Le
coût et lorganisation de la distribution pharmaceutique
Dominique
ETIENNE
8 novembre
1999
Suite
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Les pharmacies d'officine
Cette
activité commerciale a été réglementée dans les moindres détails
pour répondre aux objectifs de santé publique. Si elle satisfait
ces derniers, son coût global pour la collectivité incite à réfléchir
aux moyens dobtenir un même service pour un coût moindre.
Le paysage des officines françaises
Les
tutelles nont pas mis en place dinstrument statistique
de suivi de lévolution du secteur. Néanmoins, lindustrie
pharmaceutique a la maîtrise duvre du système dinformation
GERS qui lui permet de suivre ses ventes en officine, et a également
accès aux données et statistiques relatives à CYCLAMED. Le réseau
dinformation Santé pharma également fournit des statistiques
dactivité et de vente du secteur officinal à lindustrie
pharmaceutique. (pour en savoir plus consulter
laccord de juillet 99 entre le SNIP et le comité économique
du médicament).
En
1998, le chiffre daffaires des officines (142 milliards de
francs) se décomposait comme suit :
La
Fédération des centres de gestion agréés a mené une enquête auprès
de 10000 officines : selon celle-ci (bien quil semble
que les petites officines aient été sur-représentées dans le panel),
le chiffre daffaires moyen dune officine sélevait
en 1997 à 5,7 millions de francs, pour une marge brute de 1,8 millions
de francs et un excédent dexploitation brut de 742 000
de francs. La progression du chiffre daffaires moyen en 1998
était de lordre de 5% par rapport à 1997.
Les
médicaments remboursables
Jusquen
1990, la marge sur la vente des médicaments remboursables, fixée
par arrêté, était proportionnelle à leur prix de vente : la rémunération
de lofficine progressait grâce à un effet structure, combinaison
du développement des ventes et de laugmentation des prix,
indépendamment des coûts de distribution. Pour corriger cette situation,
le taux de marge a été réduit en 1983 puis en 1988 (de 33,44% à
30,44%).
En
1990, une marge dégressive lissée a été instaurée : en résumé,
la marge en valeur relative est majorée pour les produits les moins
chers et minorée pour les plus coûteux. Ceci devait à la fois permettre
une rémunération plus conforme aux coûts de distribution pour les
officines et un rééquilibrage dans le partage du prix entre lindustrie
et les officines. Si le taux de marge global des officines a diminué
en valeur relative de 1991 à 1998, le montant de la marge a continué
à progresser, passant de 23,5 milliards de francs en 1991 à
28,2 milliards en 1998.
*
Taux de marge global obtenu avec le système
de marge dégressive lissée
Le coût global pour
la collectivité
Selon
le SNIP, la marge
moyenne des officines françaises peut être comparée à la moyenne
des autres pays européens (26%), pour un minimum de 20-21% au Portugal
et aux Pays-Bas et un maximum de 30-31% en Espagne et en Belgique.
En revanche, la structure de la profession et ses modes de régulation
constituent une spécificité française essentielle pour comprendre
la situation macro économique du secteur.
Une démographie non maîtrisée
Le
nombre dofficines en France est parmi les plus élevés en Europe.
On en dénombre 22 600, soit environ une officine pour 2500 habitants
contre une moyenne européenne dune pour 3300 habitants. Les
officines représentent 5,9% du nombre dentreprises de lensemble
du secteur du commerce de détail.
Nombre
dhabitants par officine en Europe
Source :
Guide des prestataires et des fournisseurs de lofficine. 1998
* en Belgique :
1/3 des officines détenues par des non pharmaciens
** en Italie : 1200 officines publiques, soit 7% du nombre
total (17200).
Les
officines sont inégalement réparties sur le territoire. Les disparités
sont inter-régionales et à lintérieur des régions, entre les
centres urbains et leurs périphéries. Pour une densité moyenne de
39 officines pour 100 000 habitants, des départements
tels que la Moselle, le Haut-Rhin, le Bas-Rhin en comptent 30, alors
que la Creuse, la Corse, la Lozère, Paris et lAllier en comptent
plus de 50.
