dès lors que les informations fournies par le site (conseils
divers, aide d'urgence, etc.) présentent des erreurs. Le pharmacien
doit également s'assurer que tous les conseils et informations nécessaires
à l'usage d'un médicament ont bien été données, et doit tenir un
registre de tous ses clients pendant deux ans. [consulter
les standards sur le site de la Royal Society]
Malgré les réticences du début, la Royal Pharmaceutical
Society semble donc désormais accepter l'inéluctabilité du commerce
en ligne de médicaments au Royaume-Uni. Pragmatique, elle a fait
sien l'adage "mieux vaut prévenir que guérir" en instaurant
dès maintenant un cadre éthique, alors que le phénomène en reste
encore à ses balbutiements. La légalité des pharmacies en ligne
ne fait plus aucun doute pour l'institution, dès lors qu'elles sont
installées dans de "véritables" officines pharmaceutiques
et sont membres de la Royal Pharmaceutical Society. Il n'y pas si
longtemps pourtant, la Royal Pharmaceutical Society affirmait sans
ambages à Daniel Lee, que "ce type d'opération ne pourrait
pas se mettre en place au Royaume-Uni".
Un concurrent de Pharmacy2u, AllCures,
a fait son apparition au début de l'année 2000. Une autre chaîne
de pharmacies, Boots, pourrait également faire bientôt son entrée
sur le Net. Il est probable que d'autres acteurs s'engouffreront
sur ce marché prometteur : dans cinq ans, 5 % de la population
britannique, soit 2,5 millions de personnes, pourrait acheter
ses médicament en ligne.
Pour l'instant, Pharmacy2u ne peut traiter que
les ordonnances "privées" (private prescriptions),
c'est-à-dire ne donnant pas droit à remboursement par le NHS. Le
client paie donc directement ses achats à la pharmacie. Ce type
d'ordonnance ne représente que 5 % des ordonnances émises au
Royaume-Uni. Daniel Lee a bon espoir d'obtenir un agrément du NHS
pour traiter les ordonnances prises en charge par le NHS. Toutefois,
il reste prudent : "Nous ne pourrons pas nous positionner
sur ce marché tant que la transmission électronique des ordonnances
ne sera pas la norme (
). Cela prendra peut-être trois à cinq
ans, mais une grande partie de notre chiffre d'affaires viendra
de là (
)".
Néanmoins, depuis février 2000, Pharmacy2u a été
prise de court, puisque son concurrent direct AllCures.com, via
son service Allpharmacy.com,
accepte les ordonnances prises en charge par le NHS. Selon le responsable
du site, Jaipal Cheema, le nouveau service respecte les règles de
bonne pratique de la Royal Society. AllCures.com ne cache pas ses
ambitions : la société souhaite déjà étendre ses activités à l'Europe
à la fin de l'année.