Inetsanté
organisait un colloque sur le sujet "Internet, pathologies
chroniques et professionnels de santé" le 22 octobre dans un
amphithéâtre INSERM de l’Hôpital Broussais. Le ciblage des maladies
chroniques est pertinent : le nombre de patients augmente,
les professionnels concernés par un cas ne sont pas tous
au même endroit, le patient est déjà souvent un patient "expert"…
Sous l'impulsion de Denise Silber (Basil Strategie), administratrice
Inetsanté, ce colloque s’inscrit dans un nouveau discours
qui consiste à analyser concrètement l’Internet médical. La période
des exposés présentant les potentialités d’Internet ou décrivant
des systèmes d’information qui n’existent que sur le papier est
définitivement révolue. La question des usages réels des professionnels
est enfin abordée. Sur ce point, le colloque d’Inetsanté a tenu
certaines de ses promesses, mais il est difficile de fournir une
vison exhaustive de l’utilisation de l’Internet médical. De par
leurs enseignements et les interrogations qu’elles soulevaient,
les interventions du colloque posaient de façon lancinante la question
de l’intervention des pouvoirs publics. Certes, celle-ci doit être
ciblée, l’Etat n’a pas les moyens de gérer des réalités nombreuses
et complexes, mais certaines décisions relèvent de son unique ressort
(voir le décret attendu sur les hébergeurs de données personnelles de santé),
et la somme des expériences commence à dessiner un tableau auquel
les décideurs doivent s’intéresser pour accompagner intelligemment
l’utilisation de l’Internet médical. Le programme du colloque figure
sur le site d’Inetsanté, nous
revenons sur quelques interventions.
Pathologies
chroniques, prévention et éducation du patient
Maurice
Biniasz (Toulouse), médecin généraliste, a très bien expliqué comment,
dans les pathologies cardio-vasculaires, une fois le diagnostic
posé et la prise en charge définie par le médecin spécialiste, il
revenait au médecin traitant d’informer le patient et de modifier
son comportement. Internet offre une aide précieuse à ce niveau :
le médecin conseille des sites, imprime des documents, et il lui
arrive d’utiliser avec des patients récalcitrants des outils en
ligne qui montrent la variation du risque cardiovasculaire en fonction
de la modification du comportement (alimentation, tabac). "La
relation médecin patient se trouve ainsi modifiée car le médecin
et le patient ont le regard fixé sur l’écran et le patient ne subit
pas le raisonnement médical mais il y participe avec le médecin.
Cette méthode très visuelle permet, en lieu et place d’un discours
alarmiste et un peu vague d’évaluer visuellement le gain potentiel
d’un changement de comportement" souligne Maurice Biniasz.
De telles séances prennent du temps, elles ne peuvent concerner
que quelques patients prioritaires.
La
question de la relation patient-médecin a aussi été abordée par
Pierre-Yves Benhamou (Grenoble), endocrinologue et diabétologue.
Pour lui la plus grande transformation de l’exercice médical médical
à venir portera sur les échanges patient-médecin via Internet. Des
recommandations sur la relation électronique entre le médecin et
ses propres patients ont déjà été proposées dans ce sens aux Etats-Unis
par l’American Medical Informatics
Association. Par ailleurs, le diabétologue devra indiquer à
son patient les ressources qu’il juge utiles pour compléter son
éducation.
Internet
et la formation médicale continue
Pour
le Dr Eric Drahi, praticien (Loiret) et responsable de l’UNAFORMEC,
les programmes de formation des associations de FMC intègrent depuis
quelques années, à côté du domaine biomédical, des thèmes comme
la place du patient dans les stratégies de soins et l’informatique
au cabinet. Concernant la place du patient, les formations doivent
prendre en compte le fait que les malades chroniques cherchent de
l’information et discutent entre eux via Internet : le médecin
doit s’orienter vers un rôle de conseiller technique au service
de la demande de son patient. Le développement d’Internet incite
le médecin à demander à son patient ce qu’il sait de sa maladie,
ce qui représente un point de départ efficace de la consultation.
Par ailleurs, le médecin doit pouvoir se livrer à une analyse critique
de l’information.
De
façon plus concrète, le Dr Drahi estime que seulement 25 %
des médecins généralistes cherchent actuellement de l’information
médicale sur Internet. La lenteur des connexions continue à représenter
un obstacle majeur qui rend impossible, par exemple, l’utilisation
pendant la consultation. Par ailleurs, la nature de la consultation
suit une équation du type "1 séance =1 problème = 1 réponse",
où le médecin diffère la résolution de problèmes non urgents à des
séances ultérieures, sans forcément prendre le temps de chercher
de l’information entre les séances. Ce mode de fonctionnement constitue
une limite à la recherche d’information médicale.