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Vaccination contre la rougeole :
concilier objectifs de santé publique et pratique individuelle "
28 juillet
1999
Lenquête " ROR " vise à évaluer les pratiques
des médecins en matière de vaccination contre la rougeole dans la
région Centre. Pourquoi la vaccination ROR ?
Dune part, cest
une vaccination relativement nouvelle dans le paysage vaccinal par
rapport au DT Polio, exception faite de lhépatite B. Dans
linconscient médical, elle reste "dangereuse" :
elle peut provoquer une hausse de température à 40 degrés et
présente des contre-indications plus fermes que dautres. Dautre
part, lhistorique du ROR est complexe : on vaccinait
contre la rougeole grâce au Rouvax il y a 20 ans, puis on y associé
dans les années 80 un vaccin contre la rubéole qui a donné le Rudi-Rouvax
et enfin contre les oreillons, doù le triple vaccin ROR. Une
seule vaccination ROR à lâge dun an a dabord été
pratiquée ; un rattrapage à 11-13 ans a été recommandé par
le calendrier vaccinal 1996-97 et ramené ensuite à lâge de
6 ans.
La vaccination contre
la rougeole est donc un sujet compliqué pour les médecins. Tous
dailleurs nont pas compris quil sagit bien
dune revaccination et non dun rappel. Cest ce
contexte complexe qui nous a amené à nous intéresser à limpact
des dernières recommandations en la matière sur les pratiques médicales.
Nous avons ainsi décidé
de mener une enquête simple. La vaccination, à cet égard, est un
objet détude bien circonscrit : cest un sujet ciblé
car on enquête sur " une piqûre " et cest
un sujet " traçeur " car les informations sont
disponibles facilement notamment grâce aux carnets de santé.
Que pensez-vous des résultats obtenus en région Centre ?
90% des enfants inclus
dans lenquête ont reçu au moins une dose de vaccin. Cest
mieux que la moyenne nationale, même si cest encore inférieur
aux recommandations, dont lobjectif est une couverture de
95%.
Quant à la revaccination,
les chiffres sont moins bons : je pense quil y a deux
raisons à cela. Dune part, durant un laps de temps aussi court
que celui de lenquête, le nombre denfants de 12-13 ans
vus en consultation est réduit. En effet, en général, après le 2è
rappel DT Polio vers lâge de 11 ans, on ne voit plus beaucoup
lenfant, en tous les cas pas avant 16 ans pour un autre rappel.
Dautre part, si le médecin voit lenfant quand il est
malade, en dehors de ces " étapes ", encore
faut-il quil vérifie systématiquement les vaccinations sur
le carnet de santé : cest un réflexe que tous nont pas
encore acquis et quil faut absolument encourager.
Face à cet état des lieux, que comptez-vous faire pour améliorer
linformation du grand public et la formation des professionnels ?
Nous envisageons un
retour dinformation vers les professionnels en collaboration
avec lUrcam.
Au niveau départemental, nous allons travailler avec les Centres
de Protection Maternelle et Infantile (PMI) afin de que sassurer
les enfants ont bien été vaccinés une fois, avant quils ne
sortent de leur champ daction, cest-à-dire avant lâge
de 3 ans. Un relais au moins aussi utile est la médecine scolaire :
la visite obligatoire avant le passage en CP permettrait de vérifier
que lenfant a été vacciné deux fois. Enfin, nous comptons
bien sûr contacter aussi les organismes de FMC.
Côté grand public,
nous allons organiser une campagne dinformation dans la région,
avec des laboratoires pharmaceutiques et lUrcam. Dores
et déjà, les résultats de lenquête sont diffusés auprès de
tous les médecins libéraux qui ont été sollicités. Une synthèse
a été publiée sur le site
Internet de lURML. Nous songeons dailleurs à développer
une partie ouverte aux questions du grand public sur notre site.
Quels peuvent être les obstacles à ces projets ?
Le principal problème,
cest que la vaccination ROR nest pas obligatoire. Il
faut donc sassurer que les médecins traitants répondent bien
aux alertes des médecins " dépisteurs " et aux
actions de communication. Les médecins scolaires peuvent vacciner et
les parents sont en général très attentifs aux vaccinations prescrites
; en revanche, ceux des PMI peuvent réaliser certains tests, exiger
des rappels de DT polio, mais ne pourront quinciter à la vaccination
ROR. Ceci reflète le manque de clarté des pouvoirs publics qui,
sils veulent mener une véritable politique de santé publique,
devraient rendre la vaccination obligatoire et la rembourser.
Outre cet obstacle,
la multiplicité des tutelles complique les choses : il faut
notamment négocier avec six départements. LEducation Nationale
nest pas non plus un interlocuteur facile.
Une grande partie des médecins qui nont pas voulu participé
à lenquête mettent en avant les décisions des autorités sanitaires
sur le vaccin contre lhépatite B. Comment ont-ils ressenti
ces décisions ?
Lenquête ROR
a été lancée peu après les déclarations ministérielles sur le dépassement
de lenveloppe de la médecine libérale. Or il y a 2 ans, les
médecins sétaient attelés à la vaccination contre lhépatite
B : vaccination systématique des enfants de 6 ans et rattrapage
pour tous jusquen troisième. Cela a eu bien sûr un coût. Le
prélèvement qui a suivi le dépassement denveloppe a été abusif et
a laissé un très mauvais souvenir chez les libéraux. Dans ce contexte,
demander à nouveau de " faire " de la santé
publique sous enveloppe a été mal perçu.
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