QUEL
AVENIR POUR
L'INTERNET GRATUIT ?
Claude
MALHURET
1er
juillet 1999
Les Anglais ont inventé
un nouveau " business model " : labonnement
gratuit à Internet. En quelques mois la formule a séduit
des millions de nouveaux utilisateurs. Quelques pionniers tentent
depuis six mois de lacclimater en France. Or, les incertitudes
liées à la libéralisation du marché des télécoms hypothèquent leur
démarche.
Le rapport
sur la situation de lInternet en France, que Jean-François
Abramatic - Président du World
Wide Web Consortium - vient de remettre au Premier Ministre,
est préoccupant : non seulement la France ne comble pas son
retard mais elle le creuse. Pour 3 à 4 millions dinternautes
français, on compte 10 millions dAllemands et 12 millions
de Britanniques connectés.
Ce retard risque de
peser sur l'activité économique. Les nouvelles technologies représentent
désormais plus de la moitié de la croissance américaine ; elles
seront le moteur de léconomie au début du XXIème siècle.
Nos principaux responsables
politiques semblent conscients de lurgence, si lon se
réfère à lintervention de Lionel Jospin lan dernier
à luniversité dété dHourtin, ou aux nombreuses
déclarations du Ministre de lEconomie et des Finances, Dominique
Strauss-Kahn.
Malheureusement, la
récente décision de lART
(Autorité de Régulation des Télécommunications) contredit
cet effort en remettant en question le modèle de l'Internet gratuit.
Deux millions dabonnés en six mois
De
quoi sagit-il ? Lune des raisons de lavance
des Etats-Unis tient au fait que les Américains ne payent pas leurs
communications à la durée mais au forfait. Ils peuvent ainsi utiliser
lInternet 24 heures sur 24 sans se préoccuper du coût de revient.
Plusieurs
entreprises britanniques ont cherché à se rapprocher de ce modèle,
en proposant des abonnements gratuits à lInternet. Dans ce
modèle, labonné continue de payer ses communications téléphoniques,
mais il ne paie pas d'abonnement à son fournisseur d'accès. Ce dernier
se rémunère grâce à la publicité et aux reversements accordés
par les opérateurs télécoms sur chaque minute de communication.
Le
succès de ces offres, introduites il y a moins dun
an, a été foudroyant. En quelques mois, World
Online, le premier provider à proposer cette solution,
a recueilli près de deux millions dabonnés, en partie au détriment
de ses concurrents payants mais aussi en attirant de nouveaux internautes.
Les offres dabonnement gratuit expliquent pour une large part
la croissance accélérée de lInternet britannique en 1998.
Depuis
deux mois, des offres similaires sont apparues en France, laissant
espérer une démocratisation rapide du réseau.
Le principal obstacle
au développement de l'Internet gratuit réside aujourd'hui dans l'incomplète
libéralisation du marché des télécoms, pourtant initiée depuis longtemps
sous la pression des autorités européennes. Dans les autres pays
européens, les consommateurs ont bénéficié de baisses de tarif substantielles,
provoquées par l'arrivée de nouveaux acteurs et par une réaction
rapide de l'opérateur historique, mis en situation de concurrence.
Une telle dynamique tarde à se développer en France, où France Telecom
conserve un monopole sur la " boucle locale "
(la connexion chez l'usager).
Or, pour que les fournisseurs
daccès puissent développer des offres de connexion
gratuites, il faut que lopérateur leur reverse une partie
des revenus générés par les communications téléphoniques. Ce type
d'accord se justifie par laugmentation du trafic sur la boucle
locale, liée à l'activité des internautes.
Suite
et fin (2/2)
1er juillet
1999
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