Les
fédéraux nettoient le marché des e-pharmacies
David
BEME
6 mars
2000
Suite et fin (2/2)
Des
pouvoirs fragmentés inadaptés à la "transversalité"
du web
Le commerce de produits
pharmaceutiques relève aux Etats-Unis de plusieurs institutions.
La plupart des agences détat et des agences fédérales compétentes
ont des juridictions limitées impuissantes face au réseau mondial.
Les
State medical boards (Comités médicaux des états) ont en charge
les pratiques médicales, les state pharmacy boards (Comités pharmaceutiques
des états) supervisent les pratiques pharmaceutiques. La Federal
Trade Commission (Commission Fédérale du Commerce) sassure
que les revendeurs ont demandé les autorisations légales pour leurs
produits. De nombreuses autres agences comme U.S. Customs Services
(Services des douanes aux Etats-Unis) et U.S.Portal Service (Services
postaux des Etats-Unis) sassurent du respect de la loi concernant
le transport de produits pharmaceutiques.
La Food
and Drug Administration réglemente la sécurité, la mise sur
le marché et la fabrication des médicaments, ainsi quune partie
du processus de prescription. En juillet dernier, la FDA signait
des accords avec le National
Association of Boards of Pharmacy (Association nationale des
comités pharmaceutiques) et la Federation of State Medical Boards
(Fédération des Comités médicaux des Etats). Ces rapprochements
devraient permettre duniformiser au niveau national des réglementations
aujourdhui propres à chacun des états.
En juillet 1999, la
FTC annonçait le programme " Operation Cure All ",
visant à stopper le développement de sites vantant des produits
médicaux douteux. Après deux ans denquête, le programme identifia
800 sites et de nombreux groupes de discussions faisant la promotion
de produits miracles : du médicament à base de plante péruvienne
à lamulette magnétique. A ce sujet, Jodie Bernstein ,
directrice du Bureau de Protection du Consommateur au FTC déclarait
" Miracle cures, once thought to be laughed out of
existence, have found a new medium. Consumers now spend millions
on unproven, deceptively marketed products on the Web ".
Plusieurs états ont
réagi à ces pratiques en engageant des actions judiciaires contre
des pharmacies en ligne. Lannée passée, le Kansas interdit
plusieurs de ces établissements. [lire notre brève sur " Premières
sanctions financières contre une pharmacie électronique pour non-respect
des règles de délivrance "]
Fin
1999, le National Association of Board of Pharmacy lance le
label Verified Internet Pharmacy Practice Sites (VIPPS). Ce
label certifie que ces sites appliquent exactement les mêmes règles
déontologiques de délivrance que les pharmacies traditionnelles.
" VIPPS will be of tremendous benefit to consumers
who need to be certain that the prescription medications they receive
are from legitimate online pharmacies " déclare Kevin
Kinkade, Président du comité exécutif du NABP. Les pharmacies en
ligne certifiées sengagent, entre autres, à permettre à une
équipe du NABP dinspecter leurs pratiques.
Certains sites, comme
Drugstore.com,
Merck-Medco
Rx Services et PlanetRx
sont déjà "labellisés".
En juin 1999, American
Medical Association (Association médicale américaine) édite
à loccasion de son congrès annuel un guide
bonnes pratiques à lintention des " cyber-médecins ".
Ce " minimum standard " prévoit la nécessité
dun examen médical afin de déterminer un diagnostic et sassurer
de lexistence dun problème médical.
La FDA en première ligne
Le 28 décembre 1999,
l'administration Clinton propose un projet de loi qui confie à la
FDA la mission de sassurer des statuts des e-pharmacies. [Pour
plus de détail lire le
communiqué de la FDA] Cette initiative qui sera incluse dans
le budget américain de cette année, prévoit :
- la possibilité pour le consommateur
didentifier les sites légaux. Les e-pharmacies devront faire
la preuve de leur respect des lois fédérales et propres aux états
avant de recevoir lautorisation dopérer,
- des amendes pouvant atteindre 500
000 dollars à lencontre des sites qui délivrent des médicaments
sans une ordonnace valide,
- lextension des pouvoirs de
la FDA afin de lui permettre deffectuer des enquêtes plus
efficacement et plus rapidement. Elle se verrait ainsi remettre
lautorité de citation (comparution) dans le cas dune
enquête sur des sites potentiellement illégaux.
