Rapport
de la Cour des Comptes
Les
inégalités régionales subsistent
L'exemple de l'APHP
Christine
BOUCHET
5
octobre 1999
La
Cour des Comptes vient de publier son rapport annuel au Parlement
sur la Sécurité sociale. Dans ce rapport, un chapitre consacré
à la politique hospitalière fait le point sur la persistance,
voire l'accroissement des inégalités régionales dans la dotation
des établissements.
L'APHP
: une structure très surdotée
Le cas de l'APHP
(Assistance Publique - Hôpitaux de Paris) est particulièrement
intéressant. L'APHP est en fait un seul CHU comprenant 44 établissements,
dont 22 ont une activité de court séjour. C'est le plus grand
groupe hospitalier d'Europe ; la Pitié-Salpétrière à elle seule
est le plus gros employeur de Paris. L'APHP a mis en place un
plan d'économies depuis 1996. Cependant ses établissements sont
plus coûteux que la plupart des hôpitaux de province, et il
existe de fortes disparités au sein de la structure.
En effet, l'ISA
moyen des établissements de l'APHP calculé pour l'année 1997
est à 15,18 F, alors qu'il est de 12,28 F pour l'ensemble
des CHU de province. 21 des établissements de l'AP sont plus
coûteux que le CHU le plus cher de province (les Hospices Civils
de Lyon).
|
ISA
moyen
année 1997
|
France
|
12,14
|
CHU Province
|
12,28
|
Ile de
France
|
14,59
|
APHP
|
15,18
|
La valeur du point
ISA d'un établissement représente le prix unitaire de l'activité
hospitalière, ou le coût effectif de l'offre de soins. Il est
calculé de la façon suivante :
Valeur
du point ISA de l'année x =
dépenses MCO année x / activité MCO en point ISA année
x
Dépenses
MCO année x : les dépenses MCO (Médecine, Chirurgie,
Obsétrique) sont calculées à partir du compte administratif
retraité fourni par l'établissement, qui permet d'isoler
les dépenses liées au court séjour et à l'activité externe
des autres postes de dépense.
Activité
MCO en point ISA année x : l'activité MCO est
obtenue en totalisant les points ISA d'hospitalisation
et les points ISA de consultation (activité externe)
de l'année x pour l'établissement.
|
Le rapport de la
Cour des Comptes présente les chiffres de l'année 1997, ceux
de l'année 1998 sont disponible depuis peu mais ne sont pas
encore publics.
L'APHP apparaît
donc comme particulièrement surdotée par rapport aux autres
établissements. Elle bénéficie en effet d'un statut dérogatoire,
et son budget est directement attribué par décision conjointe
des ministres de la Santé, de la Sécurité sociale, des Finances
et de l'Intérieur. L'ARH d'Ile-de-France n'intervient pas directement
dans l'allocation budgétaire. Elle dispose donc de peu de moyens
pour réguler les inégalités entre l'AP et les autres établissements
publics d'Ile-de-France, puisqu'en pratique les enveloppes sont
strictement séparées.
La direction de
l'APHP explique cependant que la répartition de l'ONDAM (Objectif
National des Dépenses d'Assurance Maladie) lui est défavorable,
et que son budget n'a progressé que de 0,35 % en 1997,
alors que l'enveloppe nationale augmentait de 2,1 %. Elle
souligne par ailleurs les limites du PMSI, qui prend mal en
compte les urgences et les consultations externes qui ont une
place très importante en Ile de France.
Des disparités au sein de l'APHP
Les valeurs des
points ISA de l'APHP laissent paraître de grandes différences
entre les établissements, avec une forte dispersion des coûts.
L'hôpital Tenon, avec le point ISA le plus faible (12,71 F)
est un peu au dessus de la moyenne des CHU de province, tandis
que l'hôpital Paul Brousse est le plus surdoté avec un point
ISA à 21,37 F.
|
Point
ISA année 97 (en F)
|
Taux
d'occupation (%)
|
Nombre
de GHM
|
Nombre
de GHM couvrant 80% de l'activité
|
Tenon
|
12,71
|
86
|
494
|
87
|
Antoine
Béclère
|
13,15
|
83,9
|
449
|
88
|
Amboise
Paré
|
13,41
|
81,6
|
482
|
117
|
Laennec
|
13,46
|
86,4
|
365
|
85
|
Cochin
|
13,47
|
82,1
|
487
|
104
|
Bicêtre
|
14,22
|
85,1
|
511
|
128
|
Bichat
|
14,28
|
90,5
|
524
|
124
|
Rothschild
|
14,31
|
83,4
|
412
|
82
|
Jean Verdier
|
14,49
|
80,3
|
432
|
89
|
Pitié-Salpétrière
|
14,59
|
81,7
|
535
|
111
|
Henri Mondor
|
14,71
|
81,4
|
480
|
95
|
Saint-Antoine
|
15,21
|
88,6
|
476
|
104
|
Louis Mourier
|
15,42
|
82,1
|
389
|
88
|
Hôtel-Dieu
|
15,54
|
79
|
443
|
70
|
Boucicaut
|
15,55
|
69,8
|
417
|
112
|
Broussais
|
15,55
|
74,2
|
274
|
31
|
Lariboisière
|
15,57
|
79,5
|
477
|
127
|
Avicenne
|
15,72
|
90,6
|
444
|
90
|
Beaujon
|
16,19
|
80,5
|
452
|
104
|
Robert
Debré
|
16,2
|
80,7
|
369
|
62
|
Saint-Louis
|
17,33
|
82,5
|
456
|
66
|
Saint-Vincent
de Paul
|
17,42
|
67,2
|
328
|
53
|
Necker-enfants
malades
|
17,76
|
70,3
|
486
|
94
|
Trousseau
|
18,51
|
76,1
|
355
|
62
|
Raymond
Poincaré
|
18,81
|
74,6
|
335
|
39
|
Paul Brousse
|
21,37
|
87,3
|
292
|
9
|
AP-HP
|
15,18
|
|
572
|
161
|
Source : Rapport
annuel au parlement sur la sécurité sociale de la
Cour des Comptes - Septembre 1999
Ces disparités
s'expliquent probablement partiellement par les différences
de taux d'occupation. Le degré de spécialisation, estimé par
le nombre de GHM
différents figurant dans le case-mix (plus le nombre de GHM
est faible, plus l'établissement est spécialisé) est également
très variable d'un établissement à l'autre. Cependant ces différences
sont insuffisantes pour expliquer la dispersion des points ISA.
Les recommandations de la Cour des Comptes
La Cour des Comptes
recommande donc une étude systématique des causes des surcoût
dans les établissements surdotés, et conseille notamment une
décomposition analytique de la valeur des points ISA. L'échelle
de coûts donne en effet pour chaque GHM les coûts théoriques
par grands postes budgétaires : salaire des médecins, des infirmières,
actes de biologie
La comparaison des coûts réels et des
coûts théoriques permet de mieux cibler les raisons du surcoût.
Par ailleurs le
rapport conseille de réduire sur quelques années les coûts des
établissements dont le point ISA est le plus élevé, notamment
à l'APHP. Les établissements dont le point ISA est supérieur
à 13 F ont donc des moments difficiles en perspective.