Les
essais thérapeutiques
et l'Internet :
les patients sont prêts
Christine
BOUCHET, Christophe
BEGUIN
8 octobre
1999
Suite et fin (2/2)
Les solutions
techniques existent
Plus d'une quinzaine
de produits sont proposés sur le marché.
Il s'agit d'un système
intégré, qui autorise la saisie de données à distance sur un browser
Web. Aucune donnée n'est stockée en local. Le système est entièrement
sécurisé, les données sont encryptées à 128 bits pour le transfert
par l'Internet et le serveur central est protégé par un firewall.
Des rapports sont générés régulièrement sur la base de données.
Ce système permet une
approche "zéro papier" de l'essai thérapeutique, grâce
à la technologie Internet.
Bleicher, l'un des
fondateurs de Phase Forward, estime que chaque jour de gagné dans
la procédure de mise sur le marché permet d'augmenter les bénéfices
d'un à deux millions de dollars (dans le cas où le médicament est
effectivement mis sur le marché). La solution Internet permettrait
de gagner 12 à 15 semaines par an.
Le coût de l'essai
thérapeutique en ligne n'est cependant pas négligeable : le coût
d'un projet pourrait aller de 300 000 à plusieurs millions de dollars,
en fonction de l'assistance nécessaire.
InForm a été lancé
en décembre 98. PhaseForward aurait déjà passé des accords avec
des membres de l'industrie pharmaceutique, notamment le laboratoire
Eli Lilly. En Avril 99, six essais thérapeutiques on line auraient
déjà été initiés.
Internet Clinical Trial
Manager est également une solution logicielle permettant la saisie
de données sur un browser Web, la sauvegarde dans une base de données
centrale, le monitoring du projet en temps réel.
La solution est utilisée
au Brain Tumor Center au Massachusetts General Hospital.
Une version Web de
la solution serait utilisée par Glaxo Italy.
- Medcost propose également une solution
pour mettre en place des essais cliniques en ligne.
- Il faut également citer UnifyIT
de Persimmon-Cato alliance, Quest Advantage Suite de TechniLogix,
Avantec, ClinTrial de DomainSolutions.
D'autres industriels
proposent des solutions intermédiaires entre le tout Web et la saisie
en local. Metatrial,
la solution de CB technologie, mise sur le marché en janvier 1999,
possède une architecture hybride associant la technologie Internet
et une application Windows classique, pour permettre à l'utilisateur
de travailler on-line ou off-line.
Les essais en cours
Si de nombreuses informations
existent sur les solutions techniques proposées, il est pour l'instant
difficile de connaître les acteurs de l'industrie pharmaceutique
qui se sont lancés dans l'aventure. Il semble que la plupart restent
prudents et testent la formule sur un seul essai, certains envisagent
dans l'avenir le "zéro papier" mais préfèrent temporiser.
En 1997, les cardiologues
de l'université de Floride ont lancé une vaste étude, l'étude INVEST
(International Verapamil / Trandolapril study), sponsorisée par
Knoll AG/BASF
Pharma. Il s'agit de comparer l'efficacité d'un inhibiteur calcique
et d'un bétabloquant dans l'hypertension. Le budget de l'étude est
de 30 millions de dollars, l'objectif est de faire participer 1
500 médecins incluant 27 000 patients de 9 pays différents. L'ensemble
du projet est basée sur la technologie Internet et l'application
a été écrite en Java et JavaScript. Un ordinateur et une connexion
Internet sont fournis à chaque médecin participant à l'étude, seul
un navigateur Web est nécessaire pour compléter le CRF. Les données
sont validées en temps réel et transférées immédiatement.
"We have the ability
to totally conduct the trial by electronic means, rapidly enrolling
thousands of patients in four to six months and monitoring them
for two years with immediate tracking of all data"2,
annonce le Dr Carl Pepine, initiateur de l'étude.
A l'heure actuelle,
5 439 patients ont été inclus dans 550 sites de 10 pays, mais la
majorité des sites sont aux Etats-Unis. L'étude devrait encore durer
deux ans. La solution logicielle a été acquise par des industriels,
et de nouveaux essais sont en projet.
Les hésitations de l'industrie pharmaceutique
Il semble donc qu'il
existe un décalage entre la technologie, qui est très au point,
et l'utilisation qui en est faite qui demeure relativement faible.
Les industriels du médicament se lancent prudemment, et les CROs
restent dans l'expectative.
Effectivement, le passage
à une gestion totalement électronique de l'essai thérapeutique représente
un réel changement de métier, et ne peut se faire immédiatement.
Une telle transition a nécessairement un coût d'adaptation non négligeable.
Les laboratoires doivent investir dans des solutions techniques,
former leur personnel et les médecins investigateurs.
Par ailleurs certaines
inquiétudes persistent, notamment au sujet de la sécurisation du
transfert de données sur l'Internet "public". Le fait
de ne plus disposer de sauvegardes des CRF au format papier fait
également reculer certains décideurs.
Cependant, beaucoup
s'accordent à dire que l'Internet est la solution d'avenir. "It
is just a matter of time"3, d'après
Robert Musterer de Bayer Corp.
Les médecins, aux Etats-Unis
en tous cas, sont prêts, puisque 85% des professionnels de santé
y sont connectés à l'Internet.
