Christian
GRENIER
Président de Népenthès
(premier groupement de pharmaciens dofficine)
(suite)
Cegetel
a entrepris le déploiement du Réseau Santé Social. En quoi cela
modifie-t-il lenvironnement des pharmaciens et de votre
groupement ?
La grande nouveauté,
cest quà présent, le RSS existe ! Un groupement
comme le notre, qui regroupe plus de 1000 pharmaciens et qui
en aura bientôt 2000, doit donc obligatoirement sintéresser
au RSS. Nous étendons cependant notre champ de réflexion au
delà de la simple télétransmission des FSE mais à tout ce qui
pourra laccompagner. Le RSS fait désormais partie de lavenir
de la pharmacie, du pharmacien et du groupement.
Dans
cette perspective vous pensez, jimagine, à limplication
des pharmaciens dans les réseaux de soins ?
Je pense effectivement
à limplication des pharmaciens dans les réseaux de soins,
mais également à tout ce qui est lié à la communication et à
léchange avec les autres professionnels de santé. Jai
également à lesprit les autres potentialités du RSS et,
je dirais, à larrivée dInternet dans la vie de tous
les jours.
Quels
sont aujourdhui les souhaits de la profession par rapport
à SESAM-Vitale ?
Deux dossiers sont
actuellement artificiellement réunis : celui de la revendication
économique des pharmaciens vis à vis des pouvoirs publics et
celui de la mise en place de SESAM-Vitale.
Les pharmaciens
demandent des mesures de bon sens et tout dabord ne pas
être ceux qui financent le système, cest à dire les cartes
de professionnels de santé, les lecteurs de cartes ou la maintenance.
Nous souhaitons également que soient réglés certains problèmes
qui ont été identifiés comme gênants au moment de lexpérimentation :
les rejets par certains logiciels de caisses, des opposabilités
imprévues, etc. Cest à la limite une question de dialogue,
de compréhension, de connaissance du milieu pour le faire démarrer.
Ce qui compte cest quon ne cherche pas à imposer
les choses.
Vous
animez un concentrateur . Comment fonctionne-t-il et comment
envisagez-vous son évolution ?
Lactivité
dun concentrateur consiste essentiellement à recevoir
les feuilles de soins transmises par les pharmaciens puis à
les dispatcher en direction des différents organismes
payeurs, qui sont nombreux et géographiquement dispersés.
Notre concentrateur
fonctionne relativement bien même si le contexte technique actuel
est difficile. Il est en effet fréquent quune Caisse bloque
pendant 24 h ou quun assureur ne puisse pas traiter ses
dossiers pendant une semaine.
On nest hélas
pas sur une réalité toute simple où un flux arrive, où il est
transmis et où tout va bien ! Chaque Caisse, chaque Mutuelle
ou Complémentaire, doit être branchée de façon individuelle.
Si lon compte 8000 mutuelles 28 000 codes guichets et
124 Caisses Primaires, cela demande un travail fabuleux.
Seuls 80% de lactivité
dun concentrateur se fait en télétransmission et les 20%
restants sont lourds à traiter. Je veux parler des accident
du travail, de lAMG ou encore du RMI. Sans parler des
incohérences : la MGEN du 78 va passer mais pas celle du
75, parce que les accords EDF sappliquent dans le 95 et
pas dans le 78, parce que le 78 est en SESAM et que le 95 est
en B2R alors que Paris est encore sur la norme DEL 91... Cest
ici que réside la grosse difficulté car ce que vient chercher
un pharmacien dans un concentrateur cest tout ce quil
ne sait pas ou ne veut pas faire lui-même.
La gestion des
flux financiers sera optimum si tous les acteurs se rassemblent
plutôt que dessayer chacun de leur côté de préserver leur
métier du passé sans prendre en compte les techniques modernes
déchanges de données informatisées.
Quest
que cela coûte pour un pharmacien ?
Environ 25 centimes
par facture, ce qui, proportionnellement, ne fait pas grand
chose puisque cela doit représenter en gros un maximum de 300
F par mois par pharmacien alors quavant il faisait tout
à la main. Cest une grosse économie de temps mais également
une économie derreurs. Dautant plus que lorganisme
intermédiaire a un service daide, quil peut retraiter
un certain nombre de factures en lieu et place du pharmacien
pour lui éviter des rejets. Mais au-delà du coût le métier de
pharmacien continuera à évoluer par lutilisation de techniques
modernes de gestion.
Comment
voyez-vous évoluer le paysage des concentrateurs avec la généralisation
de la télétransmission ? Vous même qui envisagiez douvrir
votre organisme intermédiaire à dautres professionnels
de santé, comment pensez-vous que ce maillon de la chaîne dinformation
va évoluer ?