50
à 60 pharmacies se créent par an (la croissance était de 250 par
an entre 1962 et 1991), mais le renouvellement est faible :
on compte 10 à 20 fermetures par an. On peut supposer que lencadrement
de lactivité assure à la fois la pérennité des petites pharmacies
dont la localisation génère peu dactivité et une rémunération
plus élevée aux points de vente placés dans des conditions plus
favorables. Dans ces conditions, loptimisation économique
pour lassurance maladie est loin dêtre atteinte.
En
outre, le nombre de pharmaciens diplômés par officine progresse
de 2% par an depuis 20 ans : ils sont 50 300 en 1999.
Alors que seulement 300 à 400 pharmaciens partent à la retraite
chaque année, 1000 à 2000 nouveaux diplômés cherchent à intégrer
une officine. Cet accroissement continu peut pousser indirectement
à une augmentation des coûts car elle suppose lemploi
de jeunes diplômés et louverture de nouvelles officines.
1999 : un nouveau dispositif de régulation
Le
système de marge dégressive a été contesté par les pharmaciens.
La concertation organisée en 96-97 sur ce sujet a débouché sur un
protocole daccord entre lEtat et les organisations professionnelles
en septembre 1998 : lEtat sengageait à prendre
des mesures concernant les implantations des officines, la rémunération
des pharmaciens, les génériques et les relations avec lassurance
maladie.
Laccord
conclu le 28 avril 1999 et larrêté du même jour prévoient
un nouveau système de rémunération, complété par diverses mesures
dincitation au développement des médicaments génériques (voir
notre article
pour le détail de cet accord). Parmi ces dernières, la marge applicable
sur le générique est alignée sur celle du produit de référence auquel
il est substitué, et le plafond des remises accordées sur les génériques
est porté à 10,74% (au lieu de 2,5%).
Les
actions jusque-là engagées pour encourager le développement du générique
ont échoué. Les génériques ne représentent que 5% du marché des
médicaments de ville, contre 10% en moyenne en Europe (et 35% en
Allemagne). Par le nouvel accord, les pharmaciens se sont engagés
à un objectif de substitution de 35% avant la fin 1999, soit
une diminution de 10,5% des prix moyens fabricant du répertoire
des génériques de lAgence
française de sécurité sanitaire et des produits de santé.
Enfin,
larticle 65 de la loi du 27 juillet 1999 (consultez
le texte
de loi) a modifié les conditions dinstallation, de transfert
et de regroupement des officines. Elle supprime notamment la possibilité
de créer des officines par dérogations et autorise, en lencadrant
strictement, le regroupement de deux officines situées dans
la même commune. Pour les communes dau moins 30 000 habitants,
le regroupement est possible si le nombre dhabitants par officine
nexcède pas 3000. Pour les communes de moins de 30 000 habitants
et plus de 2500, ce seuil passe à 2500 habitants par officine.
Les demandes de regroupement sont aussi déclarées prioritaires par
rapport aux demandes de transfert et de création dofficines
et les demandes de transfert prioritaires par rapport aux demandes
de création.
Quelles conséquences pour lassurance maladie ?
La
nouvelle marge est moins dégressive : les prix des médicaments
les moins coûteux (le plus souvent remboursés à 35%) vont baisser
et ceux des médicaments les plus chers augmenter. Le montant consacré
au remboursement de ces derniers (le plus souvent à 75%) sera plus
important et il nest pas sûr que la baisse du prix des produits
les moins chers compense cette augmentation.
Le
développement des génériques est un aspect essentiel de la maîtrise
de lévolution des dépenses. Néanmoins, limpact à court
terme des mesures sera faible. Dune part, lapplication
dune nouvelle marge, équivalente à celle du médicament princeps,
augmentera les coûts. Il faut souligner à cet égard que les génériques
inscrits au répertoire
de lAFSSAPS, qui bénéficieront des mesures dincitation,
représentent actuellement 20% du chiffre daffaires des molécules
concernées par la substitution. Dautre part, lobjectif
de réduction de 10,5% du prix fabricant moyen des médicaments génériques
ne générera quune économie de lordre de 7% pour lassurance
maladie du fait du relèvement de la marge des officines.
Suite
et fin (4/4)
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novembre 1999
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