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Cathy Suarez
Université de Marne-la-Vallée
Consultante en économie de la santé
et en systèmes d'information


"Les systèmes de téléassistance et de téléconseil représentent l'avenir des dispositifs chez les personnes âgées, mais leur mise en place est complexe"


Propos recueillis par Hervé Nabarette

15 mai 2001

suite 2/2

 Téléalarme, capteurs, télévigilance … Nous avons fait le tour de toutes les formules existantes…

Oui. De façon marginale et expérimentale, un dispositif de capteurs multiperceptifs a été expérimenté aux CHU de Grenoble et de Toulouse. La finalité était en autre, de mieux gérer les problèmes de chute de personnes âgées dans les services de gériatrie. Les personnes âgées hospitalisées sont en effet souvent désorientées et l'occurrence de chute est élevée, ce qui pose problème, sachant que 84% de ces personnes ne peuvent se relever sans l'aide d'un tiers. Associée aux effectifs limités, les chutes représentent ainsi un danger potentiel de complications pour les patients (une personnes âgée qui chute peut rester entre une et deux heures au sol). En outre, le système de sonnette semble déficient dans ces services. En effet, en gériatrie le temps moyen de réponse à un appel est de 10 mn, et le taux de non réponse de 20%. Cela s'explique par le fonctionnement en effectifs restreints, les soignants répondent en priorité aux appels "qui se justifient pour des raisons médicales". Or, en gériatrie, 40% des appels relèvent d'une demande d'aide aux actes de la vie quotidienne, 33% de confort et 11% sont sans motifs. D'où l'intérêt d'expérimenter un dispositif multiperceptif. Malheureusement, l'expérimentation auquel j'ai assisté il y a quatre ans au CHU de Grenoble, fut mal acceptée par le personnel soignant. Bien que percevant la situation existante comme problématique, les soignants ont mal vécu l'intrusion du dispositif technique dans leur environnement de travail, vivant cette expérimentation comme une remise en cause de leurs pratiques et un jugement sur la qualité de leur travail. Le dispositif était en outre expérimental, il n'était pas au point et occasionnait une charge de travail supplémentaire, non compatible avec l'organisation du service.

 Que peut-on dire de la réception par les personnes âgées et de l'équilibre machine/présence humaine dans les dispositifs ?

Si l'on considère la question de l'accoutumance aux nouvelles technologies de l'information et de la communication, il est sûr que les personnes âgées de 80 ans et plus ont du mal à s'y accoutumer. Dans l'expérimentation précédente, nous avons ainsi pu observer chez certaines personnes sensibles des phénomènes hallucinatoires en lien avec la présence du dispositif. Cependant, la sensibilisation actuelle des "jeunes vieux" (50-70 ans) par leurs enfants et petits enfants, nous laisse à penser que ceux-ci seront plus à l'aise que la génération actuelle. Face à cette réticence des personnes âgées, un biais courant chez les promoteurs de solutions est de calquer leurs produits sur les besoins et préférences des payeurs potentiels. L'exemple de la téléalarme est à ce titre édifiant. Sa finalité ne répond en effet pas aux besoins des personnes âgées qui relèvent davantage de la sociabilité, mais aux préoccupations des gériatres et organismes de tutelles (en terme de gestion de la dépendance) et aux besoins de tranquillité de l'entourage.

Concernant la substitution homme/système d'information, précisons que la téléassistance ne peut que combler un manque existant. Par exemple, si la personne âgée a de la famille à proximité qui peut se déplacer, la livraison de médicaments et de repas ne sera pas souhaitable. Des arbitrages doivent être faits pour chaque patient, la question étant de savoir qui fera ces arbitrages : la personne âgée, la société de prestation de services, les payeurs … Il faut procéder à une classification des usagers en fonction de leurs problèmes et définir un panel de prestations personnalisées. Les modalités de classification devront être formalisées.

 Comme on l'a vu, de nombreux systèmes sont expérimentaux… Comment choisit-on de les développer ? Peut-on procéder à des analyses coût efficacité ?

Non. Les analyses coût efficacité sont utilisées sur des dispositifs déjà sur le marché, qui ont un prix et dont l'efficacité est avérée, à une fin d'allocation optimale des ressources. Quand une technique émerge, elle n'a pas d'histoire qui nous enseigne sur son coût ou son efficacité. Nous sommes alors dans une phase de création de ressources. Le succès d'une innovation émergente comme la téléassistance passe par trois conditions :

  • Il faut tout d'abord que l'ensemble des acteurs concernés par la nouvelles technique expriment une suspicion envers les routines, techniques ou pratiques existantes (suspicion révélatrice de leur insatisfaction)
  • une réflexion collective s'engage ensuite sur les solutions alternatives qui peuvent être développées, en les dotant de finalités et de fonctionnalités qui rencontrent le plus de consensus chez l'ensemble des acteurs concernés (ces derniers pouvant avoir des objectifs différents : alternatives à l'hospitalisation, créations d'emplois, amélioration de la qualité de vie …)
  • la réflexion évoluera enfin au fil des expérimentations, par concertation et apprentissage, jusqu'à ce que l'on débouche sur une alternative qui sera l'expression d'un consensus général. C'est seulement une fois ce stade atteint, que l'on pourra faire des études de propension à payer et raisonner en terme d'efficacité. On sort alors de l'organisation innovatrice, pour rentrer sur le marché.

Seuls les systèmes se présentant comme une solution alternative à un problème de santé publique, et construits dès l'amont avec la consultation de l'ensemble des personnes concernées (patients/usagers, professionnels de santé, organismes de tutelle) dépassent le stade expérimental, c'est l'enseignement que je tire des différents projets. C'est ce que l'on observe de façon générale, en télémédecine, dans les systèmes d'information de réseaux.

 Au-delà des dispositifs évoqués, le maintien à domicile requiert-il des systèmes d'information développés ?

Les personnes intervenant dans le maintien à domicile se coordonnent assez bien sans système logistique développé. Le maintien à domicile repose grandement sur des réseaux humains et informels. Actuellement et dans nombre de structures, les systèmes très structurés et informatisés seraient considérés comme une gêne, et seraient malvenus.
En revanche, il y a de forts besoins de suivi des personnes âgées à leur sortie de l'hôpital. L'accompagnement est important pour s'assurer que les personnes vont bien chez le kiné, qu'elles ne se laissent pas aller … La télévigilance et le télécontrôle peuvent à ce niveau être très utile, mais ce peut être simplement un relais téléphonique. La sensibilisation de l'ensemble des personnels soignants des services hospitaliers non gériatriques aux modalités de prise en charge spécifique des personnes âgées, peut aussi être utile pour améliorer la qualité de vie de ces personnes à l'hôpital et réduire les complications. C'est l'objet de "l'unité mobile gérontologique" qui fonctionne au CHU de Grenoble depuis 1998. Ce type d'actions doit être géré par un système d'information adéquat : listing des intervenants, dossier médical des patients, prestations fournies… .



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15 mai 2001

 

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