Le
coût par pathologie :
mythe ou réalité ?
Christine
BOUCHET
5 octobre
1999
Suite
et fin
Un système inapplicable en ville aujourdhui
La
rémunération au forfait en médecine libérale
De nombreux pays européens
ont testé la rémunération à la capitation. Le médecin généraliste
est le point d'entrée vers le système de soins (gatekeeper),
et il reçoit un forfait annuel pour chaque patient dont il a la
charge. Dans la majorité des cas, le forfait est fixe. Il est parfois
variable en fonction de l'âge du patient. En théorie, le forfait
par patient peut également être pondéré par une tarification à la
pathologie, notamment pour les assurés souffrant de maladies chroniques.
Néanmoins, la définition dun forfait décliné en fonction des
caractéristiques du patient est quasi impossible sur le plan technique.
En effet, comme la montré une récente enquête du IRDES,
les caractéristiques socio-démographiques des individus (âge, sexe,
catégorie socio-professionnelle) nexpliquent que 3 % de la
variance des dépenses de santé. En collectant des informations dordre
médical (antécédents, facteurs de risques, pathologies), il est
possible dexpliquer 25 % de la variance des dépenses, mais
le coût de gestion dun tel système devient prohibitif. Il
nest donc pas pertinent de chercher à personnaliser
à lextrême le montant des forfaits de santé, laléa restant
le principal facteur explicatif des dépenses (ex : accident
de voiture, survenance dune pathologie, etc.).
Payé au forfait et
non plus à lacte, le médecin a intérêt à soigner efficacement
son patient et à prévenir la survenue de complications pour limiter
le nombre de consultations et de consommations induites. Si le patient
se juge mal soigné, il a la possibilité de changer de médecin. La
rémunération à la capitation du médecin généraliste peut comprendre
un budget pour la gestion des actes induits, comme dans le système
anglais (analyses, radiologie, médicaments, etc.). [Cliquez
ici pour en savoir +]
En pratique, la rémunération
au forfait peut entraîner une dégradation de la qualité des soins,
les médecins traitants adoptant une politique de soins minimaliste
pour optimiser leur revenu. Il faut d'ailleurs noter que l'ensemble
des pays ayant introduit la rémunération forfaitaire des médecins
ont maintenu ou introduit un complément sous forme de paiement à
l'acte pour éviter ce genre de dérives.
Le risque de la rémunération
au forfait est également d'induire une sélection des patients. Lorsque
les forfaits financiers ne sont pas pondérés en fonction des caractéristiques
des patients, le médecin peut être tenté de refuser a priori
les patients nécessitant une prise en charge lourde.
La
nécessité d'un système d'informations performant
Les pays qui modulent
le forfait à la pathologie comme la Grande Bretagne ou qui mettent
en concurrence les professionnels de santé pour l'offre de soins
comme les Etats Unis dans le cadre des HMO disposent d'un volume
énorme d'informations sur l'activité de soins, qui leur permet d'évaluer
le coût de la prise en charge d'un certain type de patients. Le
système français est très en retard dans ce domaine et, en médecine
libérale, les seules données actuellement recueillies sont la cotation
des actes selon la NGAP (Nomenclature Générale des Actes Professionnels).
Ce recueil ne permet pas d'avoir des informations sur les pathologies
sous-jacentes des patients. Une estimation du coût moyen d'une pathologie
nécessiterait au préalable un codage exhaustif des diagnostics et
des actes, et des études médico-économiques exhaustives.Pour
étendre le principe de la tarification par pathologie à lambulatoire,
il faudrait donc développer au préalable les systèmes d'information
de la médecine libérale. L'avant projet de décret sur l'évaluation
des médecins va d'ailleurs dans ce sens puisquil prévoit que
les médecins libéraux devront coder les actes effectués, les prestations
fournies et les pathologies diagnostiquées lors de chaque consultation,
et transmettre ces données aux Unions libérales. Les Unions régionales
seront alors à même de traiter les données fournies et de procéder
à l'évaluation des pratiques. Si elles se positionnent également
comme concentrateurs de feuilles de soins électroniques, elles pourront
accéder également aux informations relatives aux remboursements.
Quel que soit lavenir
du paiement à la pathologie, ou au forfait, lexploration de
ces concepts offre loccasion de poser à plat les enjeux du
financement des soins. Quil sagisse de la fongibilité
des enveloppes ou du panier de soins, ces réflexions sont fondamentales
pour lavenir du système de santé.
Réagissez
à cet article.
Eclairages
Loi
no 99-641 du 27 juillet 1999 portant création d'une couverture
maladie universelle (source : JO)
Les
DRG (Diagnosis Related Groups) et le PMSI (Programme de Médicalisation
du Système d'Information)
L'approche
globale : lexemple anglais
Lire aussi les 5 derniers articles parus dans la rubrique
Economie de la santé :
Le
coût et lorganisation de la distribution pharmaceutique
(8 novembre 1999)
La
grille Aggir - Un outil pour objectiver la dépendance (5 novembre 1999)
Réseaux
et pratique médicale - L'exercice au sein de réseaux de soins
influence-t-il loffre de soins dans son ensemble ? (5 octobre 1999)
Le
traitement de la maladie d'Alzheimer : bilan et perspectives
(1er septembre 1999)
Le
SNIP signe un accord avec le Comité Economique du Médicament
(1er août 1999)
Réagissez
à cet article
Retrouvez tous
les dossiers en Economie de la Santé.
5
octobre 1999
|