Nous sommes un
peu à la croisée des chemins. Il doit y avoir 17 concentrateurs
pharmaciens. Des petits, des plus gros. Ce problème de taille
impose actuellement à certains de faire des choix en matière
de développement, en matière dinvestissement. On peut
donc envisager des fusions ou des plateaux techniques communs
pour pouvoir évoluer. Plateaux techniques qui pourraient faire
lobjet de partenariats avec des industriels. Toute cette
évolution demande une nouvelle mécanique intellectuelle, un
effort de prospective. La productivité passera par la capacité
à concentrer ses moyens.
Quelles
sont selon vous les autres applications intéressantes pour le
monde officinal (bases de connaissances, FMC, etc.) ?
Cest le cap
de lan 2000 que nous allons franchir et les professionnels
de santé devront correspondre à ce que lon exigera à ce
moment. Il leur faudra avoir, sur ce réseau, un certain nombre
de données supplémentaires, de bouquets de services supplémentaires,
la formation, linformation, la plate forme dachats
pour le groupement, des données concernant la protection sociale,
les ouvertures de droit, la communication avec les autres professionnels
de santé et puis certainement le commerce électronique.
Quand
vous parlez de commerce électronique, vous pensez à du commerce
électronique organisé dans lofficine, pas forcément en
dehors ?
Je pense aux deux,
cest-à-dire pour un groupement, aussi bien sa plate forme
dachat de médicaments que ses services à la gestion de
lofficine, qui permettent au pharmacien dacheter
sa photocopieuse, son papier et ses tampons. Je pense même aux
services que le pharmacien peut proposer au patient à partir
de lordinateur de lofficine. On peut imaginer que
demain un patient puisse réserver dans lune des officines
du groupement un séjour de thalassothérapie avec les conseils
dun pharmacien sur lendroit, la possibilité de visiter
le site en ligne mais également réserver le train, la chambre
et la voiture sur place.
De
façon générale, comment voyez-vous évoluer le métier du pharmacien
à moyen terme ?
Les pharmaciens
sont confrontés aujourdhui à un double problème :
Celui de lévaluation, de la certification de leurs actes
dun côté, et de lautre celui du coût de ces actes,
notion économique nouvelle pour eux, celle qui consiste à entrer
dans la mécanique de la maîtrise des dépenses de santé. Ils
vont devoir offrir encore plus de services, encore plus de technicité.
Il est donc important
que les nouveaux systèmes informatiques leur permettent de gagner
du temps et de faire gagner du temps à leurs clients, notamment
dans le délai de remboursement. Il est également important que
ces systèmes en ligne leur permettent de mieux renseigner les
clients, qui seront eux-mêmes de plus en plus avertis. Enfin
les pharmaciens devront de plus en plus raisonner en termes
de réseaux, de travail de groupe tant pour les négociations
commerciales que pour, par exemple, leur propre protection sociale.
La simplification des tâches administratives devra permettre
de passer plus de temps à la gestion du patient et à la prévention.
Iriez-vous
jusquà dire quon va nécessairement vers une approche
de type chaîne dans le monde de lofficine ou est-ce que
le groupement et le fonctionnement réseau sont le moyen de préserver
la pratique libérale ?
Si les groupements
mettent en uvre les intentions quils affichent,
les réseaux peuvent être un moyen déviter lapproche
de type chaîne et donc de préserver lacte libéral. Fonctionner
en groupe permet souvent de mieux fonctionner que fonctionner
tout seul. Il est probable que la taille dune officine
progressera pour apporter une palette de services plus large.
Se posera alors le problème de la répartition géographique,
de la forme juridique, de la fiscalité.
Vous
parliez à linstant des patients. Est-ce que lexpérience
SESAM menée dans les Yvelines a été suffisamment loin pour montrer
sil y avait des avantages ou des inconvénients pour les
patients ?Comment lont-ils reçu, comment lont-ils
vécu ?
Les clients se
sont aperçu rapidement du changement. On leur a dabord
dit vous navez plus besoin de vignette vous navez
plus besoin de papier vous navez plus besoin de rien du
tout. Il sest alors passé une chose intéressante :
lorsquun pharmacien sest lancé le premier sur SESAM
dans son secteur, des patients ont changé de pharmacie pour
aller vers lui. Sans doute son image a-t-elle changé dans le
sens de la modernité. De plus, dans tous les cas où le système
fonctionne, le gain de temps pour les remboursements nest
pas un argument négligeable. Il y a plus : à Charleville-Mézières
où lexpérience SESAM a été couplée à lexpérience
Vitale, ce sont les patients qui ont joué un rôle moteur car
ils souhaitaient utiliser la carte quils avaient reçue.
En un mot les patients ne veulent plus se casser la tête avec
des problèmes quils savent évitables grâce à linformatique.
De plus ils sont semble-t-il favorables à la présence future
sur leur carte de renseignements médicaux dont ils savent quils
vont les préserver de certaines erreurs possibles parce que
tous les professionnels de la chaîne de santé seront avertis.
Doù
vient le choix du mot NEPENTHES ?
Cest un mot
grec désignant une plante qui guérissait de tous les maux. Nous
nous sommes dit que cétait un beau symbole pour lévolution
du métier de pharmacien.