Mai
1999
Le
panier de soins de lOregon en ligne
Dominique
ETIENNE
Suite
et fin (2/2)
Outre la description
des services du programme de santé de lOregon, le site propose
une rubrique "bibliothèque-archives". On y trouve bien
sûr les incontournables documents et rapports officiels (tous téléchargeables)
mais surtout une rubrique "Data" qui recense toutes les
bases de données disponibles auprès de lOHPPR, sur simple
demande, sur des supports et sous des formats multiples. Y figurent
notamment les données dactivité hospitalière de tout lEtat,
qui, outre les dépenses des établissements, sont issues dune
méthodologie semblable à celle du PMSI français (RSA hospitaliers) :
elles servent de base pour le calcul des coûts de la prise en charge
hospitalière des pathologies du panier de soins de la liste prioritaire.
Un site riche, mais une présentation désuète
Le site de lOHPPR
offre ainsi un exemple concret dapproche coût-efficacité de
la couverture santé qui noublie pas la concertation avec les
premiers intéressés, à savoir les bénéficiaires de la prise en charge
: les rapports médico-économiques, les bases de données (population
et coût des prises en charge) et la liste des services prioritaires
constituent un outil non négligeable pour la réflexion assurantielle
et sont livrés dans la plus totale transparence. Cependant, ces
documents officiels et très académiques pourraient bénéficier dune
présentation en ligne plus "actuelle" : la présentation
est en effet monolithique et la forme peu attractive. Si lOHP
link station insouffle un peu de dynamisme à la bibliothèque, elle
est très hétéroclite et ne répond ni à une logique de navigation,
ni à une logique de référencement : elle recense en bloc les
sites des agences fédérales et de lEtat qui travaillent avec
lOHPPR ainsi que ceux dacteurs divers du secteur de
la santé américain (depuis lAMA, en passant Glaxo, jusquà
la FDA
). Linternaute ne soupçonne pas lintérêt
quil aurait à visiter lun de ces sites, et de la même
façon, aucun lien vers ces sites (ou dautres dailleurs)
ne vient enrichir les informations déclinées au fil des documents
en ligne. Le moteur de recherche interne au site, doté dun
mode demploi pourtant exhaustif, ne suffit malheureusement
pas à insuffler le dynamisme manquant
Les
fondements de la réforme
Le facteur
déclenchant de la réforme est une décision législative
de 1987 : labandon de la pris en charge des
transplantations dorganes par Medicaid. Après le
décès dune enfant qui navait pas pu bénéficié
dun don (un incident suivi de près par les média),
le président du Sénat réussit à convaincre de lintérêt
dune relecture fondamentale de la couverture santé
plutôt que celle de la seule transplantation. Le fondement
du plan est que lextension de la couverture nest
possible que si celle-ci possède des systèmes intrinsèques
de maîtrise des coûts. Et ceux-ci reposent sur deux concepts,
le "managed care" et la limitation des services
pris en charge.
- Laspect "managed
care" repose essentiellement sur lorganisation
du recours aux soins : les ¾ des bénéficiaires de Medicaid
de lOregon doivent choisir une HMO parmi celles
qui ont conclu un contrat avec le programme. LEtat
verse à lorganisme une prime mensuelle pour chaque
bénéficiaire, selon 4 catégories de risque. Lorganisation
de la prise en charge est en "filière", le
patient devant être adressé par son généraliste au spécialiste
ou à lhôpital. Le remboursement des soins hospitaliers
est intégré dans la capitation sur la base des DRG (léquivalent
américain des GHM).
- Cest le système
de "limitation des soins" ou services pris
en charge qui a été le plus innovant. Il a fait lobjet
de lattention la plus grande du gouvernement fédéral
et a aussi suscité de nombreuses controverses dans lopinion
publique américaine. Les deux points centraux sont lanalyse
coût-bénéfice, fondement de la définition du "panier
de soins" pris en charge, ainsi que la concertation
entre tous les acteurs du système de santé, une large
place étant laissée aux consommateurs.
