Le
coût et lorganisation de la distribution pharmaceutique
Dominique
ETIENNE
8 novembre
1999
Suite et fin
(4/4)
Les conclusions
du rapport
Selon la Cour des Comptes,
les conséquences financières pour la première année de ces derniers
aménagements sont les suivants :
la
marge des grossistes-répartiteurs diminuera denviron 250 millions
de francs. La majoration de la marge sur les génériques pourra partiellement
la compenser sauf si les remises accordées par les grossistes-répartiteurs
sur ces derniers atteignent le taux de 10,4% nouvellement autorisé ;
pour les officines, le nouveau système de rémunération générera
une amélioration de leur marge de lordre de 100 à 200 millions
de francs pour la première année ;
laugmentation des prix des médicaments
et notamment des génériques concernés par la substitution impliquera
un supplément de charges pour lassurance maladie de lordre
de 400 millions de francs. Ce supplément pourrait être néanmoins
compensé si les génériques se développaient très rapidement (effet
volume).
La Cour des Comptes
insiste donc sur la nécessité de réfléchir aux moyens de diminuer
le coût global de la distribution et daccorder plus de place
à la négociation commerciale dans ce secteur. Elle recommande des
bilans réguliers du dispositif de 1999 afin de contrôler son évolution
du point de vue des dépenses de lassurance maladie.
De nouvelles voies pour la distribution de médicaments ?
Le coût de la distribution
et le nombre dintermédiaires incite à réfléchir à des raccourcis
du circuit et à une concentration des distributeurs. Il nest
pas encore certain que les nouvelles formes de distribution, séduisantes,
permettent une réduction à court terme du coût global du secteur.
Néanmoins, le système français de distribution pharmaceutique français
pourrait évoluer vers une organisation plus efficiente tout en gardant
ses avantages pour le consommateur final : de bonnes conditions
daccessibilité et une grande garantie de sécurité des produits.
Le commerce électronique : un " intermédiaire "
différent ?
En France et en Europe
de manière générale, la vente de médicaments sur Internet est pour
linstant interdite. Certains laboratoires réfléchissent néanmoins
à lintérêt du commerce électronique. Selon des responsables
des technologies de linformation de BASF,
le commerce en ligne géré directement par les laboratoires leur
permettrait non seulement daccroître leurs ventes mais aussi
de proposer leurs produits 30% moins cher. Un système informatique
pourrait centraliser toutes les ordonnances prescrites par les médecins.
Même si en Allemagne
(comme en France), les médicaments ne peuvent être expédiés par
voie postale aux particuliers, certains laboratoires allemands pensent
ainsi que la réflexion actuelle sur les dépenses de santé pourrait
ouvrir des voies de ce type. Dores et déjà, les laboratoires
réalisent 90% de leurs transactions électroniquement grâce à un
système de commande et de distribution appelé Phoenix. Bayer
et BASF ont tous deux développé des prototypes de commerce virtuel
qui pourraient très rapidement être applicables à un système de
commande interactif adapté à chaque maillon de la chaîne de distribution,
dont le consommateur final. Cet exemple montre que les systèmes
informatiques déjà existants pour gérer la logistique des commandes
et des transactions (lactivité de back-office)
sont utilisables pour gérer les relations avec le consommateur final
dès lors quils souvrent sur le Web.
Les exemples de pharmacies
en ligne, indépendantes des fabricants, sont essentiellement américains.
CVS, la plus grosse chaîne de pharmacies américaine, vend désormais
on line des produits même sur ordonnance.
Des coûts encore importants
Même si la "vente
par correspondance" via le Web supprime les distances, une
telle évolution nimplique la disparition sites physiques de
vente. Dune part, une collaboration étroite entre le terrain
et les services de vente en ligne est nécessaire à ces derniers
pour développer leur stratégie. Dautre part, le consommateur
de "santé" a encore besoin du pharmacien qui conserve
son rôle de conseil, dorientation de lachat. Le métier
de pharmacien donne aussi un label de qualité aux achats de produits
cosmétiques, dermatologiques et nutritionnels que le consommateur
peut effectuer dans son officine. Dun point de vue plus médical,
lofficine de proximité reste enfin essentielle au regard de
lincitation, dans tous les pays, au maintien à domicile des
patients et de lhospitalisation à domicile.
Si la vente est effectuée
en direct par les laboratoires, le circuit des intermédiaires est
remplacé par une logistique gérée par les services commerciaux des
laboratoires. Ceci implique lapprentissage dun nouveau
métier pour le fabricant, dont le coût et lorganisation ne
sont pas des moindres : remplacer le maillage grossistes
officines par la vente directe nest pas simple. De plus, les
investissements nécessaires aux services de vente en ligne et en
particulier aux pharmacies électroniques montrent la nécessite dune
concentration capitalistique importante : ce type de service
(voir notre article
sur Drugstore.com) est de plus en plus couplé à des informations
médicales destinées au grand public et les pharmacies électroniques
américaines fusionnent actuellement avec dautres sites médicaux.
Quels aménagements pour la distribution pharmaceutique
française ?
Le système de distribution
français a ses avantages. Il assure par exemple une sécurité extrêmement
fiable, qui a bien sûr son coût : la traçabilité exceptionnelle
des médicaments en France permet de stopper très rapidement la vente
de médicaments ou de lots de médicaments mis en cause par les autorités
sanitaires. Ce nest pas le cas aux Etats-Unis, où les gélules
sont livrées "en vrac" aux pharmacies et vendues à lunité
aux consommateurs.
Néanmoins, le coût
lié à la répartition actuelle des officines sur le territoire pourrait
être diminué. Les nouvelles règles sur le regroupement vont dans
ce sens. Il reste cependant très encadré, répondant à une logique
daccessibilité fondée sur des données démographiques et daménagement
du territoire.
La mise en commun des
moyens entre officines peut répondre aussi à une réduction des coûts.
Sans parler encore de chaînes de pharmacies à la française, les
groupements dofficines, dont la gestion serait "centralisée"
constituent a priori une réponse plus efficace. Toutefois, leurs
moyens resteront limités dans la mesure où aucun apport capitalistique
autre que celui des pharmaciens eux-mêmes nest accepté en
France. Un nouvel aménagement des conditions dinvestissement
pour les officines est nécessaire, dautant plus que la concentration
des moyens et la délégation de certaines fonctions nécessite au
système dinformation propre aux pharmaciens. Cette information
est essentielle au suivi interne de leur activité et pourra aussi
fournir des indicateurs utiles pour modifier le paysage géographique des
officines : largument est de remplacer la logique dune
densité en fonction du nombre dhabitants par une logique fondée
les besoins, notamment sur lactivité réelle, en terme de ventes
et de ventes de médicaments sur prescription en particulier. Ceci
implique une volonté de changement de la part des officines sans
négliger celle, indispensable, des pouvoirs publics.
Réagissez
à cet article
Retrouvez tous
les dossiers en Economie de la Santé.
|