Colloque
des économistes
de la santé
Réseaux
de soins et évaluation
Proposition
dun cadre de référence commun pour lévaluation des expérimentations
" réseaux et filière "
Bourgueil,
Grignon, Midy, Develay, Mino, Naiditch, Polton.
Si
la circulaire du 5 octobre 1998 prévoit bien que tout réseau recherchant
lagrément devra être évalué, la notion même dévaluation
est mal définie et évolue selon que lon est dans la position
du financeur, de lun des membres ou de lévaluateur en
santé.
Lobjectif
des auteurs est de proposer un cadre danalyse commun pour
lévaluation des expérimentations " réseaux et filière "
quelque soit la nature du réseau. Ils insistent en premier lieu
sur le caractère innovant des réseaux par une présentation théorique,
puis sattachent à décrire lexpérience menée au Royaume-Uni.
Quel peut être lapport des réseaux
à lévolution du système de soins ?
La constitution dun cadre danalyse
pour lévaluation
Conclusion
Quel peut être lapport
des réseaux à lévolution du système de soins ?
Le
système de santé français connaît trois grandes tendances :
- élargissement
de son domaine daction. Il sagit davantage de
santé au sens large que dabsence de maladie,
Il
devient donc nécessaire dévoluer vers :
- de nouvelles
formes organisationnelles,
- lintégration
des contraintes économiques,
- la progression
vers une forme de " santé communautaire "
(community health), notion anglo-saxonne liée au " primary
care " (premier soin), où le médecin a un rôle de santé
publique, à la différence de la France où la santé publique est
répartie entre lEtat qui gère la prévention et la Sécurité
sociale pour les soins curatifs.
La
théorie économique des organisations industrielles montre que plus
un processus de production est complexe, plus la coordination devient
nécessaire, et que plus un produit est complexe, plus il requiert
des processus standardisés. Il devient donc nécessaire de développer
une organisation adéquate.
Du
système de soins au système de santé
Aujourdhui
laccent est mis sur léducation à la santé de la population
et des patients. Ce nest plus tant un état de santé que lon
cherche à restaurer, quà maintenir voire à développer un bon
état de vie.
Les
nouvelles activités de prévention (dépistage, éducation à la santé
en milieu professionnel, urbain ou scolaire) nécessitent lintroduction
de nouvelles formes daction, de nouvelles compétences ainsi
que des collaborations plus poussées entre la médecine et les autres
secteurs.
Dans
ce contexte le développement des réseaux permettrait de saffranchir
de la rigidité dune organisation hiérarchique, tout en économisant
les coûts de transaction que lon rencontre sur un marché inorganisé.
Le
réseau fédère autour de valeurs communes
Le
réseau ne rassemble pas les acteurs autour dun centre identifié
de décision, mais autour dune conception commune de la qualité,
élaborée et acceptée par ses membres.
Le
réseau apparaît donc comme un moyen dautorégulation des professions,
en constituant une sorte de label de qualité délivré par ses pairs.
Le professionnel qui respecte les bonnes pratiques de son réseau
augmente la santé publique générale et allège la contrainte budgétaire
pour tous.
La
qualification des producteurs de soins diffère selon leur formation,
leur clientèle et leur personnalité. La mise en commun de leurs
connaissances réduit lincertitude qui entoure la décision
médicale et permet également une émulation favorisant les apprentissages
mutuels et lémergence de références communes de bonne pratique.
Quelle
organisation à terme ?
Lorganisation
du système de soin obéit à deux enjeux majeurs :
- le décloisonnement
qui atténue les effets les plus néfastes (anonymisation, parcellisation,
déresponsabilisation).
- La complémentarité
du réseau et de la filière
La
dynamique du changement peut permettre de dépasser cette opposition.
Le rapport de lANAES
développe le point de vue selon lequel la mise en uvre de
réseaux contribue à générer in fine une forme de filière.
Le
réseau est donc particulièrement adapté au système de soins :
parce quil profite dune culture professionnelle favorable
à la coopération, car il repose sur des valeurs communes, et parce
que lincertitude qui pèse sur lactivité professionnelle
réclame un objectif commun.
La constitution dun cadre danalyse
pour lévaluation
Lévaluation
des procédures
La
méthode traditionnelle de lévaluation économique reposant
sur lanalyse coût-résultats nest pas adapté aux réseaux
car :
- certains
aspects sont difficiles à traduire par une mesure unidimensionnelle
et quantitative,
- laspect
" boite noire " de ce type dévaluation
ne permet pas de connaître exactement quels processus assurent
le succès ou léchec,
- un réseau
nest pas un objet neutre. Il est difficile de sabstraire
de lenvironnement politique et sociologique.
