Le Réseau
Santé Social n'a rien à envier à ses "homologues étrangers".
Aux Etats-Unis, l'informatisation du système de soins pâtit de la
"balkanisation" informatique du secteur de la santé, née
de la multiplication des systèmes propriétaires. Les tentatives
d'homogénéisation se sont soldées par des semi-échecs comme en témoigne
l'aventure de la société Healtheon,
créée en 1995 par Jim Clark, fondateur de Netscape.
L'idée était la suivante : remplacer les milliers de systèmes
propriétaires par une plate-forme unique reposant sur les technologies
Internet/Intranet. Si les partenariats espérés avec les assureurs
et les organisations de soins se font attendre, la société a su
séduire un certain nombre de professionnels de santé en leur proposant
un système informatique simple, universel qui les décharge de la
paperasserie administrative.
Les observateurs américains
déplorent la complexité des procédures de gestion des dossiers des
assurés sociaux (dossier administratif ou médical) qui constitue
un frein, sans doute volontaire, au passage des assurés d'une organisation
de soins à une autre. Les milliers de prestataires informatiques
spécialisés dans le domaine de la santé cherchent aujourd'hui à
rendre leurs produits et leurs services compatibles avec le monde
Internet-Intranet, dont les standards influencent l'évolution de
l'informatique. Ils tentent de rassembler leurs forces, parfois
défaillantes (carence des réseaux de distribution, manque de moyens
en recherche et développement), en s'engageant dans un vaste mouvement
de concentration. L'enjeux est de taille : acquérir assez de
poids pour imposer ses solutions comme standards de facto
sur un marché où coexiste une multitude de normes d'échange d'informations.
Ce mouvement ne devrait pas aboutir à une situation monopolistique
en raison de la complexité et de la lourdeur des outils. Environ
500 sociétés, organisées autour de la plate-forme Intranet/Internet,
se disputeront le marché de l'informatique médicale ces prochaines
années.
Les autorités américaines
ont tenté de remettre un peu d'ordre dans le secteur de l'informatique
médicale en légiférant. Elles entendent en quelque sorte mettre
en place un RSS
virtuel, à ceci près qu'il n'est pas question de concession de service
public. Ce réseau logique serait en effet implémenté par l'ensemble
des acteurs qui intégreraient dans leurs solutions les standards
retenus par l'administration en concertation avec les industriels
du secteur. Depuis 1996, les industriels et les acteurs médicaux
sont tenus en vertu de la loi (Health Insurance Portability and
Accountability Act) de définir ensemble des standards dinteropérabilité
et de protection des données confidentielles dici 1999. Le
Ministère de la santé
américain a également invité le Congrès à voter une loi sur la confidentialité
des données médicales avant août 1999. De même, il a défini un cahier
des charges pour établir une norme unique de télétransmission des
feuilles de remboursement. Toutefois, les contradictions législatives
et les blocages administratifs entravent singulièrement l'application
de la loi. Les faibles pénalités infligées aux éditeurs de logiciels
qui ignorent le processus de normalisation sont dénuées d'effets.
De plus, les sociétés d'informatique médicale sont surtout préoccupées
par l'éventualité du grand bug de l'an 2000, aux conséquences
désastreuses pour le domaine de la santé. Pourtant, les économies
générées par la loi pourraient être considérables.
En Allemagne, le Réseau
de la santé (Das Deutsche
Gesundheitsnetz) est accessible aux professionnels de santé
identifiés par le biais de cartes à puces, mais également de manière
restreinte aux patients et internautes étrangers. En Grande-Bretagne,
le NHSNet est géré par un consortium d'industriels mais reste piloté
par le ministère de la Santé britannique. Il remplit les mêmes fonctions
que le RSS (télétransmission des feuilles de soins, échanges entre
médecins ou accès à des services d'information agréés par les pouvoirs
publics). Toutefois, il est insuffisamment sécurisé pour accueillir
le déploiement d'applications médicales.
Lorsque l'Etat n'intervient
pas, le marché de l'informatique médical se caractérise d'abord
par la multiplicité des acteurs, souvent de taille trop modeste
pour être rentables. De plus, l'hétérogénéité des décisions micro-économiques
et le contexte concurrentiel instable freinent toute tentative de
normalisation. Un mouvement de concentration s'amorce alors qui
élimine les acteurs les moins performants. Un monopole naturel s'établit
progressivement. Le processus s'accélère quand l'Etat décide de
réglementer le secteur : seules les sociétés capables de s'adapter
au nouveau contexte réglementaire se maintiennent sur le marché.
L'informatisation des
professionnels de santé reste un casse-tête pour bien des pays.
Les éditeurs tentent souvent de séduire les praticiens de santé
en leur proposant des solutions clef en main et des forfaits avantageux.
Les pays en développement
ne sont pas en reste. Nombre de pays émergents (Amérique latine,
Asie) sont en train de se doter de systèmes d'information médicaux
perfectionnés qui satisfont les plus récents standards. Bénéficiant
de l'expérience des pays développés, ils ne tombent pas dans les
mêmes pièges. Pourtant, paradoxalement, ces pays doivent encore
régler certains problèmes élémentaires, tels que l'alimentation
électrique des établissements de santé ou l'organisation des services
d'urgence. De même, la stabilité économique requise leur fait souvent
défaut. En outre, ils doivent faire appel aux sociétés occidentales,
notamment américaines. En effet, contrairement à leurs homologues
français, les éditeurs américains, puissants et très spécialisés,
profitent du dynamisme du marché local pour s'imposer sur la scène
internationale. Les prestataires français ne possèdent pas la masse
critique nécessaire pour exporter leurs solutions.
Depuis quelques années,
la télémédecine s'est démocratisée, devenant un enjeu industriel
international. A l'image du réseau implémenté par la Mayo
Clinic, les projets internationaux de télédiagnostic, téléformation
et téléchirurgie se multiplient, facilités par l'interconnexion
généralisée des infrastructures de télécommunication au niveau mondial
autour d'Internet. Certains experts évoquent même l'émergence prochaine
d'un "système international de délivrance des soins",
possible à trois conditions : consolidation des infrastructures
des pays émergents, amélioration de la sécurité des échanges et
mise en place de standards internationaux en matière d'informatique
médicale.
Aux Etats-Unis, le
Web constitue une source d'informations médicales en plein essor
qui confère au patient internaute une nouvelle forme de pouvoir.
Ce dernier tend à se montrer de plus en plus exigeant vis-à-vis
de son médecin et à solliciter un deuxième avis médical sur des
sites spécialisés (Mediconsult,
Thriveonline ou Thepillbox).
De même, l'inclusion des patients et le recueil de données dans
le cadre des essais cliniques font leur apparition sur le Web. La
plupart des sites ont pour ambition d'orienter et de conseiller
le patient, voire de lui vendre des produits pharmaceutiques. Les
pharmacies électroniques ont le vent en poupe. Il est désormais
possible de renouveler son ordonnance et de suivre l'état de sa
commande (Medco)
par voie électronique. La multiplication des sites médicaux amène
à s'interroger sur la fiabilité de leur contenu. A cet égard, des
labels de qualité sont décernés et le Ministère de la santé américain
a lancé un site destiné à guider le patient (Scipich,
présenté en détail dans notre rubrique Site
du mois).
La population, insatisfaite
de l'offre de soins traditionnelle, se tourne vers l'Internet médical
qui devient ainsi le révélateur des manques de la médecine classique.
On peut cependant craindre que les plus démunis ne soient privés
des progrès de la télémédecine, malgré la baisse des prix des équipements
informatiques.