Le gain de temps potentiel
et l'accès aux données en temps réel sont des arguments de poids
pour les professionnels de l'industrie pharmaceutique. Par ailleurs
les solutions techniques vont continuer à s'améliorer, les temps
de transfert vont diminuer, les technologies wireless seront moins
coûteuses et plus facilement disponibles. La FDA semble également
encourager la gestion électronique des essais cliniques, puisqu'elle
prévoit de définir des guidelines pour une procédure de soumission
des dossiers totalement électronique ("paperless") en
2002. En France, la législation évolue, et le projet de loi portant
adaptation de la preuve aux technologies de linformation et
relatif à la signature électronique (septembre 99) prévoit de reconnaitre
ladmissibilité comme mode de preuve de lécrit électronique,
supprimant un des derniers obstacles à la gestion sécurisée des
échanges électroniques.
Les applications avancées
L'intervention
du patient
Aux Etats-Unis, un
nombre croissants de patients ou de proches de patients ont pris
lhabitude dutiliser lInternet comme un outil dinformation
et de communication indispensable pour leur prise en charge. La
relation patient-praticien est en train dévoluer à un rythme
accéléré. Le grand public accède à des données que les praticiens
nont pas pris le soin jusquà présent de diffuser et
que parfois ils ne connaissent pas eux-mêmes. Les praticiens sont
désormais jugés par leurs patients, décidés à vérifier les compétences
de leur médecin et le bien-fondé de ses décisions.
Le site Home
Access par exemple propose aux patients des informations sur
l'hépatite C et le virus HIV. Les patients peuvent commander des
tests de dépistage sur le site et solliciter les conseils d'experts.
Dans
le cadre des essais thérapeutiques, le patient peut être également
être amené à avoir un rôle actif dans la saisie des données. Certains
CRF intègrent des auto-questionnaires (type questionnaires de qualité
de vie par exemple) que le patient peut être amené à remplir au
cabinet du médecin investigateur.
Le
recueil automatique de données
Dans le cadre du réseau
de soins sur le diabète géré par Medcost, le patient diabétique
dispose d'un appareil qui lui permet de mesurer sa glycémie et mémorise
les valeurs successives de la glycémie. Lorsque le patient va chez
son médecin pour la visite de contrôle, celui-ci connecte l'appareil
à son micro ordinateur, et les données de glycémie du patient sont
ainsi intégrées au dossier médical partagé du patient.
Ce type de recueil
par le patient - données biologiques, ECG, peak-flow - serait tout
à fait transposable au contexte de l'essai thérapeutique en ligne,
et pourrait permettre la surveillance de paramètres liés au traitement
testé par acquisition automatique des données.
A l'avenir les progrès
de la domotique permettront un véritable monitoring des patients
à domicile et la télémédecine contribuera aux progrès de la recherche
clinique.
La
sélection des patients pour les essais
L'American
Oncology Resources a mis au point une solution fondée sur la
technologie de lInternet pour " scruter " les dossiers
médicaux de patients atteints de cancers, disponibles sur son réseau
informatique sécurisé. De manière continue, lAOR SecureNet,
confronte les caractéristiques des patients pris en charge par les
praticiens de lAOR aux critères des expérimentations cliniques
en cancérologie, en cours ou en projet. Dès quun patient est
repéré, un courrier électronique est envoyé à son médecin, son infirmière,
ou encore à lARC de lexpérimentation clinique.
La solution technique
met ainsi en relation plus de 40 centres dans 18 états différents,
et analyse en temps réel près d'un million de dossiers médicaux.
La constitution de
bases de données patients comportant au minimum la pathologie, au
mieux l'ensemble du dossier patient, peut donc permettre un recrutement
ciblé pour certains essais. Ce type d'approche peut également être
envisagé pour un éditeur de logiciels médicaux, qui centraliserait
certaines données et pourrait utiliser cette base pour constituer
des panels de patients potentiellement candidats à un essai.
Les
aspects sécurité
Ce type de réalisations
évoluées sur l'Internet, impliquant le professionnel de santé, les
patients, les CROs ou les laboratoires ne peut bien entendu s'envisager
qu'à condition que les échanges d'information soient parfaitement
sécurisés, et que les acteurs soient authentifiés.
Les procédures doivent
permettre de respecter parfaitement le secret médical et la confidentialité
des données. Elles doivent respecter le cadre légal de l'essai (Loi
Huriet), et être en conformité avec les exigences de la CNIL.
Début Septembre, Elisabeth
Guigou a présenté en Conseil des ministres un projet de loi consacrant
la valeur juridique de la signature électronique. Le projet adapte
le droit de la preuve aux technologies de l'information, et définit
la notion de signature électronique. Les mesures devraient être
votées avant l'été 2000.
La signature électronique,
basée sur des technologies variées (code secret, cryptographie symétrique
ou asymétrique, signature biométrique,
), pourra ainsi jouer
le même rôle que la signature manuscrite dans les affaires traditionnelles,
et aura la même valeur juridique. L'identité des différentes parties
et l'authenticité de leurs écrits seront donc totalement assurées.
Le consentement éclairé du patient pourra donc être recueilli "on
line". A quand les essais "zéro papier" en France
?
Conclusions
L'Internet semble sur
le point de modifier profondément le concept de l'essai thérapeutique.
Grâce aux progrès de la technologie qui permettent maintenant d'assurer
l'authentification des intervenants et le transfert sécurisé des
données, les essais thérapeutiques pourront se faire totalement
en ligne. A l'avenir, les évolutions techniques et culturelles devraient
permettre de faire jouer un rôle plus actif au patient. La recherche
clinique, le data management, la FMC, la télémédecine et le disease
management s'intégreront dans des applications communes.
(2)
Nous avons la capacité de gérer l'essai de façon totalement électronique,
d'inclure des milliers de patients en quatre à six mois, et de les
suivre pendant deux ans en accédant aux données en temps réel.
(3)
C'est juste une question de temps.
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