Août
1998
Cédric
TOURNAY
Un
magazine en ligne prospère
Chaque année à lapproche
de lété, les " dossiers spéciaux " consacrés
au corps, au bronzage et à lharmonie sexuelle fleurissent
dans les magazines féminins et autres revues grand public. Ceux
que ces phénomènes agacent se garderont de condamner trop violemment
ces marronniers :
ailleurs, cest pire. To thrive en anglais signifie
prospérer, avoir la forme. Thriveonline est donc au
Web ce que Top santé magazine est à la presse : un service
de vulgarisation médicale qui balance constamment entre le scoop
charlatanesque et la simplification pédagogique. Le " dossier "
consacré en ce moment à la sclérose en plaques (SEP) lillustre
bien : à côté dune présentation
plutôt bien faite de la maladie sous un titre accrocheur :
" Youre not alone ", " vous
nêtes pas seul " - le lecteur trouvera des liens
hypertextes le renvoyant vers des exercices de Yoga
ou de maîtrise de son stress.
Naturellement, il nest pas dit que ces méthodes permettent
de soigner la SEP. Pourtant, lorganisation du contenu et le
design du chapitre prêtent à confusion.
Très modestement, Thriveonline
se présente comme le N°1 des sites médicaux grand public. Il affronte
sur ce terrain Mediconsult
et prétend apporter " la meilleure information sur la
médecine,
la forme,
le sport,
les régimes
et la sexualité ".
Pour accomplir ce vaste programme, le service mobilise une large
équipe. Le Dr.
Gardos, par exemple, soccupe des questions de sexualité.
En
ce moment, il est débordé par les questions portant sur le Viagra
(peut-on en prendre avec du poppers ?).
Heureusement, il est assisté par Delilah
pour le courrier du cur. De nombreux autres
experts peuplent les différentes rubriques du site.
Le mélange des genres
neffraie pas la rédaction. Dans un style hyper-concis, le
lecteur apprend que 114 millions dactes sexuels sont réalisés
chaque jour dans le monde (source : OMS),
que 15 % de la population mondiale pratique la circoncision (info
brute), que le bon Docteur Kellogs réprouvait le sexe ou quon
ne peut pas attraper le Sida dans les toilettes publiques (sauf,
ajoute le journaliste, si vous avez un rapport non protégé dans
ce lieu). Lensemble de ces brèves (Hot
trivia) sont proposées comme autant de points de départ pour
initier une discussion dans vos soirées.
Au sein de ce vaste
ensemble, linteractivité nest pas oubliée. Les utilisateurs
peuvent donner leur avis sur une multitude de sujet : lasthme
(que faites-vous si une crise vous prend au cinéma à cause dune
irresponsable trop parfumée assise devant vous ?), la ménopause
(si la science le permettait, choisiriez-vous de ne pas subir cette
étape ?), la contraception
(les assureurs doivent-ils la rembourser ?) ou les problèmes
de poids (jusquoù iriez-vous pour en perdre : régime,
substituts de repas, médicaments, liposuccion, thérapie génique ?).
Récemment, la question du jour (hot poll) était même dédié au cybersexe.
14 % des utilisateurs affirment lavoir déjà pratiqué avec
leur partenaire.
Le site propose également
des forums de discussions, particulièrement actifs, et des quizz
pour évaluer votre risque cardio-vasculaire, déterminer si vous
avez de lasthme ou savoir si vous êtes prêt à arrêter de fumer.
Cette formule de journal
médical séduit un très large public aux Etats-Unis. Le contraste
est impressionnant par rapport à un service comme Health
Care News Server, qui na jamais réussi à intéresser les
patients et les assurés. Grâce à des taux de fréquentation records,
Thriveonline bénéficie dun soutien publicitaire très important.
Il saffirme ainsi comme le principal portail
santé à destination du grand public, grâce à un positionnement
moins strictement médical que celui de Mediconsult.
Ce faisant, Thriveonline
participe au développement du pouvoir consumériste en santé. Le
Dr.
Bill propose aux utilisateurs de devenir des " activistes
médicaux " afin de " faire
entendre leur voix " (à Washington notamment). Vous
pouvez également devenir un " patient
puissant ", pour bénéficier des meilleurs
soins possibles (grâce à des guides permettant de sélectionner
votre assurance, votre médecin, votre hôpital), recevoir un deuxième
avis sur un diagnostic ou partager vos préoccupations avec les
autres
patients.
Lenthousiasme
des utilisateurs confirme que la santé figure bien parmi les principaux
pôles dintérêt sur lInternet. Avec 1 600 000 visiteurs
par mois, Thriveonline appartient maintenant au top 100 des site
Web. Une réussite exemplaire pour America Online et Time, cofondateurs
du service. Ce bouleversement montre que les " media entreprises "
sont appelées à jouer un rôle croissant en santé grâce à leur maîtrise
de lopinion publique et aux modes originaux de prise en charge
quelles suscitent. Les plus grands praticiens américains participent
presque tous à des services en ligne aujourdhui. Des organismes
comme le Cancer Research Institute ou lAmerican
Lung Association sollicitent maintenant léquipe de Thrive
pour organiser conjointement des campagnes dinformation ou
de dépistage, conscients du formidable impact quoffre un tel
service en matière de santé publique.
Léquilibre qui
sinstaure aujourdhui entre entreprises médiatiques et
professionnels de santé dépendra largement de la capacité de ces
derniers à communiquer avec le grand public, notamment par le biais
des nouveaux médias. La Mayo Clinic, toujours à la pointe des
évolutions du secteur santé, la bien compris. Elle vient douvrir
Health Oasis,
site dédié au grand public pour ouvrir létablissement sur
le cybermonde.
Maronnier
: On désigne par ce terme les contenus journalistiques (reportages,
articles, " dossiers ") prêts-à-lemploi
et utilisés périodiquement (en fonction des saisons par exemple)
pour pallier le manque dinspiration ou la vacuité de lactualité.
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août 1998
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