Lévaluation
porte sur la capacité du réseau à résoudre un problème identifié,
ainsi que sur les procédures mises en place pour y arriver (transferts
de fonction et/ou de ressources, processus organisationnels).
Lévaluation
devrait permettre aux acteurs du réseau de recenser les sources
" routinisées " déjà disponibles pour mener
une évaluation clinique ou sanitaire (RSS, PMSI, EPAS, etc
),
et doptimiser leur utilisation. Lévaluation externe
pourra alors sappuyer sur ces données routinisées pour accréditer
le réseau sur les résultats de santé, mais sans en faire lélément
central de lévaluation de lexpérience.
Pour
les auteurs lapport de lévaluation telle quils
la définissent sera double, en donnant une méthodologie pour aider
chaque réseau à sévaluer ex post et en facilitant la compréhension
du fonctionnement des réseaux afin de dégager des règles générales.
Le
cas pratique britannique ou linnovation comme base dévaluation
Les
auteurs ont retenu cinq dimensions dinnovation pour les
réseaux en santé :
- les pratiques
et lorganisation du travail
- la dynamique
partenariale dans la gestion du projet
Le
système de santé britannique a développé des réseaux dacheteurs
de soins. La réforme de 1991 a transformé les District Health Authorities
(DHA) en acheteurs de soins hospitaliers, et les médecins généralistes
en Fund Holders [Lire L'introduction du quasi marché dans le NHS,
4 décembre 1998 et Le
nouveau NHS, 1er avril 1999].
Entre
1995 et 1997 le NHS a proposé à des médecins volontaires de
participer à une expérimentation locale, le Total Purchasing. Le
groupe de médecins découpe, avec laccord de leur DHA, le panier
des services achetés. Il peut obtenir un droit de participation
aux négociations entre DHA et hôpitaux ou centre de soins communautaires,
sans être directement responsable du budget.
Ces
réseaux dachats ont été évalués sur des entretiens semi-directifs
avec les acteurs des groupes, auprès des patients et des analyses
secondaires de documents de routine.
Lévaluation
portait sur :
- leffectivité
du réseau : que sest-il réellement passé dans les pratiques
quotidiennes ?
- les coûts
non médicaux : quels coûts sont associés à létablissement
de relations contractuelles entre producteurs, et entre le réseau
et la DHA ?
- lefficience :
que sest-il passé en termes de nombre de contrats modifiés
entre le réseau et les producteurs de soins secondaires, en termes
de processus de prise en charge (durée de séjour, taux dhospitalisation)
- lincidence
sur la satisfaction des patients
Toutes
ces évaluations ont été synthétisées dans un indicateur univoque
et numérique afin de déterminer les facteurs favorisant ou nuisant
au succès dun groupe de TP.
Quatre
types de processus ont été identifiés :
- Les changements
induits dans les modes de rémunérations des hôpitaux et les centres
de soins communautaires ; cest-à-dire les nouveaux
modes de rémunérations à côté du traditionnel paiement à lacte
pour les réseaux de santé.
- Le développement
de procédures de revues entre pairs au sein du réseau, notamment
dententes préalables pour les adressages hospitaliers ;
dans quelle mesure les réseaux de santé ont su établir des instances
délaboration de consensus et de décision au cas par cas.
- Le développement
dune offre substitutive aux soins secondaires ou communautaires,
lacheteur devenant producteur direct ; quels sont les
services substitutifs développés par les réseaux et dont on peut
attendre une plus grande efficacité, voire une plus grande efficience.
- Le développement
dune capacité de négociation sur le marché des soins secondaires ;
les réseaux ont-ils tenté de mettre sur pied des procédures de
négociation avec les autres intervenants du système de soins (CPAM,
groupes dusagers, médecine sociale et scolaire, etc.)
Cette
méthodologie ouvre des pistes de réflexions intéressantes, même
si elle nest pas directement transposable à lexpérimentation
française.
Conclusion
Lorganisation
en réseaux peut jouer un rôle majeur dans lévolution du système
de santé, grâce à sa capacité à réunir des intervenants différents
autour dun langage commun, et à la conciliation dun
discours " gestionnaire " et des pratiques médicales.
Dans
cette perspective, selon les auteurs, lévaluation ne doit
pas être un jugement ex post mais accompagner le développement du
réseau.
7
mars 2000
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