Alain
Breckler
Fondateur et
responsable de ParaFormePlus
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LOrdre craint que les pharmaciens sur Internet
vendent tout et n'importe quoi, sans aucune éthique.
Nous devons rédiger une charte de la distribution,
pourquoi pas à l'initiative de l'Ordre, plutôt que
d'attendre que cela nous soit imposé, et mal imposé.
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Christine
Bouchet
14 mars
2000
Suite et fin (2/2)
Vous avez depuis quelques jours totalement cessé d'assurer les commandes
en ligne à la suite de l'affaire qui vous a opposé à la société
Pierre Fabre. Est-ce définitif, avez-vous l'intention de poursuivre
avec d'autres types de produits, ou préférez-vous attendre des évolutions
de la législation française ?
Ce n'est pas tout à
fait à la suite de l'affaire Pierre Fabre. A la suite de cette affaire,
j'ai été condamné à retirer les produits Pierre Fabre de la vente
et même leur simple mention. Je n'ai plus le droit de citer directement
ou indirectement un produit Pierre Fabre sur le site. En accord
avec le Conseil de lOrdre des Pharmaciens, j'ai pris la décision
le 31 janvier d'interrompre la vente de tous les produits du catalogue.
Dans l'attente de textes spécifiques, lOrdre demande la fermeture
des sites commerciaux de pharmacie, voire les sites " vitrine "
dont le discours peut être interprété comme " commercial ".
En revanche, je ne pense pas qu'il puisse s'opposer aux sites totalement
informatifs. Ce serait en contradiction totale avec le droit d'informer.
Afin de ne pas être en opposition avec l'Ordre et en attendant que
la législation évolue, j'ai arrêté la vente.
Je ne vais d'ailleurs
pas me contenter d'attendre que la législation évolue. Je vais essayer
de la faire évoluer. Dans 15 jours, je participe au Congrès
de la Mutualité Française. Dans un mois, je serai à un congrès sur
Internet et l'industrie pharmaceutique, et à Pharmagora également
pour discuter d'Internet et de la pharmacie sur Internet.
A ma connaissance,
lOrdre est en cours délaboration dun site institutionnel
dont la première obligation imposée par le cahier des charges serait
que le site ne soit pas interactif par crainte de recevoir trop
de courrier ne présentant pas un intérêt professionnel. C'est un
non-sens total, car Internet est avant tout interactif.
Je travaille en ce
moment à la mise en ligne sur le site institutionnel de ma pharmacie,
cyberpharmacie.com,
du Code de la Santé publique section pharmacie, introuvable sur
le Net dans son intégralité.
Comment voyez-vous l'avenir des pharmaciens d'officine dans le contexte
actuel ?
C'est difficile. L'avenir
immédiat ne changera sûrement pas beaucoup. Dans un premier temps,
les petites officines qui n'ont pas su ou pas pu évoluer disparaîtront.
Ce n'est pas toujours la faute du pharmacien. Sa clientèle peut
l'abandonner. Ce sont des situations très tristes, car des pharmacies
vont disparaître. Beaucoup de pharmacies ont tendance à se regrouper.
Les groupements peuvent être un moyen de continuer à exercer. Nous
n'en sommes pas encore aux chaînes à l'américaine, mais les groupements
pourraient créer ces chaînes. Ils vaudrait mieux que les pharmaciens
se regroupent entre eux plutôt que d'être regroupés de force par
les grossistes, les banques ou les assureurs. Je préfère les groupements
de pharmaciens qui créent des sociétés débouchant sur des chaînes.
A partir de là, pourquoi ne pas créer des serveurs Internet fonctionnant
avec ces groupements. Drugstore.com
a des accords avec des chaînes de pharmacies. Les responsables de
la Mutualité, des assurances ou de l'industrie affirment que la
distribution du médicament coûte trop cher et que le pharmacien
n'apporte pas suffisamment de valeur ajoutée. C'est vrai dans beaucoup
de cas, parce qu'il ne travaille pas assez son rapport à la clientèle,
sa fonction de conseil en raison de situations économiques difficiles
où le volume est plus important que la qualité du service. On peut
perfectionner beaucoup plus le conseil si l'on se dégage de ces
contraintes économiques qui nous sont imposées par la politique
de maîtrise des dépenses de santé et de la pression autour de la
distribution du médicament qui coûte cher. On ne peut pas nous demander
dêtre à la fois des entreprises commerciales appliquant les
règles du marché et dans le même temps être un service public nobéissant
quaux nécessités déconomies en matière de santé.