Cette proposition prévoit
dinvestir 10 millions de dollars pour identifier et punir
les sites illégaux et le lancement dune campagne dinformation
sur les dangers dacheter des médicaments en ligne dont le
premier volet est le lancement dun site
thématique. La rubrique "Tips
and Warnings" prodigue ainsi plusieurs conseils au consommateur,
parmi lesquels:
- s'assurer que la pharmacie est homologuée
auprès de la National Association of Boards of Pharmacy (NABP),
- éviter les sites qui proposent des
médicaments non approuvés par la FDA, prescrivent des médicaments
sous ordonnance sans examen physique préalable, ou les vendent
sans exiger d'ordonnance,
- se méfier des sites qui ne permettent
pas de s'adresser directement à un pharmacien,
- se méfier des sites où l'interlocuteur
n'est pas clairement identifié et où ne figurent ni adresse ni
numéro de téléphone aux Etats-Unis,
- ne rien acheter sur des sites étrangers,
car il est généralement illégal d'importer les médicaments commandés
sur ces sites et il existe peu de recours en cas de malversation,
- être particulièrement prudent concernant
les sites qui offre un " nouveau traitement "
ou une remise en forme grâce à une variété daliments,
Au-delà de ce volet
préventif, la FDA permet aux internautes de dénoncer en ligne les
sites qui ont des pratiques illicites [cf.Reporting
Unlawful Sales of Medical Products on the Internet].
Selon la gravité de
l'infraction constatée, la FDA invite les témoins à :
- remplir un simple formulaire en
précisant l'adresse Internet et physique de la pharmacie, le nom
du propriétaire, les problèmes rencontrés, etc. lorsque les produits
vendus illégalement ne présentent aucun risque mortel ou majeur.
La FDA s'engage à examiner les plaintes qui lui sont envoyées
et à entreprendre les actions nécessaires. L'internaute peut également
faire suivre tout e-mail vantant illégalement ce type de produits
à l'adresse suivante : webcomplaints@ora.fda.gov,
- remplir un formulaire MedWatch
et à prendre l'avis d'un médecin, lorsque ces produits sont réglementés
par la FDA. Ce formulaire officiel sert à consigner tout effet
indésirable lié à la prise d'un médicament ou de produits diététiques
et à l'utilisation d'un dispositif médical ou de cosmétiques,
- immédiatement appeler un numéro
de téléphone affiché sur le site, lorsque les produits réglementés
par la FDA présentent des risques mortels.
La FDA gendarme du monde des e-pharmacies ?
Dans un communiqué
de presse daté du 2 février 2000 , la FDA hausse le ton et annonce
quelle a envoyé des notifications électroniques à une douzaine
de sites internet basés à létranger et spécialisés dans la
vente de médicaments de prescriptions. La
liste des sociétés concernées est disponible sur son site officiel.
Cest la première
fois que la FDA utilise Internet pour atteindre les contrevenants
aux lois américaines gouvernant la vente de ces produits (Federal
Food, Drug, and Cosmetic Act).
Des copies physiques
de ces lettres davertissement ont été envoyées aux dirigeants
des sites concernés, mais également au service des douanes américaines
et à lautorité de réglementation du médicament du pays dorigine
du site.
Ces courriers souvent
cinglants (tous disponibles au format pdf sur le
site de la FDA) appellent à une réponse formelle des infractions
constatées. Parmi les sites mis en garde, on trouve par exemple
le site italien Anagen.
Dans ce même communiqué,
la FDA indique avoir déjà reçu une réponse certifiant larrêt
des pratiques illégales.
Cette procédure marque
une nouvelle étape dans la volonté de la FDA de réglementer la vente
de médicaments de prescriptions en ligne. Pour la première fois,
elle sort de son cadre daction national et rappelle à lordre
des sites dont le siège ne se trouve pas aux Etats-Unis.
Comment vont réagir
les Agences européennes par rapport à cette politique de la FDA,
qui sort ainsi de sa compétence territoriale. La FDA est-elle en
train d'organiser une forme de régulation internationale du commerce
électronique du médicament ? Et si tel est le cas, les régulateurs
européens reprendront-ils ces dispositifs définis et éprouvés par
la FDA ou appelleront-ils à une concertation internationale sur
ce sujet, puisque aucun texte à ce jour ne réglemente explicitement
la vente de médicaments en ligne au niveau européen.
Réagissez
à cet
article.
Retrouvez également
tous les autres articles
et interviews sur les médicaments.
6
mars 2000
|