La
tarification par pathologie
Hervé
NABARETTE
mai
1999
La
tarification par pathologie est issue des travaux du Professeur
Fetter (1980). A lintérieur des 470 Diagnosis Related Groups
(DRG, équivalent des GHM français), la variance de la
variable " ressources utilisées " doit être
minimale. Tarifer à la pathologie consiste alors à verser un paiement
équivalent à la moyenne des coûts observés sur le DRG considéré.
Chaque agent est donc rémunéré en fonction des performances des
autres.
Un établissement de
soins ne fixe pas son prix, il " reçoit " le
tarif calculé pour chaque DRG : il est " price-taker ",
alors même quil peut se trouver en situation de monopole.
Ce procédé stimule la concurrence, les établissements cherchant
à produire à un coût inférieur ou égal à la tarification, ce qui
a pour effet de faire baisser cette dernière. A partir de 1983,
les organisations de managed care qui travaillent avec Medicare
achètent les soins aux établissements suivant le prix des DRG.
Cette concurrence fictive
par les prix est obtenue sous certaines conditions :
-
En premier lieu,
il convient de prendre en compte lhétérogénéité des établissements
(passé, stock de capital, structure du personnel, de lactivité
).
Les outils statistiques doivent identifier les types détablissements
et le coût des GHM qui leur est propre, sinon le corps médical
pourra refuser la tarification par pathologie au nom de son
inadéquation.
-
Le procédé fonctionne
sil nest pas biaisé par des ententes entre établissements
qui se mettraient daccord sur un coût de production élevé.
-
La tarification
a un rôle effectif si elle ne se heurte pas à un " comportement
bureaucratique " : si lutilité des producteurs
nest fonction que dun revenu fixe (de façon positive)
et de leur niveau deffort (de façon négative), le niveau
deffort consenti sera insuffisant. Des règles incitatives
sur le partage des surplus doivent être trouvées pour inciter
les offreurs à produire au moindre coût.
La tarification
par pathologie peut aller à lencontre de la qualité des soins
La tarification par
pathologie consiste à fixer un prix par groupe de malades. Le paiement
attribué est déconnecté des services effectivement fournis, dont
la quantité et les caractéristiques expriment la qualité des soins.
Les incitations à la réduction des coûts et à la qualité étant contradictoires,
le niveau de qualité peut faire lobjet de manipulation.
Devant cette situation,
le premier axe de réflexion porte sur le caractère vérifiable de
la qualité. La vérifiabilité signifie que le niveau de qualité peut
être décrit ex ante dans un contrat et constaté ex post par un tribunal
ou par un expert mandaté par un tribunal. Des audits de qualité
peuvent compléter le mécanisme de tarification moyenne. Il importe
alors de rendre le niveau de qualité le plus vérifiable possible
en mettant en place une définition précise des actes associés à
chaque diagnostic et en définissant des indicateurs. Il est probable
que certaines dimensions de la qualité resteront toutefois difficilement
vérifiables.
Alors que le paiement
est fixe, les groupes de malades présentent une certaine hétérogénéité,
les cas à traiter étant plus ou moins lourds. Il faut prévoir les
procédés décrémage que peuvent adopter les établissements.
Ces derniers peuvent se spécialiser en fonction de la qualité des
patients, afin de privilégier la clientèle dont le coût escompté
de traitement est inférieur au tarif du GHM (un peu comme les cliniques
en France, qui sont spécialisées dans les traitements les plus rentables,
les patients les plus coûteux étant orientés vers le secteur public).
Les autres patients sont orientés vers dautres établissements,
ce qui augmente le coût global si ceux ci sont moins efficaces.
Dans labsolu, un accroissement du nombre de catégories de
diagnostics permet daugmenter lhomogénéité de chaque
groupe et de réduire les effets négatifs de lécrémage.
Enfin, le risque de
réduction de la qualité offerte avec une tarification prospective
par pathologie étant réel, il convient de trouver les moyens de
le limiter. Outre les audits de qualité évoqués plus haut, le risque
financier peut être partagé entre les organismes payeurs et les
producteurs de soins. Si la somme impartie est dépassée du fait
de la quantité des services effectivement fournis, létablissement
de soins ne supporte pas seul ce dépassement. Fournir des soins
de qualité est alors moins pénalisant. Le déplacement du curseur
vers la tarification au coût réel permet de diminuer lincitation
à la moindre qualité.
La mise en uvre de la tarification à la pathologie
La mise en uvre
de la tarification à la pathologie apporte des résultats positifs
: baisse effective de la durée de séjour, diminution du rythme daccroissement
des dépenses du programme Medicare aux Etats-Unis.
Comme on la vu,
elle doit être accompagnée dactions diverses : lutte
contre les ententes, intéressement des gestionnaires et des producteurs
de soins aux résultats de létablissement, prise en compte
de lhétérogénéité des établissements, audits de qualité et
construction dindicateurs objectifs de qualité, contrôle de
la sélection de la clientèle, partage du risque financier.
Dautres conditions
doivent être satisfaites. Lévaluation initiale des coûts nécessite
une comptabilité analytique approfondie. Le classement des patients
dans la catégorie qui leur est associée et non dans une catégorie
correspondant à un degré de gravité plus élevé doit être contrôlé.
Lengagement du payeur doit être crédible : les établissements
déficitaires supportent leur déficit pour que la concurrence fictive
puisse réellement exercer ses effets (sauf sils ont une vocation
géographique à subsister).
Certaines de ces mesures
ont un caractère technique (évaluation de la qualité), dautres
sont plus structurelles et transforment le rôle des acteurs (payeur,
producteurs de soins). A cet égard, le rôle de la tarification à
la pathologie dépend du comportement de demande. Aujourdhui
en France, le payeur ne pourrait utiliser la tarification à la pathologie
que conjuguée avec le rationnement quantitatif en vigueur, afin
de simuler un comportement global de demande (prix et quantités)
et de limiter le coût total engagé. Il pourrait aussi adopter un
système denveloppe globale. Lalternative consiste à
mettre en place des comportements dachat décentralisés. Cette
dernière solution est théoriquement préférable, car elle a plus
de chances de correspondre à des hospitalisations utiles, dans des
établissements choisis sur critères des médico-économiques. Elle
permet un meilleur bouclage offre demande du système.
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