Les
pharmacies électroniques tentent de garder la tête hors de l'eau
malgré la chute des cours boursiers, les vagues de licenciements
et les pénuries de liquidités (cf. nos articles Les
pharmacies en ligne à l'épreuve du krach ? et Les
start-up n'ont plus la cote).
La plupart des indicateurs sont actuellement dans
le rouge. Sous perfusion depuis juillet dernier (50 millions
de dollars injectés par Alpha Venture Capital), PlanetRx,
dont l'action a dégringolé à 0,68 dollars, a du licencier 70 personnes
en juin, soit 15 % de son effectif. Un malheur n'arrivant jamais
seul, la presse a abondamment commenté la démission de son président
William Razzouk, parti exercer ses talents dans une société de capital-risqueurs
Son principal concurrent, Drugstore.com
reste toujours déficitaire malgré des ventes en hausse au second
trimestre 2000.
Clickmango,
site britannique de produits de beauté et de santé naturels, n'est
pas à proprement une pharmacie électronique, mais son cas illustre
bien les difficultés que rencontrent actuellement les sociétés proposant
des services B-to-C. Ce site pourrait mettre la clé sous la porte
fin septembre, six mois seulement après son lancement. Les dirigeants,
qui avaient déclaré forfait en août, ont obtenu un répit d'un mois
de leurs créanciers (dont MSN et Exodus). Les fondateurs avaient
pourtant réussi à réunir près de 3 millions de Livres en septembre 1999
auprès, notamment, du fonds d'investissement Rothchild et à convaincre
l'actrice Johanna Lumley de prêter son nom et son image à la marque.
Malgré une prétendue augmentation des ventes de 20 % par semaine,
le site recherche désespérément des fonds (lire
notre brève du 08/08/2000).
Les pharmacies en ligne, à l'instar des autres
sites de commerce électronique B-to-C, subissent le contrecoup de
la consolidation boursière. A court de liquidités, pour cause d'actions
en berne et d'investisseurs moins généreux, elles doivent en outre
faire face à de nombreux concurrents.
Le secteur de la pharmacie en ligne est également
entaché par une multiplication des pratiques frauduleuses. Ainsi,
le ministère de la Justice américain a récemment engagé des poursuites
judiciaires contre des sites proposant des médicaments éthiques
(Viagra et Xénical, notamment) sans exiger d'ordonnance (lire
notre brève du 24/08/2000). Le gouvernement envisage de renforcer
la législation sur la vente de médicaments OTC et vendus sur ordonnance.
Les pharmacies en ligne devront notamment se déclarer auprès des
autorités trente jours au moins avant le lancement du site et obtenir
une licence dans chacun des Etats où elles exercent.
Pourtant, malgré ces déboires économiques et judiciaires,
le secteur ne fait que traverser un moment difficile, d'après le
cabinet d'études Forrester.
Le commerce de produits de santé en ligne est appelé à exploser
(22 milliards de dollars en 2004) et l'avenir des pharmacies
électroniques qui auront survécu sera des plus prometteurs.
Le secteur de la pharmacie en ligne doit cependant
adopter une stratégie bien précise :
-
Miser sur la transmission électronique des
ordonnances et conclure, pour ce faire, des alliances avec des
compagnies d'assurance maladie. Ce marché devrait représenter
15 milliards de dollars aux Etats-Unis en 2004.
-
S'allier à des pharmacies traditionnelles,
qui disposent déjà d'un réseau de distribution. Les clients
pourront ainsi commander en ligne, puis venir chercher leurs
produits dans l'une des pharmacies de la chaîne. De cette manière,
elles pourront réduire leurs délais de livraison, qui constituent
pour le moment leur point faible.
-
Développer un autre service à valeur ajoutée :
veiller à l'observance des traitements. En effet, près de la
moitié des patients ne respecterait pas les prescriptions de
leur médecin et les ordonnances non traitées représenteraient
en termes de ventes une perte de 25 milliards de dollars
par an.
Ce type de service pourrait consister en l'envoi
d'e-mails personnalisés (rappel en cas de renouvellement d'une
ordonnance, par exemple) ou en la mise en place de programmes
interactifs d'aide à l'observance des traitements. Toujours selon
Forrester, ce type de services augmenterait les ventes de 1,3 milliard
de dollars en 2004.
Il est clair que les pharmacies ne pourront se
contenter de vendre des médicaments et de la parapharmacie, sans
proposer d'autres services. Le mot d'ordre est désormais "création
de valeur", afin d'inciter le cyberconsommateur à acheter
son tube d'aspirine en ligne, alors qu'une officine se trouve
à deux pas de chez lui.
Forrester promet donc un avenir radieux aux e-pharmacies
d'ici deux à quatre ans. En attendant, les analystes s'accordent
à dire que la clef du succès réside notamment dans la vente de médicaments
éthiques, donc dans la transmission d'ordonnances en ligne. L'ordonnance
électronique, planche de salut de la e-pharmacie ? Reste à
convaincre les investisseurs. Une tâche bien moins difficile que
celle qui attend les pharmacies européennes, qui devront également
convaincre les pouvoirs publics, les assureurs et les médecins.