Pour les pathologies
aiguës, le pharmacien est indispensable en raison de sa proximité
et de l'urgence. En revanche, pour les maladies chroniques, il ne
l'est matériellement pas totalement, car c'est répétitif et prévisible.
Mais le grossiste non plus n'est pas totalement indispensable. Les
médicaments passent du fabricant, au grossiste, puis au pharmacien
puis au patient. Certains disent : "c'est trop cher",
il y a une étape de trop et lon voudrait que l'étape de trop
soit celle du pharmacien. Or, pour les maladies chroniques, c'est
le grossiste qui peut être l'étape de trop, car il est possible
de prévoir à l'avance les dispensations. En tout cas, je crois qu'on
ne pourra pas occulter Internet. Je ne sais pas dans quelle mesure
il peut apporter des économies. Plutôt que de laisser des parts
de marché aux autres, Américains ou Européens, il faut s'y mettre.
Il est anormal que des consommateurs français achètent des produits
français vendus par des Américains.
Le commerce électronique connaît actuellement une croissance sans
précédent. Les acteurs du marché sont prêts à investir beaucoup
pour s'implanter. Avez-vous envisagé de lever des fonds pour créer
une grosse structure de vente en ligne, ou préférez-vous vous consacrer
d'avantage à la vente en officine ?
Dans les moments de
colère, j'ai pensé laisser tomber l'officine. En réalité, je ne
veux pas abandonner l'officine; mais éventuellement lever des capitaux.
Je conçois tout cela
dans le cadre de l'exercice pharmaceutique. La parapharmacie est
notre métier aussi. Elle fait partie intégrante de notre profession.
Je voudrais qu'on puisse exercer librement cette activité. Les contraintes
sont déjà tellement nombreuses. On peut l'exercer via Internet.
Il y a des contraintes budgétaires là aussi. Il faut investir si
l'on veut se développer. Jai été contacté par des sociétés
qui sont prêtes à fournir des capitaux pour financer mes projets
parce quelles y croient mais pour le moment je cherche comment
concilier le développement de la cyberpharmacieâ avec lexercice
officinal traditionnel.
Les pharmacies électroniques ont fait leur apparition en Europe
avec Pharmacy2U. Pensez-vous que le contexte législatif puisse évoluer
en France pour que des médicaments de prescription soient un jour
vendus en ligne ?
Si la situation évolue
un jour, ce sera en partie grâce à moi. Je serai sûrement le premier.
Je suis prêt. J'y travaille depuis deux ans. Je peux démarrer très
vite, mais j'attends que le moment soit favorable. Je ne veux pas
que cela se fasse dans la douleur. Je ne comprend pas pourquoi l'Ordre
estime que l'on est un bon pharmacien quand on vend des médicaments
derrière son comptoir à son officine et que l'on deviendrait un
filou sous prétexte qu'on le fait sur Internet. Les responsables
de lOrdre craignent que les pharmaciens sur Internet vendent
tout et n'importe quoi, sans aucune éthique. Nous devons rédiger
une charte de la distribution, pourquoi pas à l'initiative de l'Ordre,
plutôt que d'attendre que cela nous soit imposé, et mal imposé.
Quand on visite les grandes pharmacies électroniques américaines,
on ne peut pas se procurer de Viagra ou de Xenical ni aucun autre
médicament de prescription sans ordonnance.
Quels sont vos sites préférés ?
C'est difficile, car
je n'utilise pas Internet à des fins ludiques, mais surtout à des
fins professionnelles. Je visite souvent drugstore.com,
les pharmacies électroniques, les sites de parapharmacie, des bibliothèques
américaines, Celtipharm
(partenaire de l'officine), des musées tels que le Louvre, le Metropolitan
A la maison, nous sommes
connectés par le câble. Ma femme créé des sites Internet, elle est
donc en permanence sur le Net, mes enfants ont des correspondants
dans le monde entier. J'utilise surtout Internet pour relever mon
courrier, répondre à mes mails et prendre les commandes.
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14
mars 2000
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