Le
panier de soins
Les 4 facteurs
qui déterminent la composition de la liste des services
ou soins prioritaires sont les suivants : coût de
la prise en charge, durée du bénéfice induit, estimations
scientifiques selon lesquelles un traitement permet de
diminuer les symptômes et de prévenir les décès, opinion
des citoyens sur la gravité des symptômes et les handicaps
engendrés.
La première liste proposée dès 1989 est issue des
travaux de 50 panels de scientifiques. De plus, outre
de multiples réunions organisées pour recueillir lavis
des citoyens, un sondage téléphonique auprès de 1001 dentre
eux a été organisé. De nombreuses révisions ont eu lieu
avant daboutir à la première liste effective :
en effet, certains soins couverts par les programmes fédéraux
Medicaid ne faisaient plus partie des priorités de lOregon.
La place donnée à la concertation publique a été jugée
biaisée : beaucoup davis nétaient pas ceux
de bénéficiaires potentiels de Medicaid mais de citoyens
plus aisés.
L'Oregon décida d'élargir les catégories couvertes
par le Medicaid au sein de lEtat, grâce à sa propre
liste de soins pris en charge, différente de celle définie
au niveau fédéral.
La liste finalement acceptée et qui servit de base pour
la couverture Medicaid dans lOregon est strictement
fondée sur la notion de coût-efficacité. Elle est composée
de "couples" pathologies et traitements (libellés
en toutes lettres et codes CIM 9 correspondants),
hiérarchisés par ordre de priorité. Une ligne-seuil est
définie : tous les " couples "
figurant au-dessus de ce seuil font partie du panier de
soins. Dune part, la priorité donnée au diagnostic-traitement
est proportionnelle à la dimension préventive du traitement
et inversement proportionnelle à son coût. Dautre
part, pour certains diagnostics ou états de santé, les
traitements préventifs devancent les traitements curatifs.
La liste obtenue contenait ainsi 745 couples "diagnostic-traitement"
dont les 606 premiers étaient couverts par Medicaid.
Le seuil ainsi que la hiérarchie de la liste sont revus
annuellement par la Commission. Chaque révision de la
liste est accompagnée du rapport dun actuaire indépendant
qui doit permettre de déterminer les taux nécessaires
à la prise en charge des coûts du panier de soins.
Des
résultats qui contrent lidée de "rationnement
des soins"
En 1995,
on comptait 180 000 nouveaux citoyens bénéficiaires
de la couverture Medicaid pour le panier de soins ainsi
défini. On espérait que les nouveaux bénéficiaires profiteraient
plus tôt quauparavant de soins peu coûteux et désormais
pris en charge, au lieu de se soigner tardivement et dans
lurgence, à des stades plus avancés et plus graves
de leur maladie. Les chiffres ont confirmé cette hypothèse :
en effet lOAHHS (Oregon Association of Hospitals
and Health Systems) a pu noter une diminution de 5,3 %
du recours aux urgences hospitalières entre 1993 et 1994,
et 1 % de diminution du nombre de consultations en
urgence dans les cliniques privées.
Le recours aux soins gratuits (dons issus des associations
caritatives) dans les hôpitaux publics, mais également
le nombre de citoyens recevant " laide
aux familles avec enfant à charge", ont diminué.
Sur ce dernier point, lhypothèse est que certains
des nouveaux bénéficiaires de Medicaid (en dessous du
seuil de pauvreté) ont pu arbitré entre assistance et
travail, et accepter des emplois noffrant pas de
couverture maladie.
Depuis 1995, des changements ont eu lieu, notamment afin
de réduire le coût global du programme. Lune des
conséquences principales est la diminution du panier de
soins : le seuil sur la liste prioritaire est passée
de la "ligne 601" à la 581ème. Ceci ne
devrait avoir que peu de conséquences pour la majorité
des bénéficiaires : les "diagnostics - traitements"
de fin de liste sont estimés comme les moins efficients.
Aujourdhui, la liste contient 743 couples :
le premier dentre eux est le traitement médical
et chirurgical des blessures à la tête, des hématomes
et des dèmes avec pertes de conscience ; le
second est le traitement médical du diabète-insulinodépendant
et, l'on trouve en fin de liste lintervention chirurgicale
sur la cornée dans les troubles de réfraction et de laccommodation.
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