Informations
médicales destinées au grand public :
un diagnostic préoccupant
Gaëlle
LAYANI
18 mai
1998
Une
équipe de chercheurs italiens sest penchée dans une étude
publiée en juin 1997 dans le British
Medical Journal sur la fiabilité des informations médicales
destinées au grand public sur le World Wide Web.
Les
auteurs ont, par le biais des moteurs de recherche Yahoo
et Excite,
répertorié 41 sites Web traitant de la prise en charge de létat
fiévreux chez lenfant.
Sur ces 41 sites, 32 étaient développés par des entreprises, les
9 autres se répartissant entre praticiens, cliniques, établissements
universitaires et autres institutions à vocation éducative.
La plupart des sites étaient anglophones ou proposaient une version
en anglais.
Les résultats de létude
sont éloquents à plus dun titre. On ne constate pas de réel
consensus sur la meilleure façon de prendre la température dun
enfant et sur le seuil au-delà duquel on diagnostique un état fiévreux.
Le paracétamol est la substance antipyrétique la plus souvent recommandée.
Si ce médicament a fait la preuve de son efficacité et de sa tolérance,
il semblerait que cette dernière soit abaissée lorsquil est
administré en doses thérapeutiques fréquentes. Or, seul un quart
des sites ont fourni des conseils sur la posologie et la fréquence
dadministration. Certains sites conseillaient également dadministrer
de liboprufène bien que les données relatives à la tolérance
de ce produit chez lenfant soient limitées. Deux sites recommandaient
laspirine, dont ladministration chez lenfant est
fortement déconseillée. Enfin, un site préconisait ladministration
de dipyrone, substance retirée du marché dans de nombreux pays en
raison des risques dagranulocytose engendrés par ce produit.
Certains sites préconisaient
également déponger lenfant. Deux dentre eux proposaient
dutiliser de leau froide voire de lalcool. Or,
ces méthodes sont dangereuses et peuvent, dans le cas de lalcool,
provoquer une hypoglycémie et un coma.
La disparité des informations,
tant sur le plan de leur qualité que de leur pertinence, amène donc
à sinterroger sur le bien-fondé de la libre diffusion dinformations
médicales destinées au grand public.
Tout un chacun peut
publier des sites sur le World Wide Web sans contrôle des informations
proposées. Les données pouvant être mises à jour régulièrement et
à tout moment, ce média bénéficie par rapport au support papier
dun a priori favorable aux yeux des internautes. Le
cur du problème réside dans la faculté du public à discerner
le bon grain de livraie. Comment " pêcher "
linformation pertinente, souvent noyée dans la masse des données
sans intérêt sinon erronées ?
Sur le Web, les internautes
peuvent accepter ou non de sauto-discipliner et de se conformer
à la Nétiquette. Il en est tout autrement sur le Réseau Santé Social
(RSS)
développé par Cegetel.
Ce dernier est, en effet, gouverné par une logique réglementaire.
Il ne sadresse quaux professionnels de santé qui sont
tenus de respecter certaines règles déontologiques. Les problèmes
de désinformation sont donc beaucoup moins importants.
Toutefois, on peut
espérer que le Web finira par sauto-réguler. A linstar
des fourmis qui signalent à leur congénères les bonnes sources de
nourriture grâce aux traces de phéromones laissées sur leur passage
(plus les fourmis sont nombreuses à avoir emprunté le chemin, plus
il est attractif), les internautes pourraient s'indiquer les bons
sites, éventuellement marqués d'un label.
Dans un éditorial paru
dans The Journal of the American Medical Association en avril
1997, William M. Silberg propose quelques pistes de réflexion, plus
précisément des critères permettant de porter un regard critique
sur le contenu des sites. En premier lieu, les noms des auteurs
et leurs références doivent être mentionnés ainsi que les sources
des documents et les habituelles mentions légales. Ensuite, le site
doit clairement indiquer le nom de ses sponsors, les soutiens et
arrangement financiers ou commerciaux dont il bénéficie et les éventuels
conflits dintérêt. Enfin, la date de publication du document
doit être disponible.
Le site Health on the
Net Foundation propose quant à lui un code
de conduite en huit points auquel doivent se conformer les documents
publiés sur les sites médicaux pour pouvoir bénéficier dun
" label de qualité " :
- les avis médicaux ne sont délivrés
que par des médecins ou des professionnels de santé. Lorsque que
ce nest pas le cas, linternaute en est informé ;
- linformation fournie ne peut
en aucun cas se substituer à une consultation médicale ;
- la confidentialité des données et
lanonymat sont respectés ;
- les sources et références des documents
sont clairement indiquées ;
- toute assertion concernant les bénéfices
engendrés par un produit ou un dispositif médical doit être étayée ;
- les concepteurs du site sengagent
à proposer linformation de la manière la plus claire qui
soit et à publier les adresses nécessaires à de plus amples informations.
De même, ladresse de ladministrateur du site doit
être continuellement affichée ;
- tout sponsor et toute organisation
commerciale ou non ayant participé au financement ou au contenu
du site doit être clairement identifié ;
- toute source de financement dorigine
publicitaire est signalée. Les publicités doivent être présentées
de façon à ce que linternaute puisse les distinguer du contenu
principal.
Plusieurs sites ont
souscrit à ce code de conduite et affichent un logo attestant de
leur respect des règles édictées.
Bien que létude
citée précédemment ait été menée fin 1996, ses conclusions restent
dactualité compte tenu de lexpansion dInternet.
Il semble urgent que la qualité des informations médicales en ligne
fasse lobjet dun contrôle plus systématique sous peine
que le pire ne côtoie trop souvent le meilleur.
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18
mai 1998
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